SECTION: I LES ORIGINES DU CONCEPT.
Le développement durable est à la fois un
concept ancien et nouveau. Il est ancien dans la mesure où,
déjà du point de vue de ses implications il a été
mis en avant mais sans succès. Dans ce sens, nous pouvons nous
référer aux travaux de la conférence de Stockholm
(conférence mondiale sur l'environnement humain, du 5 au 16 Juin 1972)
qui en a élaboré l'ébauche.
Le caractère nouveau du concept tient en revanche
à la nouvelle appellation de ce qui était entendu comme une
gestion judicieuse de l'environnement par la croissance, mais aussi aux
mécanismes pratiques mis en places pour sa réalisation effective.
En effet, la médiatisation fort poussée du concept lui donne un
caractère foncièrement nouveau. Ainsi, les travaux de la
commission mondiale pour l'environnement et le développement,
présidée par Madame Gro Harlem BRUNDTLAND et la conférence
de Rio de Juin
1992 devaient permettre au concept d'avoir une audience
beaucoup plus grande. L'on a pu donc dire à cet effet que le rapport
BRUNDTLAND a présenté officiellement à l'ensemble des Pays
le concept de développement durable.
PARAGRAPHE I : LA CONFERENCE DE STOCKHOLM: UNE
ORIGINE
LOINTAINE DU CONCEPT.
Nous allons partir de la conférence de Stockholm parce
que du point de vue de l'organisation, de la participation et de la
qualité des débats, Stockholm reste le plus grand moment des
années 70 en matière de la relation
environnement-développement. Ainsi nous n'allons pas nous appesantir sur
certains événements tels que la grande réunion de Founex,
convoquée en 1971 qui a donné lieu au rapport dit de Founex dont
le succès (en matière de recommandations faites) a
été emporté par l'euphorie d'après Stockholm.
Deux traits caractérisent la conférence de
Stockholm, il y a d'abord le fait qu'elle est l'expression d'une volonté
de la communauté internationale de rompre avec les pratiques du
passé, en plus d'elle est née l'idée de trouver un nouveau
modèle de développement qui prendrait la relève de celui
qui est né avec l'industrialisation.
A -LA PRISE DE CONSCIENCE INTERNATIONALE DES
QUESTIONS DE L'ENVIRONNEMENT
Au cours des années 70, l'environnement était
déjà devenu une question préoccupante des Etats et des
citoyens du monde. Une attention particulière était portée
sur la conjonction Environnement - Développement - Démographie.
Plusieurs penseurs faisaient état à court terme d'une crise de
ressources naturelles non renouvelables qui aurait pour vecteurs la croissance
élevée, autrement appelée croissance sauvage et
l'expansion démographique incontrôlée de la planète.
Ce taux de croissance fort élevé de la population de la
planète et le développement industriel entraînaient
d'importantes pollutions et nuisances, affectant ainsi eaux, airs, sols, flore,
faune.
C'est dans ce contexte que se tînt la conférence
de Stockholm qui avait pour objectif, d'harmoniser le développement et
l'environnement, afin que celui-ci ne soit plus la victime du premier, et que
l'environnement humain en perpétuelle dégradation soit
sauvegardé.
Cette conférence fut malheureusement l'occasion d'une
farouche opposition, principalement entre le Nord et le Sud, à propos du
modèle de développement qui devait être suivi. A
l'époque, en dehors de la petite frange des pays du Nord qui trouvaient
en cette harmonisation une sorte de coup d'arrêt à la croissance,
la majorité y était résolue. Pour d'autres au Sud,
l'important était au contraire de reproduire le modèle de
développement du Nord afin de s'enrichir, les problèmes de
l'environnement ou sociaux ne devant être pris en compte qu'une fois
l'opulence acquise. Telle est encore la position de la Chine. Enfin, selon une
troisième voie, le souci de l'environnement n'était pas
contradictoire avec le développement - ce que le rapport BRUNDTLAND et
la conférence de Rio viennent de faire admettre à
la communauté internationale- tout dépend selon
eux de ce développement et des moyens mis en oeuvre pour le promouvoir.
Malgré ces contradictions, les débats ont abouti à
l'adoption d'une déclaration en faveur de la protection de
l'environnement humain.
