III.2.2 Dans la sphère
psychosociale
Le traumatisme et la peur d'un enfant sont des sentiments
universels face à la maladie et la perte d'un parent. Les
conséquences varient selon les conditions du décès et les
interprétations sociales qui en sont faites. La qualité de
l'organisation sociale autour de la prise en charge des enfants orphelins
module également l'impact psychologique de
l'« orphelinage ». Néanmoins, la perte d'un
parent représente en soi une source de fragilité psychologique
pour un enfant, et on observe des phénomènes plus ou moins
intenses de vulnérabilisation psychique des orphelins (Appaix et Dekens,
2005).
L'infection par le VIH et l'aggravation de la maladie peuvent
provoquer une détresse psychosociale chez les enfants,
caractérisée par la peur de l'avenir et de la mort des
parents ; une peur renforcée par une culture du silence et de
négation de la réalité au sein de la famille,
négation propre au contexte du VIH/SIDA, maladie
« tabou » dans bien de sociétés (Landis,
2002). En effet, la spécificité du VIH/SIDA est qu'il touche et
stigmatise les enfants d'un point de vue psychosocial avant la mort des
parents.
Le VIH/SIDA est perçu comme une maladie jugée
« immorale » et « sale » (Sontag,
1989), une « maladie honteuse » (Dozon et Guillaume, 1994)
qui est sévèrement stigmatisée au sein des
sociétés africaines. Chez les Mossi au Burkina Faso
« le sidéen gâte le nom de sa famille, il la
déshonore (...) Cette crainte conduit certaines familles à cacher
leur malade » (Taverne, 1997).
L'interprétation de la maladie comme une sanction
consiste à tenir les personnes pour « responsables et coupables de
leur atteinte ». Elle prend ancrage dans d'anciennes théories
explicatives qui considéraient que la maladie est provoquée par
la transgression de « tabous » et sanctionnée par des
puissances surnaturelles. Cette logique considère le SIDA comme la
conséquence du non-respect des normes sociales, et les malades comme des
coupables « punis » qui doivent supporter les conséquences de
leur inconduite. Du fait de son lien avec des comportements relatifs à
la sexualité et au sang, porteurs d'une forte charge symbolique,
l'infection par le VIH est particulièrement soumise à cette
interprétation qui fonde des discours de rejet et de condamnation
(Desclaux et Desgrées du Loû, 2006).
La méconnaissance du VIH/SIDA et de ses modes de
transmission augmente les craintes et les préjugés dont fait
l'objet le reste de la famille. L'ensemble de la famille est suspecté
d'être infecté par la maladie. À la mort des parents, les
orphelins à cause du sida subissent une forte discrimination du fait de
cette crainte injustifiée de la contamination (Audemard et Vignikin,
2006).
Enfin, étant donné que le sida affecte ceux qui
sont dans leur années de production et de reproduction, les enfants sont
de plus en plus sollicités pour s'occuper de leurs parents au lieu que
ce soit leurs parents qui s'occupent d'eux. Une telle situation peut être
source de pression sur les enfants dès leur plus jeune âge. Les
orphelins doivent non seulement faire face à la mort de leurs parents,
mais aussi affronter le stress s'ils vont habiter dans une autre famille.
Les facteurs de vulnérabilité de ces enfants
sont importants et ce, avant la mort des parents. Le décès
engendre de nouveaux risques. Les possibles discriminations au sein de la
famille d'accueil, les difficultés de communication entre les tuteurs et
les enfants les fragilisent un peu plus. Le manque d'encadrement par des
grands-parents déjà âgés pousse certains enfants
à la délinquance (Darmon, 2006).
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