III.2 L'impact spécifique du VIH/SIDA sur les orphelins
et les enfants vulnérables
Les enfants vivant dans des contextes à ressources
limitées sont particulièrement vulnérables à toute
une série de périls, et ce, avant même le
décès dû au sida d'un de leurs parents ou d'un tuteur. Les
besoins fondamentaux tels que l'éducation, le logement et les soins de
santé sont menacés, alors que les enfants doivent faire face
à un risque plus accru de sévices, d'exploitation et d'isolement
social (Rotheram-Borus et al, 2005, ;Lamptey et al, 2006 ; Case et
al, 2004).
Les orphelins du sida courent un risque d'exploitation. En
raison des faiblesses des lois ou de leur mauvaise application, les orphelins
sont parfois spoliés de leur héritage. Les exigences
économiques les contraignent, en particulier les fillettes, à
sombrer dans le commerce du sexe ou à accepter des liaisons avec des
hommes plus âgés pour s'assurer un toit, de la nourriture ou de
l'argent (Atwine et al, 2005 ; Case et al, 2004).
III.2.1 Dans la sphère
sociale et économique
Les coûts humains et sociaux de l'épidémie
du sida sont énormes. Pour les enfants dans les communautés
gravement touchées, la nature même de l'enfance est en train de
changer du tout au tout. Les enfants n'ont guère de chances d'aller
à l'école, de recevoir des soins de santé, de pouvoir
grandir et de se développer normalement avec la nutrition et l'abri dont
ils ont besoin (Smart Rose, 2003).
Ainsi, en Côte d'Ivoire, le revenu des ménages
affectés par le sida représente à peine la moitié
de celui des ménages non affectés (Souteyrand et Comiti, 2004).
Cette diminution de ressources financières installe certaines familles
dans une situation de pauvreté, voire d'extrême pauvreté.
Au Burkina Faso, les dépenses de santé des ménages
affectés sont légèrement plus élevées par
rapport aux ménages non affectés (CNLS, 2001).
Étant donné que le soutien économique de
la famille est menacé et que les économies servent à payer
les factures médicales, la capacité de la famille à
satisfaire les besoins de base des enfants diminue. De plus en plus d'enfants
sont obligés d'assumer l'immense responsabilité qui consiste
à faire vivre leur famille (ONUSIDA et UNICEF, 2004).
Pour les familles, les conséquences se mesurent en
termes de baisse de revenus mais également d'augmentation des charges
financières pour soigner les malades et assumer le coût des
funérailles. Les coûts de soins grèvent
considérablement les budgets familiaux. Une des conséquences sur
les budgets familiaux est une augmentation de certains postes de
dépenses : alimentaires, vestimentaires ou scolaires, amenant
à une déscolarisation précoce (Gehler, 2000 ; Yaro et
Dougnon, 2003, Lamptey et al, 2006).
Depuis le début de l'épidémie, des
millions d'enfants ont été accueillis dans leur famille
élargie. Cela a peut-être contribué à rendre la
crise moins visible, donc à la négliger. Dans la plupart des
cultures africaines, en effet, l'enfant appartient à la
communauté davantage qu'à ses parents et il existe une tradition
de circulation des enfants à travers divers réseaux de
parenté. On parle de « confiage » des
enfants (Pilon et Vignikin, 1996, Pilon et al, 1997). Mais ce système,
qui a longtemps permis aux orphelins d'être pris en charge, semble
être en train d'atteindre ses limites. Si la famille élargie
continue d'être le premier lieu d'accueil des orphelins de parents
séropositifs, la pandémie bouleverse les modalités de cet
accueil (Darmon, 2006).
La prise en charge des enfants orphelins par la famille reste
une pratique courante comme ont pu le constater Barnett et Blaikie (1992), et
ce rôle incombe le plus souvent aux grands-parents, oncles et tantes. Une
étude menée au Burkina Faso a permis de voir auprès de 1
200 ménages que 373 ménages avaient en charge d'autres enfants
que leurs propres enfants (Yaro et Dougnon, 2003). Une étude estime
ainsi que huit orphelins sur dix, au Burkina Faso, ont abandonné
l'école, trop surchargés et trop peu nourris pour pouvoir
continuer à la fréquenter dans des conditions supportables (Yaro
et Dougnon, 2003).
Il arrive fréquemment que les enfants soient
obligés de quitter l'école pour s'occuper d'un de leurs parents
ou d'un membre de leur famille en train de mourir. Le sida grève les
budgets familiaux, il y a moins d'argent pour l'éducation des enfants,
les soins de santé et autres besoins. Les problèmes financiers
compromettent les besoins des enfants en termes de nutrition, d'accès
aux soins, à l'habillement ou à la scolarité.
En Côte-d'Ivoire les dépenses de famille pour
l'éducation ont diminué de moitié. En Ouganda, le
décès d'un ou des deux parents diminue de moitié les
chances que les enfants aillent à l'école et les jeunes qui vont
à l'école y passeront moins de temps qu'avant. En outre, les
enfants qui s'occupent des membres de leur famille en train de mourir du sida,
mais qui restent à l'école sont, souvent plus âgés
que leurs condisciples et courent donc davantage de risques d'abandonner
l'école prématurément (Anarfi, 2002).
Le travail remplace l'école : soit à la
maison, pour préparer les repas et faire le ménage, soit à
l'extérieur pour rapporter un peu d'argent, et parfois dans les pires
conditions. Les enfants orphelins travaillent beaucoup plus souvent que les non
orphelins dans l'agriculture commerciale, et en tant que domestiques,
professionnels du sexe et vendeurs ambulants. Exposés sexuellement, mal
informés : comme si ce n'était pas assez, ces enfants sont
des cibles idéales pour le VIH (Darmon, 2006).
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