La "class action"( Télécharger le fichier original )par Didier Ndoubayo Université de Nancy II - Master de Droit privé général 0000 |
CONCLUSIONLe débat quant à la possibilité d'introduire une « Class action » dans la procédure civile française ne saurait, pour être fructueux, se réduire à l'opposition entre deux camps présentés comme irréductiblement opposés : les bons et faibles consommateurs, qu'il conviendrait de doter de nouvelles force de frappe, contre les vilaines et puissantes entreprises ; ce qui est en jeu avec la « Class action », au-delà du simple consumérisme, c'est la question plus large de l'accès au droit dans des situations de déséquilibre économique entre parties ou dans les litiges impliquant un très grand nombre de parties. Assurément, l'instauration d'une « Class action » en France nécessite un aménagement de certains principes juridiques. Au terme du circuit législatif, si la « Class action » venait à être introduite en droit français, la procédure civile, et par voie de conséquence le droit substantiel, en sortirait profondément modifiés. Les entreprises ne peuvent donc rester indifférentes à ce processus, qui affectera nécessairement leurs rapports aux consommateurs et, potentiellement, aux marchés sur lesquels elles opèrent. Sans doute s'agit-t-il d'une occasion unique pour tenter de faire reculer l'emprise du droit pénal sur la vie des affaires. Si elle améliore l'indemnisation des victimes, la « Class action » ne doit pas s'assimiler à une source de sanctions147(*). La « Class action » doit donc rimer avec dépénalisation148(*). L'introduction de cette action « étrangère » que représentera la « Class action » n'irait pourtant pas sans susciter une profonde évolution de nos principes de procédure et de certaines règles de fond. De ce point de vue, les obstacles ne doivent pas être un frein à la reforme. Si la conviction est acquise que le principe selon lequel tout dommage doit être réparé doit être placé au premier plan, les obstacles devront être levés. Ainsi, une reforme de notre procédure judiciaire pourrait mettre en place une action de groupe qui serait de la compétence des tribunaux de grande instance (ou Cours d'appel comme l'a suggéré le Professeur Guinchard)149(*) avec une procédure accélérée afin de ne pas retarder inutilement et déraisonnablement l'issu du procès civil. Au cours de cette procédure, le juge se prononcera sur la responsabilité du défendeur avant de fixer un délai de suspension de l'instance et ordonner la publicité au frais du défendeur (déjà déclaré responsable). Les victimes qui se reconnaitront dans ce préjudice se feront connaitre du tribunal soit par la technique de l'intervention volontaire150(*) soit indirectement en rejoignant une association de défense regroupée qui sera déjà partie à l'instance et que l'on autorisera, pendant cette période, à s'ouvrir à d'autres adhérents qu'au début du procès, sous la condition de porter leur identité à la connaissance du tribunal. A l'expiration du délai fixé, l'instance reprendra sans que se pose la question de l'opt out puisque, par hypothèse, il n'y aura, à l'instance que des victimes connues et qui se seront manifestées. Il sera procédé à l'évaluation individuelle des préjudices de chaque victime connue avec à terme la fixation personnalisée de dommages-intérêts et dont l'attribution se fera selon les règles classiques d'attribution de dommages-intérêts. Les victimes qui ne se seraient pas manifesté ne pourront pas bénéficier du jugement. Mais rien ne leur interdira, sous la réserve traditionnelle que leur droit ne soit pas prescrit, d'intenter une action individuelle en responsabilité civile contre l'auteur de leur dommage, « action dont le résultat sera facilité par la production, à l'appui de leur demande et à titre d'information du juge, du jugement rendu sur l'action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse »151(*). Cela permettra de surmonter la prohibition des arrêts de règlement152(*) Le risque de divergence est quant à lui écarté par le mécanisme régulateur du pourvoi en cassation. Tableau comparatif entre la class action américaine et le modèle possible de la class action française
* 147 M. LIPSKIER, Les entreprises peuvent-elles profiter de l'introduction des class actions en droit français. JCP semaine juridique - Edition entreprise et affaires n° 18-19. 5 mai 2005. * 148 Rapport remis par la commission COULON en date du 20 février 2008 au Ministre de la justice plaidait en ce sens. * 149 S. GUINCHARD, Une class action à la française ? Rec. Dal., 2005, n°32. * 150 Art 328 et s. Code de procédure civile. * 151 S. GUINCHARD. Note 132. * 152 Art. 5 du Code civil. |
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