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Le concept de développement durable : le cas de l'Afrique subsaharienne

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par Vincent Thierry BOUANGUI
Université de Reims Champagne - Ardenne - Diplôme d'étude approndie 1995
  

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PARAGRAPHE II: LES NOUVELLES ORIENTATIONS DU GROUPE DE

LA BANQUE MONDIALE

Les années 1980 ont été, pour les Etats du tiers monde, une période de crise économique et financière. Cette époque fut l'occasion d'une grande sollicitation des prêts par les Etats en crise auprès de la banque mondiale, qui devenait à l'instant un rempart incontournable. Elle acquît ainsi une grande influence dans les relations économico-finacières internationales. Plusieurs projets, soit 80% réalisés depuis cette période jusqu'à nos jours dans les pays développés l'ont été soit par son financement soit sous sa direction. Ces projets consistaient dans la majorité des cas à des opérations de grands travaux tels que la construction des barrages hydroélectriques, des ponts et des équipements immobiliers.

Cependant, après plus de 14 ans d'exercices dans ces domaines, la banque mondiale s'est attirée de nombreuses critiques. En effet, les Etats occidentaux et les défenseurs de l'environnement ont accusé la banque mondiale d'avoir accordé des prêts à des projets préjudiciables à l'environnement. L'exemple le plus cité est l'autoroute construite dans l'Etat de Rondonia au Brésil, qui ouvre des vastes zones de la forêt amazonienne à une exploitation comportant des risques immenses.

A-RECONNAISSANCE PAR LA BANQUE DES IMPACTS NEGATIFS DE SES PROJETS SUR L'ENVIRONNEMENT

Aujourd'hui, la Banque Mondiale admet par la voix de son ancien président M. Baber CONABLE que "certaines activités économiques classiques ne trouvent parfois plus de place dans une politique de développement durable sur le plan de l'environnement, d'où elle (la banque) doit consacrer une part de plus en plus importante de ses ressources financières et humaines à l'évaluations de l'impact sur l'environnement et la promotion de la sauvegarde de l'environnement."

Pour sa part, M. Lewis PRESTON* qui l'a succédé a, dès son installation, procédé à la création d'un groupe chargé de veiller à ce que les projets de la banque ne violent pas les principes qu'elle avait érigés après les critiques dont elle a été l'objet(4). Ces principes qui exigent l'intégration des préoccupations environnementales aux activités de la Banque Mondiale sont contenus dans la directive opérationnelle sur les évaluations environnementales, publiée en Octobre 1989. Cette directive rend obligatoire les évaluations environnementales pour les projets qui pourraient avoir des effets importants, sensibles, et irréversibles(5).

. Pour mener à bien cette nouvelle politique, la banque a d'abord augmenté

les effectifs de son service environnement, puis s'est dotée d'une vice présidence Environnement et Développement durable, composée de département chargé respectivement de l'environnement, de l'agriculture et des ressources naturelles et des transports, de l'eau et du développement urbain.

* Il vient de décéder

(4) La banque mondiale- Maîtresse au royaume du développement, in le courrier international, n°141, Sept-Oct 1993, page 72.

(5) Rapport de la banque mondiale 1993 page51.

(6) Ibdem page

Selon le rapport de la banque de 1993, cette vice-présidence devrait aider les services opérationnels de la banque à fournir une aide de qualité aux pays membres, identifier, codifier et diffuser les meilleures pratiques actuelles et les enseignements, et associer une coordination d'ensemble avec les organismes publics et privés qui contribuent ou qui s'intéressent aux travaux opérationnels et de politiques générales de la banque (6).

A travers ses prêts qui sont devenus incontournables, la banque s'ingérera dans l'orientation des politiques économiques des pays d'Afrique subsaharienne. Nous pouvons lire dans son rapport de 1993 que "les opérations de prêts de la banque sont l'un des moyens essentiels employés pour aider les pays à améliorer la gestion de leur environnement"

Dans le même rapport, la banque réaffirme sa volonté de renforcer les capacités institutionnelles des emprunteurs en matière d'environnement et la nécessité de tirer davantage profit du cadre politique macro-économique qui conditionne en grande partie l'utilisation et la gestion des ressources.

Trois points manifesteront concrètement l'interventionnisme de la Banque Mondiale.

Le premier c'est "l'embrigadement" par celle-ci des banques nationales sur les questions d'environnement. Le deuxième c'est l'exigence faite par la banque aux pays emprunteurs de la créer des plans nationaux d'actions environnementales (PNAE), condition à l'accession aux prêts, et enfin le renforcement des pouvoirs de la banque par la CNUED qui a mis sous sa houlette la gestion du Fonds mondial pour l'environnement, en collaboration avec le PNUE et le PNUD.

B-LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT COMME NOUVELLE CONDITIONNALITE DES PRETS DE LA BANQUE

La banque a adopté la procédure de présélection pour les prêts qu'elle consent à une vaste gamme d'institutions intermédiaires de crédits (banques commerciales, coopératives de crédits agricoles et organisations non gouvernementales). En vertu de cette procédure, ces prêts doivent solennellement être soumis à un préexamen à la suite duquel une note de A à D est attribuée en fonction de l'impact du projet sur l'environnement. Ainsi un projet de défrichement obtiendra par exemple, la note A, tandis qu'un projet dont l'objectif principal est l'amélioration de l'environnement se verrait attribuer la note D.

Par ce mécanisme, la banque exige une évaluation de la capacité institutionnelle des emprunteurs à effectuer une analyse d'impact sur l'environnement. De cette façon, s'ils désirent prêter de nouveau ces fonds, les emprunteurs doivent à leur tour s'assurer que l'emprunteur secondaire possède la capacité d'évaluer l'impact sur l'environnement(7). Ce système de préexamen d'impact écologique de programmes de crédits est actuellement renforcé au niveau de plusieurs grandes banques régionales de développement.

