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Les réseaux sociaux en ligne et la vie privée

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par Marie FAGET
Université Paris II Panthéon-Assas - Master 2 Droit du Multimédia et de l'Informatique 2008
  

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INTRODUCTION

« Internet est avant tout un espace d'expression humaine, un espace international qui transcende les frontières, un espace décentralisé qu'aucun opérateur ni aucun Etat ne maîtrise entièrement, un espace hétérogène où chacun peut agir, s'exprimer et travailler, un espace épris de liberté»1. Dans ce rapport datant de 1998, l'urgence de protéger les données personnelles et la vie privée des individus dans l'univers numérique se manifestait déjà.

Dix ans plus tard, cet enjeu de protection se pose avec une acuité grandissante avec le développement des réseaux sociaux en ligne.

Les réseaux sociaux en ligne peuvent être définis comme l'ensemble des sites qui permettent de mettre en relation des personnes (ami, connaissance, collègue,)2 rassemblés en fonction de centres d'intérêts communs, comme par exemple les goûts musicaux, les passions ou encore la vie professionnelle3.

Les réseaux sociaux s'inscrivent dans le cadre du web 2.0, terme inventé par Dale Dougherty et popularisé en 2004 pour désigner « la nouvelle génération de site Internet et d'internautes qui utilisent des interfaces permettant d'interagir avec le contenu des pages »4 Le passage au web 2.0, web communautaire et interactif, a multiplié les communautés virtuelles en diversifiant les possibilités de connections entre profils d'internautes et les types d'objets mis en partage.

Les réseaux sociaux se sont imposés en l'espace de 6-7 ans pour constituer aujourd'hui de véritables phénomènes de société puisqu'en décembre 2008 près de 64% des internautes français les consultent, soit plus de 21,7 millions de personnes en France5. Le leader des

1 J-F Théry, I. Falque-Pierrotin, « Internet et les réseaux numériques », étude adoptée

par l'Assemblée générale du Conseil d'Etat le 2 juillet 1998, La Documentation française, 1998, disponible sur http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/984001519/0000.htm

2 http://www.nicolas-bermond.com/social-networking/definition-site-de-social-networking-6

3 http://lewebpedagogique.com/usagetic/category/veille-pedagogique/

4 AJ Pénal n° 3/2009 de mars 2009, Dossier Cybercriminalité : morceaux choisis p. 120.

5 http://www.01net.com/editorial/403740/le-chiffre-du-jour-64-pour-cent-des-internautes-francais-frequententdes-reseaux-sociaux/

réseaux sociaux dans l'Hexagone est le site Facebook qui enregistre 12 millions de visiteurs soit une progression de 443% en un an entre décembre 2007 et décembre 20086.

Histoire et diversité des réseaux sociaux

Les jeunes de moins de 18 ans étant grands consommateurs de nouvelles technologies, les sites de réseaux sociaux se sont d'abord tournés vers eux7. Ainsi le premier réseau social en ligne, classmates.com lancé en 1995, avait pour finalité de mettre en relation des camardes de classes. Il fut suivi en 1997 par sixdegree.com puis par Friendster en 2002 dont le but était de permettre aux membres de ce site de rester en contact avec leurs amis et de faire de nouvelles connaissances. Le concept de réseau social a été réellement popularisé par l'arrivée du site Myspace en 2002, dans lequel l'utilisateur se crée un espace personnel à son image et partage ses passions avec les personnes qu'il a accepté comme « ami »8 pour ce site. Facebook, site de réseau social généraliste d'abord réservé aux étudiants d'universités américaines connait aujourd'hui un succès mondial. En février 2009, le site enregistre près de 175 millions d'abonnés à travers le monde9.

Les derniers réseaux sociaux en ligne sont davantage tournés vers des sujets spécifiques tels le sport (par exemple the IPL Fan Club, un réseau social pour les fans de criquet), les passions diverses (The Rising, le réseau social de Steven Spielberg pour les fans de science fiction et de phénomènes paranormaux) ou vers les professionnels (Linkedln, Viadeo en sont des exemples).

