La croissance de la population et le problème alimentaire en Afrique( Télécharger le fichier original )par Traore METAHAN - DESS Démographie 2010 |
2.5 L'inégalité sociale, cause de la misère et de la faim
La gravité du problème alimentaire dans les pays en voie de développement ne provient pas seulement de la faible productivité de l'agriculture, mais aussi de la disparité des revenus dans les diverses couches de la population, reflet d'un profond antagonisme de classe. L'impérialisme, qui freine le progrès social dans les pays en développement favorise le maintien et accentue la polarisation dans la distribution des revenus, la concentration de la richesse entre les mains d'un groupe restreint d'exploiteurs sur lesquels il mise dans sa politique de néo-colonialisme. Bien que dans la plupart des pays d'Afrique le bas niveau de consommation d'aliments, situé en-dessous de la norme des besoins physiologiques, soit une « faim statistique moyenne » de toute la population, ce sont les masses populaires qui végètent dans la misère extrême qui sont les plus touchées. En vérité, le problème alimentaire est, selon l'expansion de l'éminent chercheur suédois G. Myrdal, un véritable « sociodrame ». On sait que les besoins agrégés de la société tant en aliments qu'en autres produits d'importance vitale se composent des besoins des différentes couches de la population. La majeure partie des besoins alimentaires d'une société d'exploitation est constituée par les besoins de la population exploitée qui effectue dans sa grande masse un travail physique pénible et a donc besoin d'une nourriture à haut pouvoir calorique. Mais la distribution injuste du fonds national de produits alimentaires, basée sur l'intégralité sociale et matérielle en société antagoniste, sur la propriété privée et l'exploitation de l'homme par l'homme, entraîne une proportion inverse, c'est-à-dire une consommation individuelle plus grande dans les couches supérieures et moindre dans les couches inférieures. Des enquêtes sociologiques effectuées dans plusieurs pays en développement et spécifiquement en Afrique ont montré que l'apport calorique de la nourriture des pauvres est généralement de 20-30% et plus inférieur à la norme physiologique alors que dans les couches aisées il dépasse habituellement de beaucoup cette norme. Les contrastes sociaux sont partiellement marqués en ce qui concerne la consommation de protéines. Le niveau de revenus in flue aussi bien sur la quantité totale de protéines consommées que sur leur composition. A mesure que les revenus s'élèvent, la consommation des protéines animales plus dispendieuses, augmente. Mais la principale source de protéines pour la majorité écrasante de la population est la consommation des céréales, les légumineuses et des plantes potagères. Les contrastes dans l'alimentation du fait de l'inégalité sociale sont typiques de la réalité capitaliste. Ce « fait depuis longtemps relevé de la détérioration de l'alimentation du peuple à mesure que se développe de l'ampleur » a été illustré par V. Lénine dans l'article « Capitalisme et consommation populaire » écrit en 1912. La pauvreté existe partout dans le monde, mais elle est immense dans les pays en développement et les formes sous lesquelles elle se manifeste sont extrêmes. Ces pays correspondent parfaitement à ce qu'indiquait V. Lénine en écrivant que « dans les régions frontière du capitalisme (c'est-à-dire dans les pays et dans les branches de l'économie nationale où le capitalisme ne fait encore qu'apparaître, se heurtant à l'ordre précapitaliste), l'aggravation de la misère, non seulement de la misère « sociale », mais aussi de la plus terrible misère physique, la famine et la mort qui s'ensuit, prend de vastes proportions ». Le problème de la pauvreté est étroitement lié à celui du chômage. Selon les données de l'organisation internationale du travail (OIT) le nombre des chômeurs partiels et complets dans les pays en développement atteignait, en 1975, 283 millions. Les chômeurs complets ne représentaient que 5% de toute la main d'oeuvre et les chômeurs partiels plus de 1/3. Le sous-emploi frappe partiellement les campagnes. A la charnière des années 80 et 2000 le tiers de la population des pays en développement, 560 millions de personnes, vivaient dans un extrême dénuement avec revenu inférieur à 50 dollars par an ; environ la moitié de la population, soit 835 millions d'individus, subsistaient avec le revenu misérable de 75 dollars par personne et par an. L'étendue de la pauvreté est partiellement grande dans les populations rurales, parmi les paysans possédant peu ou pas de terre et les journaliers. On observe une concentration maximale de la pauvreté dans les pays en développement du continent asiatique ; la part des habitants végétant dans la misère qui revient à ces pays dépasse considérablement le pourcentage de la population de ces pays dans la population globale des pays en développement. La misère, la pauvreté, la faim et la sous alimentation qui les accompagnent sont largement répandues même dans les jeunes Etats les plus développés, dont le revenu moyen par habitant était en 2003 environ 950 dollars. On observe dans ce groupe de pays dont la population est d'environ 800 millions de personnes une croissance économique rapide et un accroissement considérable de la production alimentaire. Mais quelque évolution économique des pays d'Afrique, la situation des masses populaires ne s'améliore pas. Par suite d'une distribution socialement injuste des revenus et des terres environ 270 millions de personnes végètent une misère noire et des centaines de millions d'autres subsistent avec des revenus qui représentent moins du tiers du revenu moyen par habitant dans ces pays. Les rythmes rapides d'accroissement de la population d'Afrique (environ 2,8% par an) augmentent le nombre des couches