En outre, la banque exige l'élaboration et l'exécution par ses membres des plans de protection environnementale (PPE). Ces plans, selon elle devrait servir de base aux questions de l'environnement, ils doivent à cet effet décrire les principaux problèmes et préoccupations auxquels les pays font face dans ce domaine, ils doivent enfin formuler diverses politiques et initiatives pour tenter de remédier aux problèmes identifiés.

(7) Banque mondiale, Environmental assessment sourcebook, policis procedure and cross sectorial issues, vol 1, in les banques au service de l'environnement, bulletin de service agricole de la FAO N°103 page 48-49.

Le caractère interventionniste dans ce domaine des plans de protection environnementale (PPE) est plus apparent du côté de l'association internationale de développement (AID ou IDA).

Lors des négociations sur la neuvième reconstitution de ses ressources, il a été convenu que tous les pays bénéficiaires de l'IDA devaient établir des plans PPE avant la fin de la période l'IDA-9(8): véritable diktat notamment pour les pays en développement. La création de ces PPE a fini par toucher aussi les emprunteurs de la BIRD.

Les Etats d'Afrique subsaharienne, comme ceux d'ailleurs devaient donc mettre au point des plans nationaux pour la protection de l'environnement. A la fin de l'exercice 1993 de l'IDA, le Bénin, le Burkina-Faso, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Lesotho, le Madagascar, le Rwanda et le Congo avaient déjà achevé l'élaboration de leurs plans d'action. Ainsi la nouvelle conditionnalité imposée par la Banque Mondiale comme par l'IDA aura produit ses fruits: conduire les pays en développement même contre leur gré à promouvoir le développement durable.

Mais le grand coup vient de ce que la CNUED ait donné une nouvelle impulsion aux efforts déployés par la banque (la gestion du FEM). Cette réaffirmation la renforce dans son nouveau rôle de protecteur de l'environnement. Compte tenu des différents PPE qui se créent ici et là, on peut donc dire que la politique interventionniste de la Banque Mondiale est en voie d'atteindre ses buts. Mais quant à son objectivité, nous devons dire que les seules sanctions admissibles contre les contrevenants à l'ordre écologique mondial ne sauraient frapper que les pays du Sud, étant entendu que pour les pays riches, on ne comptera que sur leur bonne foi, car ils ont les moyens de se

(8) Le rapport de la banque mondiale 1993.

passer des prêts conditionnés de la Banque Mondiale dont ils sont eux-mêmes les principaux "pourvoyeurs". C'est là le signe de la survie du régime de démocratie censitaire des Nations unies où les riches détiennent le monopole de la décision, les autres ne disposant que d'un rôle consultatif. Ils sont en fait écoutés que quand ils font preuve d'une capacité de nuisance.

Toutefois, si la conditionnalité des prêts des institutions internationales est désormais tel que l'Afrique ne peut y résister, la détérioration rapide de son environnement a fini par l'enjoindre à adhérer à la nouvelle donne mondiale: le développement durable. En effet, l'Afrique subsaharienne se trouve actuellement confrontée au phénomène de désertification qui fait disparaître plusieurs villages. A cela il convient d'ajouter les problèmes de la dégradation des sols et du manque d'eau. Ceci permet de comprendre que l'adhésion de l'Afrique ne doit s'analyser uniquement comme une contrainte venant de l'occident. Il y a aussi dans l'esprit des Africains qui ne sont pas moins responsables qu'on ne le pense, une opportunité à saisir: profiter de l'occasion de relever un défi, celui d'éviter de vivre les affres imposées par le modèle occidental dont les limites sont actuellement mises à nu, et enfin mettre en oeuvre, au moment où sont crées des fonds pour l'environnement, de vieilles conventions en matière d'environnement longtemps tombées dans les oubliettes. Faudrait-il rappeler qu'en 1968, donc avant même la tenue de la conférence de Stockholm que les Etats africains avaient dans le cadre de l'OUA signés à Alger la convention africaine sur la préservation de la nature? Cette convention, qui intégrait déjà en son temps la conservation de la nature dans les plans de développement, couvrait l'éducation, la conservation et la recherche écologique(9). Il y a aussi le comité permanent inter-Etats de la lutte

(9) François FALLOUX et Lee TALBOT

Crise et opportunité, Environnement et développement, page 19, édition maisonoeuve.

contre la sécheresse au Sahel (CILSS) crée en 1973 à la suite des premières grandes sécheresses du Sahel.

Dans ces conditions, les négociations de la convention de Lomé IV et la conférence de Rio devaient être, pour l'Afrique noire, l'occasion de juguler la dégradation de son couvert végétal. On doit noter que chaque année cette région perd une bonne partie de ses terres cultivables, la désertification ravage les villages et décime les populations contraignant les survivants d'immigrer vers les régions où l'accès à l'eau potable est encore facile. A présent on y compte plus de 10 millions de "réfugiés de l'environnement" dont la grande partie est constituée des Mauritaniens qui ont quitté leurs villages à la suite de la sécheresse de 1974 et des Africains de l'ouest à la recherche des vivres en 1985.

SECTION II : L'ADHESION DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE
AU DEVELOPPEMENT DURABLE

Tous les problèmes susmentionnés devaient amener l'Afrique subsaharienne à renouer avec le souci environnemental en adhérant au développement durable. La convention de Lomé IV, l'élaboration des PNAE et sa participation à la conférence de Rio sont le signe de cette détermination.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote