CHAPITRE I :
CONSIDERATIONS THEORIQUES ET CONCEPTUELLES
L'objet de ce chapitre premier consiste, dans un premier
temps, à poser un regard synoptique sur les paradigmes fondateurs de
l'aide internationale (A), puis dans un deuxième temps à
évaluer leurs portées et leurs limites (B), enfin de
procéder à une clarification conceptuelle de certaines notions
(C).
A- LES PRINCIPALES THEORIES SUR l'A.P.D
La plupart des travaux traitant de l'A.P.D ont
généralement recours dans leurs analyses, tacitement ou non,
à l'un des cinq cadres théoriques standards de l'économie
politique internationale (Kebadjian 1997) : Réalisme (1), Neomarxisme
(2) Néolibéralisme (3), libéralisme (4), Idéalisme
(5). Les dernières années ont vu se modifier la
pondération relative de ces différentes perspectives, mais, ce
qui est remarquable est qu'aucune de ces approches n'a perdu de sa pertinence.
Plus encore, elles convergent toutes, malgré leurs divergences
théoriques, à une même et unique conclusion : l'urgence de
repenser le cadre général de la coopération Nord-Sud et,
par voie de conséquence, l'aide au développement.
1)
Le réalisme
Pour le paradigme réaliste des relations
internationales, chaque Etat maximise sa puissance. Chacun poursuit des
objectifs stratégiques de nature politique, sécuritaire,
économique. L'A.P.D n'est jamais qu'une arme de plus à
disposition pour réaliser et préserver son intérêt
national. Dans ce cadre, l'A.P.D n'obéit point à des
considérations d'ordre éthiques ou altruistes, mais plutôt
égoïste de la part des donateurs. C'est ce qui ressort par exemple
des travaux de Mc Kinlay et Little (1977, 1978a ,1978b) et Alesina et Dollar
(1998, 2000) qui, respectivement dans leurs travaux, montrent que l'A.P.D
s'impose comme un outil de politique étrangère au service des
intérêts des pays donateurs (France, Grande Bretagne, et USA dans
ce cas précis), et que l'allocation de l'A.P.D obéit
prioritairement à de motivations politico-stratégiques des Etats
donateurs, en quête de maximisation de leur influence sur la conduite des
affaires des récipiendaires de l'aide.
2)
Le néomarxisme
Le paradigme néomarxiste, lui structure la scène
internationale autour de la lutte entre « Etat prolétaires »
et « Etat capitalistes », étant entendu que, ces derniers
luttent aussi entre eux : l'A.P.D dans ce cadre théorique n'est que
l'avatar post mortem du colonialisme. L'A.P.D, ici, n'est pas destinée
à réaliser le développement, en répondant aux
besoins des récipiendaires, mais plutôt à les maintenir
dans un état d'éternel assisté, en créant ainsi une
dépendance qui est aussi bien structurelle que mentale à
l'égard du donateur. C'est dans ce cadre qu'on peut regrouper par
exemple les travaux de Sogge (2003) ; Goulet et Hudson (1970), Mende Tibor
(1975) et Hayter (1971).
Le premier soutient dans ses travaux que, l'aide provoque
plus de dommages qu'elle n'en dispense de secours, et profite plus aux
donateurs qu'aux destinataires. Les seconds quant à eux, à
travers un titre déjà révélateur, montrent que
l'aide n'est qu'une fiction, car elle n'est pas octroyée en vue de
satisfaire les besoins des destinataires qui sont énormes. Mais, elle
est octroyée dans le but d'entretenir les classes dirigeantes loyales et
inféodées au donateur. Le troisième quant à lui,
montre que l'aide internationale est une forme de recolonisation par d'autres
moyens de la part des pays donateurs. Elle est donnée en vue
d'entretenir une dépendance et une soumission des récipiendaires
de l'aide à l'égard du donateur. C'est similairement la
même thèse soutenue par le dernier, mais qui s'oriente dans une
perspective plus globale. En effet il montre que la plupart des pays donateurs
sont des Etats capitalistes, et l'aide internationale n'est qu'une
modalité de mise en oeuvre de l'impérialisme occidental
capitaliste à l'égard du Sud.
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