les plus démunies de la société. Un exemple représentatif de ce groupe est le Soudan où la consommation moyenne par habitant d'énergie d'origine alimentaire dépasse les besoins de 10%. En même temps, du fait de l'inégalité sociale et matérielle, 44% de la population des degrés inférieurs de la hiérarchie souffre de sous alimentation chronique. Pour remédier à la carence d'énergie alimentaire le Soudan aurait besoin d'un appoint de plus de 12 Milliards de Kcal, soit 7% de la consommation actuelle d'énergie de sa population. Dans les années 90, la partie de la population dont le revenu est inférieur au seuil de misère officiellement reconnu, loin de diminuer, augmente même selon certaines estimations. Conformément aux données d'une enquête par échantillonnage effectuée en 2001 selon trois degrés de pauvreté : indigence, misère et extrême misère, près de la moitié de la population d'Ethiopie appartenaient à la catégorie des indigents, un tiers vivant dans une misère extrême. Pour illustrer les contrastes sociaux de l'Ethiopie référons-nous aux articles (« Auquel point les pauvres de l'Ethiopie sont pauvres » et « le kaléidoscope de la pauvreté ») publiés parle journal progressiste indien patriote. Les auteurs de ces articles écrivent que « ...à Addis Abeba, où le niveau de vie est le double de l'indice moyen du pays, plus du tiers des habitants vivent dans un dénuement extrême. Leur ration est inférieure au minimum établi par le conseil des recherches médicales Ethiopien. Leurs demeures sont des masures tristes et sales, leurs vêtements des haillons. Ils sont malades physique ment et moralement. La vie de ces humains est devenu cauchemar. Ayant perdu tout espoir d'un avenir meilleur ils ne vivent que parce qu'ils ne peuvent pas mourir » les pauvres d'Addis Abeba sont impitoyablement exploité par les rares élus qui accaparent la majeure partie des sommes allouées au développement de Delhi. Une enquête officielle effectuée à Addis Abeba en 2001-2002 montre, d'une façon moins pathétique mais encore plus convaincante, les contrastes frappants dans la situation des diverses couches de la population : 33,6% de la population de Delhi appartenaient au groupe des « nécessiteux » avec un revenu mensuel inférieur à 100 dollars US pour une « famille moyenne » (quatre personnes et plus), alors que 3,7 % touchaient 1 500 dollars US et plus (il est indiqué dans les résultats de l'enquête9(*) que « ce sont principalement des hommes d'affaires et de hauts fonctionnaires »). Les exemples d'inégalité sociale dans les pays en développement, de contrastes entre les pôles de la richesse et de la misère, de l'opulence et de la faim, abondent. Ils confirment tous cette conclusion que la faim dans les pays en voie de développement est un phénomène social qui accompagne l'absence de droit et l'extrême pauvreté des masses populaire dans un conteste d'arriération économique et culturelle générale résultant d'une longue exploitation impérialiste qui se perpétue, et de la situation inégale des anciennes colonies et semi-colonies dans le système du capitalisme mondial. Le problème alimentaire des pays en développement, qui se manifeste par la famine et la sous alimentation chronique et massive et des crises alimentaires qui reviennent et accroissent l'étendue de la faim, à une base socio-économique qui reflète le caractère d'exploitation des rapports de production sur le capitalisme. C'est bien le capitalisme qui prédétermine les causes durables de la gravité croissante de la situation alimentaire dans le pays en développement. Cet état des choses résulte, premièrement, de l'intégration toujours plus poussé des pays en développement dans l'économie capitaliste mondiale. Sujette, à l'étape actuelle d'approfondissement de la crise générale de capitalisme, à des récessions et des dépressions de plus en plus fréquente. Il provient, deuxièmement, de l'instauration et du développement des rapports capitaliste dans la plupart de ces pays à formes d'économie multiples. Ne font exception que les pays qui se sont engagés sur la voie de développement et fond les premiers pas dans la solution du problème alimentaire dans un contexte de transformations socio-économiques radicales. F. Engels a souligné en son temps que le problème alimentaire doit logiquement s'aggraver en cours de développement de la mondialisation. Il écrivait que « la sous consommation est une condition nécessaire de toutes les formes de société capitaliste, mais seule la forme capitaliste de production aboutit à des crises ». cela confirme par la comparaison de la situation actuelle dans les pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine avec la situation analogue en de nombreux pays d'Europe à l'époque de l'accumulation initiale du capital et de la révolution industrielle, qui fut caractérisée par des famines, les sous alimentation, de fréquentes épidémies et une forte moralité. La situation dans les pays africains s'aggrave du fait que les rapports s'y développent dans le contexte d'une dépendance économique qui leur confère un caractère difforme. La perspective qui s'ouvre aux pays en développement, n'est pas en état d'affranchir les masses populaires de ces pays des fléaux sociaux et ne fait que les aggraver. Autre élément qui aggrave le caractère contradictoire du processus de développement du capitalisme dans les émancipés et accentue leur problème alimentaire, c'est la croissance galopante de leur population qui gène l'intégration des ressources de travail dans le processus de production, multiplie l'ampleur de la surproduction relative et de la misère, de la faim et de la sous-alimentation. L'analyse de l'aspect démographique du problème alimentaire est le sujet de la deuxième partie de cet ouvrage.
* 9 Voir The National Survey, Ethiopia , 2004 |
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