CHAPITRE III :
L'ORIENTATION SECTORIELLE DE L'A.P.D FRANÇAISE ET SON
INCIDENCE AU CAMEROUN DEPUIS 1990
Le présent chapitre va tourner autour de deux axes
principaux : dans un premier mouvement il est question d'analyser
l'évolution de l'orientation sectorielle de l'APD française au
Cameroun (1) et dans un second mouvement d'essayer de dégager
l'incidence que celle-ci a pu avoir sur ce pays, dans l'amélioration de
ses conditions de vie au sein des secteurs concernés (2).
1. L'orientation sectorielle de l'APD française au
Cameroun depuis 1990 : une aide assez modique en volume.
Cette partie s'articule autour de quatre
principaux points. Il s'agit en effet d'analyser l'orientation sectorielle de
l'APD française au Cameroun dans le secteur de la santé (a), de
l'éducation (b), de l'eau (c) et de l'agriculture (d).
a)
L'A.P.D française dans le secteur de la santé au Cameroun :
Une aide considérablement maigre et disparate.
L'analyse de l'aide française
à la santé au Cameroun fait ressortir un certain nombre de traits
saillants depuis les années 1990 : C'est la maigreur notable de son
volume et son caractère disparate.
Ainsi à travers l'observation évolutive de
l'aide française dans ce secteur clé au Cameroun, il se
dégage ce qui a déjà été constaté
plus haut en ce qui concerne l'aide française à la santé
pour tous les pays en développement. L'aide française à la
santé au Cameroun, depuis les années 1990 se caractérise
par la modicité considérable des fonds qui y sont
affectés, comme l'illustre si bien le tableau 08
ci-après représentant le volume de l'aide
française affecté à ce secteur, proportionnellement au
volume total affecté au Cameroun depuis les années 1990.
Tableau 08 :A.P.D.
française Total santé au Cameroun (millions de
dollars)
Source : OCDE stats
2007
L'étude de ce tableau laisse transparaître que
l'aide française à la santé n'a jamais atteint le Cap des
10 millions de dollars, pis encore, il est des années blanches où
pratiquement aucun fond n'a été affecté à ce
secteur. C'est le cas notamment des années 1990, de 1992 à 1995,
périodes pendant lesquelles le Cameroun n'a
bénéficié d'aucun fond bilatéral venant de la
France, affecté à la santé. Ainsi, quand on observe ce que
la France consacre à la santé au Cameroun, il y a lieu à
réfléchir, voire à s'inquiéter. Car au regard du
tableau 08 ci-dessus, on constate l'extrême modicité de l'aide
française en terme de volume affectée à la santé
à ce pays. Ce constat ressort plus clairement, quand il s'agit de
mesurer le pourcentage de l'aide française à la santé du
volume total d'APD. C'est ce qui se dégage du tableau 09 ci-dessous,
représentant l'aide française à la santé au
Cameroun en terme de pourcentage du volume total de l'APD depuis 1990.
Tableau 09 : APD française à
la santé au Cameroun (%)
Année
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
|
0
|
4,33
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1,32
|
2,06
|
2,96
|
2,16
|
1,92
|
4,61
|
2,84
|
1,32
|
3,02
|
18,37
|
Source : OCDE stats
2007
Après étude de ce tableau, le constat est plus
frappant, car comme on peut observer, l'aide française à la
santé représente à peine 5% de son volume total, elle
oscille entre zéro et quatre pour cent, la seule fois qu'elle a
dépassé le Cap du 10%, c'est en 2005 avec
précisément 18,37%. Toutefois, cet exploit réalisé
en 2005, ne doit pas oblitérer la réalité, car un
observation attentive fait ressortir que, l'année 2005 est une
période où l'APD française totale au Cameroun a
été la plus faible depuis 1990, c'est une année où
on assiste à une chute brutale et vertigineuse de l'APD française
au Cameroun, comparativement aux années précédentes. On
quitte ainsi de 129.13 millions de dollars en 2004 pour tomber à 21,23
millions de dollars en 2005. C'est dire que les 18,37% enregistrés dans
le secteur de la santé en 2005 n'est qu'un leurre, car la
réalité est toute autre : c'est l'extrême faiblesse
en terme de pourcentage de l'aide française à la santé au
Cameroun.