La mise en scène de soi

Dans « L'ère du vide », le philosophe Gilles Lipovetsky10 décrit l'avènement d'une société postmoderne, hyper-individualiste dans laquelle l'individu, absorbé par lui-même, personnalise ses objets quotidiens dans le but de se distinguer des autres. Ce livre, écrit dans les années 80, pressentait l'arrivée d'une société à l'individualisme exacerbé par deux grandes

6 http://www.secrets2moteurs.com/reseaux-sociaux-france-facebook.html.

7 F Pisani et D Piotet « Comment le web change le monde : l'alchimie des multitudes » éditeur village mondial, 2008 p.17.

8 Le terme « ami » sera utilisé tout au long de ce mémoire pour identifier les membres de Facebook qu'une personne a accepté dans sa liste de contact et qui peuvent interagir sur sa page personnelle. 9tempsreel.nouvelobs.com/depeches/medias/20090219.REU9164/volteface_de_facebook_sur_ses_conditions_d utilisation.html.

10 G. Lipovetsky « L'ère du vide : essais sur l'individualisme contemporain », édition Gallimard 1983

tendances11 : un processus de subjectivisation, d'extériorisation de soi oü l'individu se définit plus par ses actions que par son moi intérieur ; et un processus de simulation de soi caractérisé par une tension entre l'identité très réaliste de la personne dans la vie physique et une projection, simulation de soi dans l'univers virtuel (qui aujourd'hui est internet).

Les réseaux sociaux en ligne s'inscrivent dans cette recherche de sublimation de l'image de soi: les profils permettent de sculpter l'image que les personnes souhaitent montrer d'elles méme, l'utilisateur cherchant à gérer l'impression qu'il peut avoir sur les autres. Par des photos, des commentaires laissés sur le profil de ses amis, l'individu recherche l'approbation de ses pairs et se met ainsi en scène12. Toutefois l'identité numérique est aussi complexe que l'identité dans le monde physique. En effet, nous n'avons pas une identité mais des identités qui sont pléthores/multiples en raison de la variété de nos facettes/humeurs, des situations, des personnes auxquelles nous nous adressons. Cette multiplicité de l'identité se retrouve dans l'espace numérique et est relatif : tantôt très visible, tantôt plus obscur.

Typologie des réseaux sociaux

Selon Dominique Cardon, sociologue au laboratoire Sense d'Orange Labs, on peut classer les réseaux sociaux selon trois grands types de plateforme en fonction du degré de visibilité que chaque site confère au profil de ses membres13 : le réseau social paravent est un réseau ouvert dont le modèle type est le site de rencontre. L'identité de la personne est définie par un certain nombre de critères très objectifs le décrivant mais l'individu ne se dévoile pas réellement et se cache derrière un pseudonyme. La personne ne dévoilera son identité civile qu'après un long processus d'interaction progressifs : d'abord sur le site via sa fiche profil, puis par mail, messagerie instantanée, téléphone et enfin par une rencontre dans la vie réelle. Le réseau social clair-obscur se caractérise par la visibilité de l'intimité, du quotidien, de la vie sociale de la personne mais auprès d'une communauté limitée et connue dans la vie réelle. L'utilisateur n'a pas conscience de s'adresser à l'espace public mais à un petit cercle d'amis. Les tiers n'accèdent que difficilement à la fiche de la personne, soit parce que l'accès est limité, soit parce que l'imperfection des outils de recherche sur la plateforme Internet rendent

11 D. Cardon « Le Design de la visibilité. Un essai de cartographie du web 2.0 » dans la revue Réseaux : Communication,-Technologie,-Société Volume 26 n° 152/2008 p.95 &s.

