2.4. Interconnexion de la
dépendance économique, de l'arriération et de la
pénurie alimentaire
Le néo-colonialisme, qui est la physionomie actuelle
de l'impérialisme, pénètre tous les pores des pays en
développement, s'emparant de toutes les positions importantes non
seulement dans l'économie, mais dans les domaines se la politique et de
la culture. Faisant bloc avec la réaction interne, le
néo-colonialisme participe très activement à la lutte des
classes, serrée et diversifiée, qui se déroule dans les
pays émancipés au sujet des voies et des méthodes à
suivre pour résoudre les problèmes majeurs du
développement socio-économique. Les principaux résultats
de la longue dépendance des pays en développement
vis-à-vis des pays développés sont une économie
retardataire et déformée, une culture arriérée, la
polarisation de la richesse et de la pauvreté, la famine
endémique et la sous-alimentation chronique.
Bien qu'un indice économique aussi important que le
PIB par habitant ait augmenté dans les pays d'Afrique à la fin
des années 90 par rapport à 1950 (respectivement 140 et 290
dollars en prix 1990), l'écart entre ce groupe et les pays capitaliste
industriellement développés, loin de s'amenuiser, a tendance
à se creuser encore. En1950 le PIB par habitant dans les pays en
développement était de 11,2 fois inférieures à
celui des pays capitalistes développés contre 12,4 fois en 2005.
La gravité du problème alimentaire est
directement liée à l'insuffisance et à
l'instabilité de la production alimentaire nationale due au retard de la
principale branche de l'économie des pays en développement,
l'agriculture. L'on ne peut expliquer le niveau initial extrêmement bas
des forces productives dans l'agriculture des colonies et d es semi-colonies au
moment où elles accédèrent à l'indépendance
politique que par les lourdes conséquences du colonialisme qui freinait
le progrès et le maintien de l'exploitation impérialiste. C'est
là la principale cause de la faible productivité de l'agriculture
et de son incapacité de satisfaire les besoins en produits alimentaires
d'une population en croissance.
Le bas niveau de production alimentaire s'explique aussi par
le caractère limité des réformes depuis
l'indépendance, qui n'assuraient pas les conditions permettant
d'accroitre l'accumulation et accélérer sur ce fondement les
rythmes de croissance de la population agricole (et surtout alimentaire). Les
réformes agraires n'étaient généralement pas des
transformations radicales des structures sociales et économiques
désuètes. L'impérialisme favorise, en soutenant les forces
réactionnaires de l'oligarchie, le maintien de structures agraires
archaïques dans les pays en développement.
Les types d'économies peu productifs, fortement
grevés par diverses formes d'exploitation précapitaliste,
prédominent dans l'agriculture des pays en voie de développement.
Une économie primitive et naturelle ou semi-naturelle n'assure pas
l'accumulation qui permettrait d'utiliser les acquis de la révolution
scientifique et technique. Le métayage, les loyers en espèces
pratiqués dans la plupart des pays d'Asie, les formes de
propriété tribale des terres en Afrique, le morcellement croisant
des terres en petites parcelles ne favorisent pas les investissements dans
l'agriculture aux fins de modernisation et d'intensification. Il est donc
naturel que l'emploi des techniques modernes ne soit minime dans l'agriculture
des pays afro-asiatiques et latino-américain et que la
productivité du travail soit extrêmement basse.
Il en résulte une situation apparemment paradoxale
où les pays en développement à structure principalement
agricole ne sont pas en état d'assurer leur approvisionnement. Ce qui,
dans les pays économiquement développés, est
réalisable avec 10 à 15% de la population active dans
l'agriculture s'avère impossible pour les Etats d'Asie,
d'Amérique latine où 50 à 65% de la main d'oeuvre en
moyenne sont occupés dans l'agriculture en Afrique.
L'accélération des rythmes de croissance de la
production alimentaire peut être réalisée par l'extension
de la superficie des terres cultivées, l'intensification de la
production agricole ou une combinaison des deux. Mais chacune de ces
orientations se heurte à des difficultés croissantes dans le
cadre de l'agriculture traditionnelle basée sur le travail physique et
l'utilisation des bêtes de trait. Le premier procédé
(extensif) a pratiquement épuisé ses possibilités dans les
nombreux pays fortement peuplés. En certains pays et régions du
sud et du Sud-Est de l'Asie (Inde, Bangla desh, Sri Lanka, île de java)
et en Côte d'Ivoire le niveau des terres arables cultivées
atteignait 90% dans les années 60. Une nouvelle extension des cultures
dans certains pays très peuplés demande de gros capitaux et
risque d'entraîner une rupture de l'équilibre
écologique.
L'intensification de la production dans le cadre de
l'agriculture traditionnelle implique des réensemencements sur les
mêmes terrains, une élévation de la productivité,
une fertilisation des sols par l'emploi d'engrais organiques. Mais ces
réserves de croissance sont elles aussi presque épuisées
en de nombreux pays de l'Afrique de l'ouest et de l'Est. Pour obtenir
plusieurs récoltes par an, ce que les conditions climatiques permettent
dans la plupart des pays en développement, il est nécessaire de
fertiliser régulièrement les terres et d'assumer de fortes
dépenses de main d'oeuvres et d'énergie. Dans le même temps
nombre de petites exploitations sont démunies ou presque de bêtes
de somme qui sont, de plus, de très peu de valeur. Augmenter le cheptel
des bêtes de somme épuiserait les pâturages disponibles.
Le fumier qui serait un excellant engrais, est de plus en plus
utilisé comme combustible de chauffage et de cuisine par suite de
déboisement. La possibilité d'intensification du travail manuel
sont également limitées, car la sous-alimentation chronique et
les maladies réduisent l'endurance humaine.. La principale cause qui
freine le passage aux méthodes intensive de culture du riz est la
quantité de travail très élevée que les paysans, de
leur propre aveu, ne peuvent fournir.
Le système agricole traditionnel répond de
moins en moins aux besoins alimentaires qui ont augmenté depuis les
indépendances des pays africains du fait de l'accroissement de sa
structure, surtout de l'augmentation du nombre de citadins et d'autres couches
de la population qui élèvent la demande de produits agricoles
marchands.
L'importation croissante de produits alimentaires
empêche de surmonter le retard des pays africains. Pesant lourdement sur
leur balance de paiements, épuisant des réserves de devises
déjà maigres, elle limite les possibilités d'achat pour
les pays en développement de matériels, de machines, d'engrais et
d'autres marchandises nécessaires à l'accélération
de la croissance économique, à la modernisation et à
l'amélioration de l'efficacité de l'agriculture nationale. La
conjoncture défavorable du marché mondial (hausse des prix des
engrais, du matériel agricole, des produits pétroliers,
détérioration des conditions de crédit, du commerce, etc.)
a également une incidence négative sur la production agricole
nationale. La dépendance par rapport à l'importation des produits
alimentaires aggrave la dépendance économique
générale des pays d'Afrique envers les Etats
développés.
Le cercle vicieux est ainsi bouclé : la
dépendance économique aggrave le retard économique qui
entraîne la pénurie d'aliments, celle-ci accentuant encore la
dépendance des pays en développement par rapport aux pays
riches.
|