Cette réalité peut ainsi traduire le
désintérêt total et manifeste de la France à ce
secteur, pourtant clé, car gage de l'épanouissement et du
bien-être physique et psychologique des populations locales vivant au
Cameroun. On se serait attendu qu'il y'ait une traduction sur les faits du
discours de la politique française sur l'orientation de son APD, qui
insiste sur l'amélioration des conditions de vie des
récipiendaires de son aide, en investissant significativement dans la
santé, indicateur stratégique pour mesurer cette
amélioration. Mais la réalité est plutôt le
contraire pour ce qui est du Cameroun en particulier. Car on constate que ce
secteur ne constitue pas une priorité pour la France, au regard des
fonds squelettiques affectés à ce dernier. Ce qui relève
d'un pur paradoxe.
Le constat est encore plus flagrant, s'il faut entrer dans
l'orientation sous sectorielle de l'aide française à la
santé au Cameroun. Quatre sous-secteurs peuvent retenir notre attention
ici : les sous-secteurs de la lutte contre les maladies
infectieuses ; la recherche médicale ; les services
médicaux, et la lutte contre les MST et le VIH/SIDA.
Le premier sous-secteur concerne la vaccination ; la
prévention et lutte contre le paludisme, rougeole, tuberculose,
diarrhées chroniques, les maladies transmises par un vecteur
(onchocercose, bilharziose...). C'est dire l'importance vitale que revêt
ce sous-secteur aux yeux du Cameroun car, pays situé en zone
équatoriale, il est largement touché par ces différents
fléaux. Voyons dès à présent ce que la France a
alloué à ce sous-secteur depuis 1990 au Cameroun. L'observation
du tableau 10 ci après nous fait ressorti en effet un triste constat.
Tableau 10 : Aide française
à la lutte contre les maladies infectieuses au Cameroun.
Année
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0,6
|
0,5
|
0,1
|
0,2
|
0,2
|
0
|
Source : OCDE stats
2007
En effet au regard de ce dernier, il se dégage que ce
sous-secteur, pourtant vital dans l'épanouissement et le bien-être
des Camerounais, est complètement délaissé par la France,
au regard du quasi inexistence des fonds alloués à ce dernier.
Ceci n'est que la résultante de ce qui a déjà
été observé, pour ce qui est de l'APD française
totale à la santé. On observe en effet que de 1990 à 1999,
ce sous-secteur vital n'a reçu aucune affectation bilatérale de
fonds provenant de la France, traduisant ainsi le
désintérêt total de cette dernière à
résorber un certain nombre de maux lié à ce sous-secteur
au Cameroun ; ce n'est qu'à partir des années 2000 qu'on
constate un timide effort de la France, à affecter quelques fonds
à ce sous-secteur après près de 10 ans d'année
blanches !!!
On pourrait se demander si, c'est à partir de cette
année que la France s'est rendue compte de la vitalité de ce
sous-secteur après 10 ans de
« cécité » réelle ou inconsciente.
Le deuxième sous-secteur quant à lui, concerne
la recherche médicale à l'exclusion de la recherche sur la
santé de Base, ce sous-secteur revêt également une
importance certaine, car, il peut être un des indicateurs gage de
d'autonomie du Cameroun en matière d'approvisionnements aux
médicaments, afin de ne plus trop dépendre des grandes firmes
pharmaceutiques internationales (y comprise celles françaises). Mais
l'observation du tableau 11 ci après, représentatif de l'aide
française à se sous-secteur, suscite quelques interrogations.
Tableau 11 : APD française à
la recherche médicale au Cameroun.