Aujourd'hui, en dehors de ce qu'on qualifie de consensus sur
l'environnement, le débat sur le développement durable fait
remonter en surface ces antagonismes. En fait, de très près, les
principes posés à Stockholm ressemblent à ceux qui
régissent le nouveau concept de développement durable. M. Ignacy
SACHS* a pu dire à ce propos que « la problématique
posée aujourd'hui me rappelle un peu le climat d'avant Stockholm,
lorsque l'on se demandait s'il était possible d'harmoniser le
développement avec une meilleure gestion de
l'environnement"(1) Mais toutefois, il faut dire que ce qui
change en réalité, entre le climat actuel et celui de Stockholm,
ce n'est pas la problématique qui est restée la même, mais
au contraire les rapports de force au sein de la communauté
internationale devenus très déséquilibrés qu'ils ne
l'étaient auparavant à Stockholm. Lorsque le Nord proposa au Sud
le nouveau modèle de gestion économique très favorable
à la protection des ressources naturelles, celui-ci à quelques
exceptions près n'eut pas de mal à s'y opposer comme nous l'avons
notifié plus haut, cette réaction étant permise par
l'interdépendance qui régissait les rapports d'alors: le Sud
présentait encore un intérêt pour l'occident. Cependant,
lorsque s'est posée la question du développement durable,
l'occident s'octroyant désormais une certaine hégémonie en
la matière, lui a fait accepter au moyen des armes qui sont les
(1) Débat sur l'environnement,
développemente et coopération,
présidé par M Edgard PISANI (président de l'institut du
monde arabe), Evénément européen, sept 93, P 262.
(*)Directeur du Centre de recherche sur l'environnement et le
développement, à la maison des sciences de l'homme à
Paris,directeur d'études à l'EHESS depuis 1968, dirige le centre
de recherches sur le brésil contemporain. Ila été
consiller spécial auprès de M Maurice Strong, secrétaire
général de la CNUCED, participant à toutes les
conférence de la CNUCED: de la réunion de Founex à la
conférence de Rio.
siennes (armes économique et financière) la
nouvelle gestion de l'environnement.
Si les suites de la conférence de Stockholm n'ont pas
été très satisfaisantes, exception faite aux conventions
qui ont pu être signées, elle eut quand même le
mérite d'avoir engendré certaines constructions ou paradigmes
économiques qui ont abouti à celui du développement
durable.
B -LE PROCESSUS DE MISE EN FORME DU CONCEPT
Malgré la polémique née du débat
Nord/Sud ou plutôt pays industrialisés et ceux appelés par
pudeur pays en développement, la conférence s'est quand
même accordée sur ce que la protection et l'amélioration de
l'environnement humain est une question d'importance majeure et qu'il faille
à ce titre veiller à ce que les populations et l'environnement
dans le monde ne soient plus affectés par le développement
économique.
Ce fut l'occasion de l'émergence du concept
d'écodéveloppement qui se voulait une stratégie
du développement fondée sur une gestion judicieuse des ressources
locales, et du savoir faire paysan applicable aux zones rurales et au monde
entier.
Si ce concept n'a pu faire fortune ou a connu des
difficultés pour sa mise en oeuvre, cela était dû au
désaccord qui a précédé son élaboration. Il
y avait une sorte d'absence de consensus autour de lui. Mais à
présent, le fil des années vient de renverser l'ordonnance des
choses. En effet, le développement durable qui est une «version
réactualisée» de l'écodéveloppement requiert
de plus en plus d'audience.
Du point de vue de son contenu le développement durable
tire ses origines de la conférence de Stockholm. Plusieurs
éléments attestent suffisamment ce propos. Pour s'en convaincre,
nous allons citer deux principes de la déclaration de la
conférence. Le premier dit que: «L'homme a un droit fondamental
à la liberté, à l'égalité et à des
conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité
lui permet de vivre dans la dignité et le bien être. Il a le
devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour
les générations présentes et futures...» Pour le
second principe, «Les ressources du globe, y compris l'air, l'eau, la
terre, la flore, la faune et particulièrement les échantillons
représentatifs des écosystèmes naturels doivent être
préservés dans l'intérêt des
générations présentes et à venir par une
planification ou une gestion attentive selon que de besoin". On retrouve
dans ces deux principes le maillon important de la définition du
développement durable proposée par le rapport BRUNDTLAND,
c'est-à-dire, «un développement qui répond aux
besoins des générations présentes sans compromettre la
capacité des générations futures de répondre aux
leurs".(2) Ceci étant dit, on peut conclure que
le développement durable, dans ses implications notamment, est un
paradigme ancien qui n'était pas réellement appliqué en
raison des intérêts égoïstes des Etats. Nous pouvons
retrouver cette déduction dans les propos de M. Ignacy SACHS:"La
conceptualisation de l'écodéveloppement a surtout
été élaborée au cours des années 71-75, et
le rapport Brundtland n'a pas apporté d'idées très
neuves".(3) Toutefois, le rapport BRUNDTLAND et la
conférence de Rio de Janeiro de Juin 1992 auront le mérite de le
faire revivre tout en l'étayant et lui conférant des aspects
multidimensionnels qui lui permettent aujourd'hui d'occuper le devant de la
scène internationale. On a pu ainsi parler des origines récentes
du développement durable.
(2) Notre avenir à tous,
Commission mondiale pour l'environnement et le
développement, édition du fleuve, publications du Quebec, 1987,
Page 10.
(3) Le développement
reconsidéré : in revue du tiers monde , n°134
, Page 59.
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