PARAGRAPHE II: LES IMPLICATIONS DU CONCEPT
La réalisation du développement durable, comme
cela peut s'entendre implique l'exécution de certains impératifs
stratégiques dont quelques uns sont déjà définis
dans le rapport de la CMED.
(17) Op cit , page 217.
(18) Serge LATOUCHE, op cit, page 87.
Schématiquement, nous pouvons résumer ces
impératifs en six défis majeurs qu'il s'agit de relever par la
communauté internationale et par les Etats pris isolément. Il est
en fait question de la modification qualitative de la croissance destructrice
de l'environnement c'est-à-dire, redéfinir l'objet même du
développement: opter pour une consommation modérée de
l'énergie fossile; maîtriser la démographie; mettre sur
pied des politiques de préservation et la mise en valeur des ressources
naturelles; intégrer des considérations relatives à
l'économie et à l'environnement dans la prise de
décisions, bref le développement durable en terme
générique implique un processus de changement dans lequel
l'exploitation des ressources, le choix des investissements, l'orientation du
développement technique doivent être déterminés en
fonction des besoins tant actuels que futures.
Nous allons étudier ces changements d'habitudes de
consommation et de production en les regroupant en deux catégories
formant les implications pratiques et les implications théoriques.
A-LES IMPLICATIONS PRATIQUES
Modifier la croissance telle qu'elle s'opère
actuellement, suppose la remettre à la place qui serait la sienne,
c'est-à-dire, en tant qu'instrument au service du bien être
humain. Cette phrase ne pourrait passer sans susciter une réaction de la
part de bon nombre d'économistes. En effet, selon certains auteurs,
certes le modèle de développement "traditionnel" traverse une
crise, cela ne veut pas pour autant dire qu'il doit être
détourné de son objectif: la poursuite du profit. Pour eux,
l'économique est un impératif catégorique qu'il
ne convient pas de discuter, le social étant une simple
concession faite aux victimes de cet impératif, une sorte de service
d'ambulance après la bataille.(19)
Or c'est cette logique qu'il convient de changer, la
finalité de tout processus de développement étant l'homme.
Le développement durable tend donc à exiger une prise en compte
des intérêts sociaux et environnementaux au même titre que
les intérêts économiques par le développement. En ce
sens, celui-ci ne doit plus être seulement mesuré par rapport au
PNB par têtes d'habitants, mais doit désormais tenir compte de
l'amélioration ou la détérioration des réserves en
ressources naturelles qui a des effets sur la santé des populations.
De ce point de vue, le développement durable implique
une large modification de la croissance. C'est le contenu même de
celui-ci qui doit être modifié en faisant en sorte qu'elle
engloutisse moins de matières premières et d'énergie, et
que ses fruits soient répartis équitablement,(20)donc
nécessité d'un renforcement des exigences du développement
économique et du développement social...
Le développement durable implique aussi une
consommation modérée de l'énergie fossile (pétrole,
charbon, gaz naturel) et une bonne gestion des déchets industriels. Ces
énergies représentent 90% des énergies consommées
dans le monde et sont responsables de l'augmentation de l'effet de serre avec
la panoplie des conséquences qu'il entraîne. Il est donc question
de réduire la consommation de ces énergies et leur trouver des
substituts comportant moins de risque sur l'environnement, telles que
l'énergie géothermique, l'énergie marémotrice,
l'énergie éolienne et l'énergie solaire...
(19) Christian COMELIAU, op cit, page 64
(20) Christian COMELIAU, Op cit, page 62
Lorsqu'on sait qu'un habitant des Etats-unis consomme autant
d'énergie que 18 Chinois, 23 Indiens,135 Bengladais ou 450
Tchadiens(21),que
les pays industrialisés qui représentent les 22%
de la population mondiale contribuent aujourd'hui à 54% de
l'augmentation de l'effet de serre, y a lieu de dire qu'il s'agit d'un
problème sérieux. Il faut donc parvenir à atteindre les
objectif fixés à Rio, notamment dans la convention sur le
changement de climat qui envisage de stabiliser d'ici à l'an 2000 les
émissions de Co2 au niveau atteint en 1990.
S'agissant des déchets industriels, actuellement la
planète produit des milliards de tonnes par an, un traitement efficiente
de ces déchets par les industries s'impose. Déjà en 1989,
Robert FROSCH, alors vice-président de la recherche chez
Général Motors et Nicholas GALOPOULOS, responsable de la
recherche sur les moteurs, lancent le concept d'écosystème
industriel. L'idée de base c'est que l'industrie à la
manière d'un écosystème biologique, pourrait fonctionner
quasiment fermée. Cette idée est traduite par la phrase suivante:
"De la même manière que par exemple, les
végétaux synthétisent des substances qui alimentent les
animaux herbivores, lesquels sont mangés par les animaux carnivores dont
les déchets et les cadavres servent à alimenter d'autres
organismes, les entreprises pourraient utiliser leurs déchets respectifs
comme matières premières, réutiliser les produits
après usages, de sorte que les industries tansformeraient seulement les
matériaux en circulation "(22) Le
développement durable en appelle donc à la
généralisation de cette vision de l'industrie au niveau de tous
les industriels.
(21) Excluant notamment les végétaux
prélevés dans les forêts etc.. Chiffres PNUD 1994.
(22) " Des stratégies industrielles
viables", pour La science, Nov 1989, cité par Thierry
Brésillon in politis page 78
Lutter contre la pauvreté est aussi un défi
majeur pour l'instauration du développement durable. Cette lutte peut
avoir des effets amplement bénéfiques pour l'environnement,
étant donné que pauvreté et dégradation de
l'environnement vont souvent de paire. Les pauvres sont tout à la fois
victimes et destructeurs de l'environnement. Pour pallier à ce
fléau, une nouvelle redistribution des richesses mondiales s'impose afin
de permettre aux pauvres de s'investir dans la protection de l'environnement,
car les pauvres dont la majorité se trouve dans les pays en
développement n'ont souvent guère de choix que de tirer tout ce
qu'ils peuvent des ressources qui sont à leur portée.
Si rien n'est fait, et comme le prévoit le rapport
BRUNDTLAND, d'ici à la fin du siècle, 3 milliards de personnes
pauvres pourraient vivre dans les régions où l'on consomme le
bois rapidement qu'il ne se reconstitue et où il sera donc devenu une
ressource rare. Dans la plupart des pays en développement, poursuit le
rapport, il faudrait environ 250 Kg d'équivalent de charbon par
ménage et par an pour faire la cuisine. De quoi frémir!
La prise en compte du problème de la pauvreté
par la communauté internationale à l'occasion de la
conférence de Rio et à travers l'agenda 21 et la
déclaration de Rio sur l'environnement et le développement (art
5) montre à l'évidence que l'éradication de la
pauvreté constitue un préalable au développement
durable.
A ces implications que nous avons qualifiées de
pratiques doivent suivent des implications théoriques qui renvoient aux
changements des mécanismes de prises des lois, de l'information et de la
formation des populations en matière de l'environnement.
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