Année
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
2,3
|
2,2
|
Source : OCDE stats
2007
De l'observation de ce dernier, on se rend compte que,
pendant près de 15 ans la France n'a consenti à affecter aucun
fond à ce sous-secteur (de 1990 à 2003), ce n'est qu'en 2004
qu'on note un effort timoré de la France à allouer de fonds
à ce sous-secteur. Bien que ces sommes représentent à
elles seules, plus de 50% de l'aide française totale à la
santé au cours de ces périodes, il n'en demeure pas moins vrai
que ce sous-secteur, ne constitue pas une priorité pour la France dans
sa politique d'allocation sous sectorielle de son aide. La France, au regard de
ces sommes, ne semble pas avoir la volonté à encourager la
recherche médicale au Cameroun. Ceci traduit ainsi une certaine
volonté manifeste de celle-ci, à vouloir maintenir celui-ci sous
la dépendance des grandes firmes pharmaceutiques en matière
d'approvisionnements en médicaments par exemple. Car, une autonomie du
Cameroun dans ce domaine entraînerait une perte des parts de
marché de ces grandes industries pharmaceutiques, provoquant par la
même occasion une baisse des dividendes engrangés par ces
dernières, dans la commercialisation des produits pharmaceutiques au
Cameroun. La France n'aurait donc pas intérêt à affecter
des fonds considérables à ce sous secteurs afin de booster la
recherche médicale au Cameroun, autonomisant par conséquence ce
pays dans ce domaine ; ce qui serait une pure gageure de sa part, car des
firmes pharmaceutiques françaises ont certainement des parts de
marché considérables au Cameroun, en matière
d'approvisionnement et de commercialisation de médicaments.
Le troisième sous secteur concerne les laboratoires,
les centres de santé et hôpitaux spécialisés (y
compris l'équipement en fourniture), ambulances, services dentaires,
lutte contre les maladies à l'exclusion des maladies infectieuses...
c'est dire aussi que ce sous secteur revêt une importance certaine, car
il permet à un meilleur équipement en infrastructures de
santé, assurant par la même occasion une meilleure prise en soins
des malades. Analysons dès à présent ce que la France
à accorder à ce sous-secteur tout aussi important. Mais, de
l'observation du tableau 12 ci-dessous, le triste constat déjà
fait plus haut se dégage encore une fois ici.
Tableau 12 : APD française aux
services médicaux au Cameroun
Année
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1,3
|
1,0
|
0,6
|
0
|
0
|
0
|
Source : OCDE. stats
2007
A cet effet, à la lecture de ce dernier, on note
toujours le même constat déjà établi dans les
sous-secteurs précédents, à savoir que, c'est un
sous-secteur caractérisé par l'extrême modicité de
fonds à lui accorder par la France, et la présence de plusieurs
années blanches (1900 à 1999 ; de 2003 à 2005) ;
la France n'a consenti à affecter quelques fonds à ce
sous-secteur, que pendant trois ans (de 2000 à 2002). Ces sommes sont
allées décrescendo avant de disparaître
complètement. C'est l'occasion de dire aussi dans ce cas précis,
le délaissement total de ce sous-secteur dans la politique d'allocation
sous sectorielle de l'aide française, traduisant ainsi son
désintérêt total à l'égard de ce dernier. Or,
les besoins du Cameroun en matière de services médicaux
s'avèrent particulièrement énormes. La France elle, semble
faire la soude oreille en n'y affectant que quelques fonds pendant quelques
années. On peut ainsi noter une certaine volonté cachée de
la France à maintenir le Cameroun en matière de services
médicaux dans un état primaire, ce qui aurait pour effet
rétroactif dans l'imaginaire collectif, de se tourner toujours vers
l'étranger, quand il faut recevoir des soins d'un certain niveau, car,
à l'intérieur tout semble pour le moins vétuste.
