B- LA PORTEE DES CONVENTIONS
En ce qui concerne la convention sur la
désertification, il a été pris une décision de
principe contenue dans l'agenda 21*. Elle prévoyait avant
1994 la signature d'une convention internationale sur la désertification
dans le cadre des Nations Unies. Sur ce point, le calendrier des travaux de
l'après Rio a été respecté, car le 14 Octobre 1994
elle été signée puis adoptée quelques semaines plus
tard à Paris.
L'adoption par l'Afrique de tous les actes de la
conférence de Rio est, comme le processus d'élaboration des PNAE,
un acte d'adhésion au développement durable. Mais faudrait-il
encore que ces conventions revêtent une certaine force juridique pour que
soit réalisé ce louable objectif. Malheureusement toutes les
conventions signées pendant et après la conférence ne sont
que de simples textes d'engagements politiques sans portée juridique
contraignante. Pour ce qui est de la convention sur le changement climatique,
par exemple, son contenu brille par l'absence de dispositifs précis en
matière de limitation de gaz à effet de serre et de co2 provenant
de combustibles fossiles. Ceci est principalement le fait de l'opposition ferme
des grandes puissances (principaux responsables de l'effet de serre) à
ce que soient retenues des dates précises pour stabiliser les
émissions de co2 et des mesures précises aux contrevenants des
conventions signées. Cet attachement aux intérêts acquis va
transparaître également dans la déclaration de Rio,
où les Etats feront prévaloir leur philosophie conservatrice en
mettant en exergue le
*Nation-unies, New-york, 1993
"droit souverain et inaliénable des Etats d'exploiter
leurs ressources naturelles", article 2. Cet aspect, ajouté au manque de
"moyens logistiques" en Afrique subsaharienne notamment, entraînera une
mise en oeuvre problématique du développement durable. On pourra
assister à l'émergence de certaine solidarité apparemment
contre nature qui pourrait s'expliquer par des motivations à court
terme: tel grand pays industrialisé fortement pollueur de
l'atmosphère et refusant le coût social et politique de
l'ajustement structurel peut chercher un compromis pour rejeter la convention
sur le climat avec des pays désireux d'industrialisation pour relever
leurs niveaux de vie. De même les pays producteur de bois tropicaux
pourront se retourner vers les pays consommateurs pour rejeter ou amender en
fonction de leurs intérêts respectifs la convention sur la
forêt. L'Afrique subsaharienne sera donc prise dans cet engrenage, car
étant d'un niveau de vie très bas, il lui manquera assez de marge
de manoeuvre pour mettre en oeuvre de façon irréversible le
processus de développement durable.
* * * CONCLUSION DE LA PREMIERE
PARTIE
Rejeté puis accepté par les pays en voie de
développement, le concept de développement durable devient au
centre de toutes les décisions. Les responsables africains et les ONG,
ayant beau jeu de démasquer dans les discours du Nord de nouvelles
visées hégémoniques qui, sous couvert de
préoccupations vertes, dissimulent un nouvel âge du colonialisme,
n'ont pu résister à l'appel. Car ce que veulent les grandes
puissances finit toujours par
se réaliser, du moins lorsqu'elles ont devant elles les
Etats en voie de développement. En plus, un certain consensus à
peine avouable au Sud se fait jour: le rattrapage du Nord selon le
critère du bonheur, fondé sur l'accumulation de biens et les
règles d'une économie basée sur la consommation
hypertrophiée constituerait un suicide planétaire.
Il reste que le chemin du développement durable pose
à l'humanité un véritable défi qui, au delà
de la simple acceptation, demande de réels sacrifices: à
l'Afrique de renoncer au mythe de l'opulence et au Nord d'accepter la
frugalité.
DEUXIEME PARTIE:
LE DEVELOPPEMENT DURABLE EN AFRIQUE : UNE MISE EN
OEUVRE PROBLEMATIQUE
Tel que nous l'avons exposé dans la première
partie, force est de reconnaître que le développement durable,
s'il est compréhensible d'un point de vue conceptuel ou
théorique, l'est moins du point de vue opérationnel. Beaucoup
d'inerties jonchent le chemin, et la voie ou les voies à suivre ne sont
pas particulièrement évidentes, les précédents
manquant en la matière(1). Ceci est très perceptible
en Afrique subsaharienne. En effet, en dépit de son engagement à
promouvoir le développement durable, l'exécution de celui-ci la
met devant une problématique douloureuse: accroître la production
par le moyen de l'industrialisation afin de rehausser le niveau de vie de ses
citoyens en s'appuyant sur des politiques ménageant à long terme
les ressources naturelles dont dépend la croissance, et accepter de
supporter le coût de ce processus. La mise en oeuvre de cette
stratégie rencontre en Afrique plusieurs obstacles qui sont, soit
liés à certains comportements dont le continent ne peut s'en
départir sans subir de choc économique et social sérieux,
soit liés à la forte pression de la pauvreté sur
l'environnement et la carence notable d'une logistique fiable pouvant permettre
sa réalisation (Ier chapitre).
La difficulté ne relève pas seulement des
facteurs propres à l'Afrique subsaharienne. Au niveau international, la
mise en oeuvre du plan d'action adopté à Rio accuse aussi
certaine lenteur au point où on est tenté de se poser la question
de savoir si le développement durable va finir en Afrique comme les
autres paradigmes qui l'ont précédé, c'est-à-dire
devenir un mythe restant à l'état d'utopie, ou si au contraire il
sera traduit en politique concrètes, élaborées en vue
d'apporter des changements et d'atteindre des résultats tangibles
(IIème chapitre).
(1) Emilienne N'TAME, op-cit, page234.
PREMIER CHAPITRE: LES FREINS AU DEVELOPPEMENT
DURABLE
" Les gens peuvent critiquer, ils peuvent être
cyniques, ils peuvent dire que ce que nous demandons n'est pas réaliste,
mais ils doivent parler aujourd'hui des problèmes des pays en voie de
développement, de terme de change, du flux des ressources vers les pays
en développement. Aujourd'hui on ne peut parler d'environnement sans
mettre tous ces facteurs en équation".
MR Maurice STRONG, discours prononcé lors de la
clôture de la conférence de Rio
Selon leur nature et leurs origines, ces freins sont soit
endogènes, soit exogènes. Ce sont des facteurs qui
s'érigent en véritables obstacles à la mise en oeuvre du
développement durable dans une région où la croissance
économique quels que soient les moyens d'y accéder semble la
principale obsession. Ces freins sont innombrables et en mesure de compromettre
la mise en place du développement durable. Ils sont, pour la plus grande
partie, des techniques d'exploitation et des habitudes de consommation se
justifiant plus par nécessité de survie que par simple
volonté d'accéder au luxe (le cas des consommateurs occidentaux),
mais aussi la croissance de la population et sa répartition dans
l'espace, la mondialisation de l'économie et les effets de
l'économie de marché dans les zones rurales. On doit
également ajouter l'érosion de l'identité cultuelle, la
demande croissante en énergies et en ressources, l'accès
centralisé et difficile à l'information, les
inégalités vis-à-vis de l'innovation technologique.
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