12 D.Boyd « production d'identité dans une culture en réseau » traduction dans Métamorphoses 21 « Culture numérique, Cultures expressives ».

13 D. Cardon « Le Design de la visibilité. Un essai de cartographie du web 2.0 » dans la revue Réseaux : Communication,-Technologie,-Société Volume 26 n° 152/2008 p.95 &s.

cet accès complexe et difficile. Dans ce type de réseau social, ceux qui se connaissaient déjà dans le monde réel enrichissent, renforcent leur relation par des échanges virtuels qui leur permettent aussi d'entrer en contact avec la nébuleuse des amis d'amis. L'exemple type de ce modèle de réseau social est Skyblog.

Le dernier type de réseau social est le modèle phare qui cumule les deux caractéristiques des modèles précédemment envisagés : les participants rendent visibles de nombreux traits de leur personnalité en donnant des informations sur leurs goûts, leur intimité, leur identité civile (modèle clair-obscur) et leurs profils sont accessibles à tous (modèle paravent). Le but des utilisateurs du modèle phare est de partager des contenus tels que la photo (Flicker par exemple), la vidéo (YouTube par exemple) ou la musique (MySpace par exemple). Les amis sont des moyens de gagner en visibilité sur le site et donc le compteur d'amis est souvent énorme.

Chaque site de réseau social propose donc une politique de visibilité spécifique et cette diversité des visibilités permet aux utilisateurs de montrer sur chaque type de réseau social une partie de leur identité. Toutefois de nouvelles pratiques se développent dans l'univers des réseaux sociaux et font apparaître une interconnexion entre des univers autrefois bien délimités. Facebook est au coeur de cette recomposition puisque les utilisateurs, derrière leur nom propre, mêlent de plus en plus amis, collègues et inconnus.

Présentation de Facebook

Facebook s'est propagé à travers le monde à une vitesse impressionnante. Créé en 2004 par un étudiant d'Harvard, Mark Zuckerberg, ce « trombinoscope » (signification du nom Facebook en anglais) était d'abord réservé aux élèves de cet établissement avant de s'ouvrir aux étudiants de grandes écoles ou d'université par vérification de l'adresse électronique de l'étudiant14. Depuis septembre 2006, le site est ouvert à tous les internautes, ce qui a largement contribué à son succès. Le modèle même du site incite les membres à publier sur le réseau social toujours plus de données, parfois méme sans qu'ils s'en rendent compte : dès l'inscription, le nouvel arrivant est invité à donner des informations sur ses caractéristiques stables et durables (état civil, études, adresse de domiciliation, numéro de téléphone) mais aussi sur ses signes d'identité beaucoup plus mouvants tels que ses opinions politiques, ses préférences sexuelles, ses centres d'intérêts. Il peut également agrémenter son

14 E. Delcroix et A. Martin « Facebook, on s'y retrouve » édition Pearson p 7.

profil d'une photo qu'il pourra modifier ultérieurement par toutes les photos mises en ligne le concernant. Facebook propose des fonctionnalités optionnelles nommées « applications » qui apparaissent à l'affichage de la page de profil de l'utilisateur.15 Les plus courantes sont la liste de ses amis et des groupes auxquels le membre appartient, un « mur » permettant à ses amis de laisser des messages, vidéos, documents multimédias, un mini-blog nommé « statut » invitant l'utilisateur à décrire son humeur du moment en une phrase qui est visible par tous ses amis. Une boite de réception privée, un chat, une fonction recherche et d'actualité (service permettant de rendre visibles aux utilisateurs et à leurs amis leurs dernières sur Facebook) sont également présents. La politique de confidentialité des données des utilisateurs est minime sur Facebook. Par défaut, les informations publiées par l'utilisateur sur son profil, son mur, sont accessibles à un cercle élargi d'utilisateurs. Il appartient au membre du site de se diriger sur l'onglet confidentialité du site et de décocher les cases relatives aux informations qu'il souhaite ne révéler qu'à ses amis. Les novices des sites de réseaux sociaux apprennent souvent à leurs dépens que les informations qu'ils éditent sont visibles par tous et non uniquement par les personnes de leur liste d'amis.