Le dernier sous-secteur quant à lui, concerne toutes
les activités liées au contrôle des maladies sexuellement
transmissibles et du VIH/SIDA ; activités d'information, et
communication ; dépistage ; prévention ;
traitements, soins. L'importance de ce sous secteur n'est plus à
démontrer car les M.S.T et particulièrement le VIH/SIDA
constituent de nos jours un enjeu majeur de santé mondiale.
Véritable calamité pour certains pays, et dont les appels
incessants de la communauté internationale à l'éradication
de ce fléaux, se font de plus en plus fréquents à travers
un investissement (matériel et financier) considérable des pays
développés en faveur des pays sous développés,
victimes majoritaires de ce mal. La France respecte-elle cet engagement
vis-à-vis du Cameroun ? L'observation du tableau 13 ci-après
représentatif de l'aide française accordée dans ce sous
secteur tend à nous démontrer plutôt le
contraire.Tableau 13 : APD française à la
lutte contre les MST et VIH/SIDA au Cameroun
Année
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1,6
|
0,2
|
0,1
|
0,2
|
0,2
|
0
|
Source : OCDE stats
2007
La lecture de ce tableau fait ressortir un constat criard,
on constate à cet effet que, ce sous-secteur semble être le
dernier des soucis de la France dans la politique d'allocation sous sectorielle
de son APD. De 1990 à 1999, la France n'a consenti à verser une
quelconque somme à ce sous secteur, marquant ainsi son
désintérêt manifeste à l'égard de celui-ci.
Ce n'est qu'en 2000 qu'on relève un timide effort de la France, à
affecter quelques fonds à ce sous-secteur, cet effort qui va
connaître par la suite une tendance baissière, traduisant par
conséquence le désengagement manifeste et son manque de
volonté à vouloir véritablement aider le Cameroun à
lutter de manière efficiente contre les MST et surtout contre VIH/SIDA.
Est-ce à dire que la France a un intérêt certain à
laisser le Cameroun tombé sous l'empire du VIH/SIDA et les autres
MST ? Là se trouve la grande interrogation. Mais sans donner une
réponse hâtive et péremptoire, ce que l'on peut seulement
dire et qui découle des données statistiques ci-dessus, est que
le sous-secteurs de la lutte contre les MST et le VIH/SIDA constitue un champs
manifestement abandonné dans la politique d'allocation sous sectorielle
de l'aide française à la santé accordée au
Cameroun, tout au moins depuis les années 1990. Ce sous-secteur ne
constitue pas une priorité aux yeux de la France pour le Cameroun, ce
qui relève d'une contradiction notoire, au regard de la mobilisation
massive de la communauté internationale à vouloir
éradiquer à tout prix ces maux.
Vu de ce qui précède, un constat clair tend
à s'établir de lui-même ; de toute évidence, on
note que le secteur de la santé est loin de constituer une
priorité dans la politique d'allocation sectorielle de l'aide
française au Cameroun depuis tout au moins les années 1990, au
regard de la modicité des fonds affectés à celle ci. Cela
traduit à notre avis un manque d'intérêt total de la France
vis-à-vis de ce secteur, pourtant névralgique dans
l'amélioration des conditions de vie des populations camerounaises,
épicentre de cette aide. Ce désintérêt manifeste se
retrouve également dans l'allocation sous sectorielle. Ainsi, des
sous-secteurs clé tels que lutte contre les maladies infectieuses,
recherche médicale, les services médicaux, la lutte contre les
MST et VIH/SIDA constituent des champs compléments
délaissés dans l'allocation sous sectorielle de l'aide
française. Ce qui peut susciter certaines interrogations à
savoir, où vont les quelques maigres fonds que la France accorde
à la santé au Cameroun depuis 1990. Du moment où les
sous-secteurs suscités, pourtant vitaux dans l'épanouissement et
le bien-être des Camerounais, se retrouvent pratiquement sans aucune
affectation de fonds pendant plusieurs années durant.
Après l'analyse de l'aide française à la
santé, intéressons nous à un tout autre secteur
d'affectation de l'APD française au Cameroun dès 1990.
|
|