B-LES IMPLICATIONS THEORIQUES
La première implication est l'intégration des
considérations de l'environnement dans les orientations
économiques. Cette intégration doit se faire à tous les
niveaux: international, régional, national et local. L'idée est
de profiter de la symbiose des considérations économiques et
sociales dans la prise de décisions afin de tirer les conclusions qui
puissent être à la fois louables pour l'environnement et pour
l'économie, car les deux considérations ne sont pas
contradictoires.
A titre d'exemple, un projet hydraulique ne peut être
uniquement envisagé sous le seul angle de la production de
l'électricité, il faut également s'arrêter à
ses effets sur l'environnement local et sur les moyens d'existence des
populations concernées. Ainsi l'abandon d'un tel projet pourrait
être une mesure de progrès et non de régression s'il
consistait, notamment à perturber un système écologique
rare. (23) Il y a aussi que certaines politiques visant à
préserver les terres consacrées aux cultures et protéger
les forêts, améliorent les perspectives du développement
agricole à long terme. Mieux encore, la préservation des sites
à vocations touristiques peut avoir à long terme des avantages
économiques de par le commerce et les chaînes
hôtelières qui s'y grefferont. Il convient donc de traiter les
entreprises et les industries en tenant compte des liaisons intersectorielles
et des politiques environnementales locales. Ceci permet d'éviter que
certaines décisions de direction d'une entreprise ou d'un commerce
international aient comme par le passé des incidences regrettables sur
d'autres secteurs, par exemple sur la forêt.
(23) Christian COMELIAU, op cit, page 63
La croissance ne doit pas être aveuglée par des
considérations purement économiques, elle doit tenir compte de
certains aspects de l'environnement. C'est une manière de pallier
à l'éclatement des responsabilités en matière de
prise de décisions, car pour que le développement durable
survienne, il faut donc mettre fin à la fragmentation des
responsabilités(24).
Outre ce qui vient d'être dit, plusieurs autres
changements institutionnels et juridiques doivent être apportés.
Il s'agit de donner une base légale à ce que nous appelons
l'approche participative, qui consiste à faire participer les
populations aux processus décisionnels et de définition des
politiques pour mieux mettre en oeuvre celles-ci, car le développement
durable ne peut souffrir de la marginalisation d'une frange importante de la
population, au contraire il exige que les populations aient le sentiment
d'être un agent porteur de projets et non simple agent
d'exécution(25). Cette garantie doit être
assurée par l'adoption de différents textes de lois.
Mais avant tout, le processus de développement durable
implique une véritable politique d'information et de formation des
populations. La réussite d'une véritable implication de la
société civile se fonde sur la nécessité de
disposer d'une information environnementale techniquement fiable comme outil
indispensable à toute définition de politique de
réglementation, d'éducation et d'action. Pour ce faire, comme le
propose Emilienne Anikpo N'TAME, la meilleure manière de former le
citoyen au développement durable, c'est d'introduire l'environnement
dans tous les programmes d'enseignement de tous les cycles mais aussi les
programmes de formation multimédias pour l'ensemble de la
population(26).
(24) CMED, op cit, page 73.
(25) Emilienne Anikpo N'TAME, op cit page 238.
(26) Op cit page 239
Seulement, la mise en oeuvre de tout ce que nous venons de
voir paraîtra de prime à bord comme "suicidaire" pour la
majorité d'Etats africains, parce qu'en dehors du fait que certaines
mesures paraissent limiter le processus de développement auquel s'engage
l'Afrique, la facture de leur mise en oeuvre nécessite d'énorme
sacrifices. C'est ce qui a fait que, tout au départ, le
développement durable a rencontré la résistance des pays
du Sud et particulièrement l'Inde et la Malaisie, refusant de payer les
factures du développement durable. L'Afrique subsaharienne quant
à elle a manifesté une certaine froideur à l'idée
du développement durable avant de l'accepter comme défi mondial,
non en toute conscience mais surtout du fait de certaines pesanteurs
politico-financières.
DEUXIEME CHAPITRE:
DU DESACCORD A L'ADHESION DE L'AFRIQUE
SUBSAHARIENNE
" Ecodéveloppement? oui. A condition qu'on y
rencontre l'homme au début, au milieu et à la fin....Et que les
arbres ne nous empêchent pas de voir l'immense forêt des
humains"
Joseph Ki ZERBO *
Aussitôt après son lancement, le
développement durable était perçu par le Sud et l'Afrique
subsaharienne comme une préoccupation essentiellement occidentale.
Comment ne pas le croire lorsqu'on sait que la crise de l'environnement est en
grande partie l'autre revers du modèle macroéconomique des pays
industrialisés. De ce fait, l'Afrique subsaharienne déjà
plongée dans une entreprise visant à mettre en place une
infrastructure industrielle à l'image du Nord n'entendra pas renoncer
à ses ambitions pour se lancer dans une autre aventure, celle du
développement durable. De cette attitude s'en est suivie une "guerre
d'accusation" sur les responsabilités de la dégradation de la
planète. Certains observateurs verront dans cette "guerre" le spectre
d'une ingérence écologique de la part des Etats occidentaux.
Pour l'Afrique, telle a été sa position depuis
la conférence de Stockholm de 1972, l'environnement n'est pas son
problème, c'est un luxe onéreux que les pays riches s'emploient
à lui imposer. En effet, il s'agit d'une vision étriquée
de l'environnement. Selon elle, l'environnement se résumait simplement
à la
conservation des écosystèmes nationaux et
à la lutte contre la pollution industrielle, donc un problème du
Nord mais dont l'impact étant encore bien limité dans la plupart
des pays d'Afrique subsaharienne.
Quoiqu'il en soit, on ne pouvait attendre mieux de la part des
Etats africains absorbés par les multiples soucis à court terme
tels les problèmes budgétaires et ceux associés aux
ajustements structurels. L'environnement ne pouvait qu'être perçu
comme extérieur à leur développement économique en
dépit de la reconnaissance internationale du lien désormais
incontournable entre environnement et développement, comme l'a
démontré la commission BRUNDTLAND.
Mais l'occident qui fait figure de proue en matière de
défense de l'environnement, et fort de sa puissance financière et
de sa mainmise politicoéconomique sur l'Afrique usera de tous les
artifices pour amener celle-ci à suivre désormais ce qu'il
conçoit après 3 siècles d'industrialisation intense, de
pillage et de gaspillage comme un impératif mondial.
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