Pour plus de clarté dans la compréhension des termes propres à Facebook, un lexique de ces termes est disponible au début de ce mémoire.

Un compte Facebook a également été créé spécifiquement afin d'apporter une approche pratique à ce mémoire. Pour y accéder, il vous suffit

- de vous rendre sur le site www.facebook.fr

- et d'entrer les identifiants et mots de passe suivants dans les champs situés en haut de page :

o Identifiant = memoiredmi@gmail.com

o Mot de passe = 20082009

La problématique de la visibilité

Le « Panoptique » de Jeremy Bentham, figure architecturale conçue de manière à ce que chaque détenu se trouve dans une cellule d'oü il peut être vu mais d'oü il ne peut voir personne, devient réalité : tout individu peut surveiller les autres utilisateurs du réseau sans qu'ils ne s'en rendent comptent16. La planète est réduite à la dimension de « village »17, la

15 http://fr.wikipedia.org/wiki/Facebook.

16 J. Bentham, Le Panoptique, 1780.

surveillance devient participative. Cette intrusion publique peut être préjudiciable au niveau familial, amical voire professionnel.

Faut-il pour autant éviter les sites de réseaux sociaux ou se désinscrire de ces sites afin de ne rien publier sur internet ?

Le boycott des sites de réseaux sociaux n'est pas la solution. En effet, s'il est essentiel d'éviter de s'exhiber sur internet, de surveiller les éléments de sa réputation numérique, il est également important voire primordial d'avoir une existence numérique, une vitrine. En effet Olivier Zara18 explique dans un chapitre de son livre consacré à la réputation numérique qu' « Avoir une réputation numérique, c'est être transparent, c'est montrer votre capacité à partager l'information, à exprimer des idées ou des opinions, à utiliser les technologies de l'information qui sont aujourd'hui au coeur de la performance des organisations, et votre sens du risque ou votre esprit d'initiative. » Ne pas figurer sur internet serait maintenant suspect et pourrait être un facteur d'exclusion selon le milieu dans lequel évoluent certaines personnes. En quelque sorte, ne pas être référencé serait encore pire que de l'être. Se pose ainsi le problème de la frontière vie privée, vie publique, qui devient opaque, poreuse.

Ce mémoire, consacré aux réseaux sociaux et aux risques d'atteinte à la vie privée, utilisera Facebook comme principal exemple. Ce mémoire ne recherche pas l'exhaustivité mais analysera les principales atteintes dont peuvent être victimes les membres des réseaux sociaux pour comprendre si le droit en vigueur permet de sanctionner correctement ces atteintes.

En l'absence de jurisprudence sur les atteintes portées par Facebook, il s'agit ici d'identifier les régimes applicables par défaut et de formuler des propositions d'adaptation à ce nouveau représentant du Web 2.0.

Nous aborderons les deux principaux types d'atteintes susceptibles d'être commises sur les sites de réseaux sociaux ainsi que leur protection par le droit positif. L'étude se scindera en deux parties avec, d'une part, la protection des utilisateurs contre l'exploitant du site de réseau social (Chapitre1) et, d'autre part, la protection des utilisateurs contre les autres membres du site de réseau social (Chapitre 2).

17 Expression tirée du livre de M. Mac Luhan « Message et massage, un inventaire des effets » 1968 dans lequel M. Mac Luhan explique que les nouveaux moyens de communication permettent de relier les individus partout dans le monde pour ne devenir qu'un village, un « village planétaire ».

18 O. Zara « Réussir sa carrière grâce au Personnal Branding », chapitre 8 L'impact de notre vie numérique sur notre identité et notre réputation professionnelles éditeur Eyrolles.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote