PARAGRAPHE II: LE RAPPORT BRUNDTLAND: L'ORIGINE
RECENTE
Ce rapport qui est une véritable plaidoirie pour
l'harmonisation de l'environnement avec le développement est le produit
d'une époque en détresse, celle qui part des années 80.
Nous allons consacrer son étude en raison de l'effort de
systématisation du concept de développement durable qu'il a eu le
mérite de faire.
A-LE CONTEXTE DU RAPPORT
Malgré les grandes recommandations faites à
Stockholm, et les réalisations qui se sont suivies (création du
PNUE, signature de plusieurs conventions de protection de l'environnement), la
dégradation de la planète terre n'a cessé
d'inquiéter plus d'une personne. A la tendance à
l'épuisement des ressources naturelles non renouvelables (objet
essentiel de la conférence de Stockholm), se sont ajoutés les
problèmes de production et de traitement de déchets industriels,
des catastrophes naturelles, de la forte croissance démographique et la
pauvreté dans le monde; ce qui a posé à nouveau le
problème de modèle de développement fiable à
même de préserver l'humanité de tous ces maux. C'est dans
ce contexte de pression et de prédictions pessimistes sur l'avenir de
l'humanité qu'a été créée en 1983, la
commission mondiale pour l'environnement et le développement (CMED),
dont la présidence et la vice-présidence étaient
confiées respectivement à Mm Gro Harlem BRUNDTLAND* et
au Soudanais* Mansour KHALID. Cette commission devait proposer des
stratégies environnementales à long terme. Elle devait aussi
faire des recommandations en ce qui concerne les moyens de sauvegarder
l'environnement grâce à une meilleure coopération entre
les
* Aujourd'hui premier ministre Norvégien.
*Vice-premier ministre (1976), ministre de
l'éducation (75-76), Président du conseil de
sécurité de l'ONU...
Nations en développement et les pays à divers
niveaux de développement économique et social, pour atteindre des
objectifs communs, tout en prenant en considération les relations entre
les peuples, les ressources, l'environnement et le
développement.(4)
Le concept de développement durable (traduction
française de sustainable development), fruit des recherches de la CMED,
a été présenté par le rapport comme ce
modèle qui devait préserver l'environnement humain. L'idée
de ce modèle de développement résulte des tentatives
visant à souligner l'interdépendance entre la croissance
économique et la qualité de la vie, c'est à dire la prise
en compte du facteur environnement dans les objectifs économiques. C'est
donc la CMED qui pour la première fois a systématisé ce
concept qui, contrairement à celui d'éco-développement est
dans ses implications multidimensionnel et inscrit le développement dans
le long terme.
B-LA SYSTEMATISATION DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT
DURABLE.
Le rapport produit par la CMED est une stratégie
écologique mondiale à long terme. Ce qui fait son
originalité c'est cette capacité de persuasion dont ont fait
preuve ses auteurs pour convaincre les citoyens de la planète terre que
l'on pouvait rendre compatible le développement avec l'environnement,
afin d'aboutir au développement durable. Le rapport repose sur trois
idées forces suivantes: la possibilité de promouvoir y compris
dans les pays en développement une nouvelle ère de croissance
économique s'appuyant sur les politiques ménageant à long
terme les bases de ressources naturelles dont dépend le
développement; l'urgence de fonder ces politiques sur la notion de
(4) Notre avenir à tous, ibdem
développement durable; la nécessité d'une
évolution démographique et de la croissance "en harmonie avec le
potentiel productif de l'écosystème", en mettant en
évidence les interrelations entre divers domaine - population,
sécurité alimentaire, préservation des
écosystèmes, énergie, industrie, urbanisation-, tout en
soulignant les conséquences négatives des stratégies
"traditionnelles"de développement...(5)
On comprend dès lors que le concept de
développement durable est la résultante de plusieurs critiques
faites par la communauté internationale et par la CMED, notamment
à l'endroit du développement ou croissance économique. En
d'autres termes, les limites du modèle de développement
"traditionnel"ont amené la CMED à mettre au point un paradigme de
développement adapté à la crise actuelle.
Si nous suivons Gilles Gaston GRANGER(6), selon
lequel les progrès en sciences économiques se produisent lorsque
est pris en considération un phénomène social nouveau ou
lorsque est appliquée une nouvelle méthode de pensée
à des phénomènes déjà connus, alors le
concept de développement durable se prête parfaitement à
une telle investigation. Car elle résulte d'une part, de la prise en
compte de la crise multidimensionnelle que connaît le monde depuis une
décennie et de l'autre, du fait que la gestion de l'environnement dans
la perspective du développement apparaît comme un impératif
nouveau dont la prise en considération a rendu caduc d'anciens
schémas de pensées, au profit de nouveaux raisonnements et
indicateurs.
(5) Pierre WEISS, Les relations internationales,
travaux dirigés, Eyrolles, Paris,1993, Page 231.
(6) Epistémologie économique, encyclopédie
économique, Economica, Paris, 1990, et cité par HARRIBEY
Marie,(partcipante à la conférence de Rio) in mémoire de
DEA:Le concept de développement durable,
science économique, Bordeaux, 1993, page 20.
C'est de cette façon que s'est enrichi le
répertoire des paradigmes économiques. Il en est ainsi de la
création de celui de développement, qui est apparu afin de
décrire un autre phénomène dont l'ampleur fut grande
après la deuxième guerre mondiale: le sous-développement.
A ce propos, la plupart des historiens de la pensée économique
s'accordent à dire que l'usage du concept de développement s'est
répandu pour rendre compte du sous-développement
(réalité sociologique).
De même aujourd'hui, tous les modèles de
développement sont en crise, tous les rêves d'autrefois permis par
la croissance et l'expansion industrielle des années 50 sont
actuellement désuets face à la croissance de la pauvreté
dans le monde et aux atteintes à l'environnement et à la
santé des populations, on parle désormais du mal
développement.
Ceux sont là les raisons qui ont poussé la
commission BRUNDTLAND à mettre au point un autre modèle qui
au-delà de ce que l'on peut penser à priori, exige beaucoup de
sacrifices pour sa mise en oeuvre et beaucoup de lucidité pour
appréhender ses contours.
Il exige d'énormes sacrifices parce qu'il s'agit d'une
remise en cause de mauvaises pratiques de production et de consommation actuels
qui ont généré quelques profits à certains Etats
(notamment du nord) et dont une frange d'Etats en développement ne
veulent s'en départir, voulant par cette voie faire à leur tour
un bond dans le concert des Etats nouvellement développés. A
l'échelle mondiale, il s'agit d'une véritable réforme tant
théorique que pratique.(7)
(7) Nick ROBINS, Impératif
écologiue, édition Calman Lévy, 1992, page
325.
Parlant de sacrifices et faisant allusion au
développement durable, J F NOËL et Sylvie FAUCHEUX ont
été amenés à dire que "quelles que soient les
stratégies passives adaptatives ou préventives adoptées
pour remédier à ces menaces sur l'environnement, le
développement fait figure de perdant"(8) C'est ce que
redoutent bon nombre d'Etats en développement et certains Etats
développés, tels les Etats unis intransigeants sur la question de
la réduction des émissions de gaz à effets de serre.
Par ailleurs, l'oeuvre de systématisation du concept de
développement durable par le CMED n'a pas été faite de
façon à rendre le concept clair, afin de permettre une
interprétation tant soit peu unanime de ses implications et de son
contenu. Tout le problème de sa mise en oeuvre est ainsi posé.
Les débats occasionnés par la conférence
de Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement (Juin 1992) et
les manifestations annexes de celle-ci, notamment le forum global des ONG
et la conférence du business council for sustainable development,
ont démontré que le travail d'élucidation est encore
balbutiant ou tout au moins n'a pas gagné les milieux qui se
réclament du développement durable. Il en est de même des
interviews accordées par diverses personnalités
scientifiques.(9)
L'examen approfondi du concept présentera plus
d'éléments au soutien de ce constat
(8) Les menaces globales sur l'environnement,
édition la découverte, 1990
(9) Marie HARRIBEY Op cit, page 20
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