L'orientation sectorielle de l'APD francaise en Afrique subsaharienne (1990 = 2005): les cas du Cameroun et du Gabon( Télécharger le fichier original )par Patrick Roger Mbida Université de Yaoundé II - DEA 2007 |
b) L'aide française à l'éducation du Cameroun depuis 1990 : une aide faible en volume et en pourcentage.Contrairement à ce qui a été observé plus haut, quand il s'agissait d'analyser l'aide française globale accordée aux pays en développement dans le secteur de l'éducation, le cas particulier du Cameroun fait plutôt ressortir une autre réalité. En effet, une observation attentive et rigoureuse de l'évolution de l'aide française à ce secteur depuis les années 1990 le démontre à souhait. De cette observation, deux faits saillants ressortent : c'est une aide qui se caractérise par sa modicité aussi bien en terme de volume qu'en terme de pourcentage. C'est ce qui ressort de la lecture du tableau 14 ci-dessous représentant l'aide française à l'éducation au Cameroun, en volume. Tableau 14 : APD française à l'éducation au Cameroun (millions de dollars)
Source : OCDE stats 2007 Au regard de ce tableau, on constate tout d'abord une évolution chaotique de l'aide française à ce secteur de 1990 à 1996. Cette période est marquée par une forte fluctuation de l'aide française à ce secteur, alternant entre des années blanches au cours desquelles aucun fond n'est affecté (1991, 1994, 1996) et des années où des maigres fonds, comparativement aux années suivantes y sont affectés. Cette évolution chaotique de l'aide française à ce secteur, révèle à notre avis un manque d'harmonie, voire, même de sérieux que la France accorde à ce secteur clé que constitue celui de l'éducation. Elle pourrait aussi traduire une indifférence certaine affichée par la France, à travers ces chiffres dans la "la formation des Esprits" au Cameroun, gage de son devenir futur. Néanmoins depuis 1997, on semble assister à une prise de conscience progressive de l'importance du secteur éducatif dans la politique d'affectation sectorielle de l'aide française au Cameroun ; celle-ci semble se traduire par une hausse progressive du volume son aide accordée à ce secteur, qui va aller de 16,1 millions de dollars en 1997 pour culminer à 33,8 millions de dollars en 2005. Comment expliquer ce regain d'intérêt soudain de la France à l'égard du secteur éducatif au Cameroun ? On pourrait dire à première vue que, ce regain d'intérêt de la France traduit ainsi sa volonté affichée, à oeuvrer pour une meilleure éducation, et une meilleure scolarisation des Camerounais, afin de les rendre plus compétitif et mieux moulés. Mais à y observer de près, on peut relever que ce n'est qu'une vision de l'esprit, car, s'il faut interroger ce que représente l'aide française à l'éducation en termes de pourcentage, on commence à y voir un peu plus clair. Ainsi au regard du tableau 15 ci-dessous, représentant l'aide française à l'éducation au Cameroun en terme de pourcentage, il se dégage que, même si on observe une hausse progressive du pourcentage de l'aide française au secteur éducatif depuis 1997, celle-ci n'est que d'apparence. Car, s'il faille pousser l'observation plus loin, on constatera que les périodes indiquées figurent parmi lesquelles, où on note un fort taux de pourcentage comparativement aux années précédentes (2001, 2001, 2004 avec respectivement (21,11%, 31,74%, 25,4%), sont plutôt des périodes où l'APD totale française au Cameroun affiche une baisse notable par rapport aux autres années. En 2001 par exemple, l'APD totale française au Cameroun s'élève à 86,62 millions de dollars, l'un des volumes le plus faible depuis 1990 ; en 2004 elle s'élève à 129,13 millions de dollars, aussi un taux faible comparativement aux autres années, en 2000, elle se chiffre à 124,58 millions de dollars. Tableau 15 : APD française à l'éducation au Cameroun (%)
Source : OCDE stats 2007 C'est dire qu'au regard de ce qui précède, on semble assister à un certain saupoudrage de la France afin de voiler le réalité véritable. Ce saupoudrage consiste ici à allouer une part plus ou moins considérable de son aide au secteur éducatif quand le volume total est faible. Mais quand ce dernier s'avère considérable, comme c'est le cas avec les années 1992, 1993, 1994 et 2003 (avec respectivement 484,14 millions de dollars, 532,83 millions du dollars, 371,37 millions de dollars et 324,78 millions de dollars), l'aide française à l'éducation occupe une infime portion en terme de pourcentage (avec précisément pour ces années suscitées 1,9% ; 0,65% ; 0% ; 9,23%). Ces différentes manoeuvres venant de la France traduisent une volonté persistante de vouloir oblitérer la réalité. Cette réalité qui s'affiche de manière très claire, c'est la volonté manifeste de la France à ne pas s'investir considérablement dans le secteur éducatif au Cameroun, passant ainsi par de telles stratagèmes pour pouvoir déclarer à toutes les tribunes que l'éducation reste au coeur de sa politique sectorielle de l'aide au développement. Or ce n'est qu'un leurre. Ce leurre ressort plus clairement encore s'il faut interroger l'allocation sous sectorielle de cette aide à l'éducation. Trois sous secteurs principaux peuvent retenir notre attention ici. Les sous secteurs de l'éducation de Base, l'éducation secondaire et l'enseignement supérieur. Le premier sous-secteur concerne la formation maternelle et primaire (infrastructure, fourniture en équipements et tout autre matériel y afférant). C'est la fondation dans la formation des jeunes Camerounais, futurs dirigeants du Cameroun. C'est donc dire l'importance que revêt ce sous secteur, car de lui dépendra la suite du processus éducatif. Si le jeune enfant ne reçoit pas une bonne base, cela aura à coup sûr des répercussions plus tard. L'analyse de l'aide française à ce sous-secteur suscite pourtant des interrogations, car au regard du tableau 16 ci-après, un triste constat tend à s'imposer de lui-même : Tableau 16 : Aide française à l'éducation de base au Cameroun (millions de dollars)
Source : OCDE stats 2007 En effet au regard de ce dernier, on constate avec stupéfaction que le sous secteur de l'éducation de Base constitue un champs complètement délaissé par la France dans son allocation sous sectorielle de l'aide au Cameroun. De 1990 à 1999 en effet, la France n'a consenti à ne verser aucune somme quelconque dans ce sous-secteur, c'est pratiquement 10 ans données blanches pour ce sous-secteur, traduisant ainsi une indifférence totale de la France à l'égard de celui-ci, creuset de la formation de la future élite dirigeante du pays. Ce n'est qu'à partir des années 2000 qu'on observe un début timoré d'efforts venant de la France qui consent à y affecter quelques fonds, bien que ces derniers brillent par leur insignifiance notoire. Cela traduit à merveille, ce désintéressement affiché et noté plus haut par de la France vis-à-vis du secteur éducatif au Cameroun depuis les années 1990. Qu'en est-il du sous-secteur suivant ? Le deuxième sous-secteur concerne quant à lui, la formation secondaire, post primaire des camerounais qui les mène jusqu'aux portes de l'enseignement supérieur (y compris aussi les infrastructures, l'équipement en fourniture). Suivant la métaphore de la construction d'une maison, ce sous-secteur peut être assimilé à la montée de murs et des poutres devant plus tard supporter la charpente. C'est dire aussi que ce sous-secteur revêt une importance certaine aux yeux du Cameroun. Est-ce aussi le cas pour la France ? A l'évidence non ! Car l'observation de ce qui est affecté comme fonds par celle-ci à ce sous secteur le dévoile à souhait. Tableau 17 : Aide française à l'éducation secondaire au Cameroun (millions de dollars)
Source : OCDE stats 2007 En effet l'observation du tableau 17 ci-dessus, représentant l'aide française affectée au sous secteur de l'éducation secondaire au Cameroun depuis les années 1990, fait ressortir de manière saillante, le peu d'importance que revêt ce sous-secteur, pourtant clé aux yeux de la France. Ce peu d'importance se traduit par les sommes squelettiques qui y sont affectées par la France. C'est une aide totalement dérisoire et qui suit une évolution désarticulée ponctuée d'abord par 09 années totalement blanches (de 1990 à 1998), puis on observe un effort lâche à y octroyer quelques maigres fonds dès 1999 qui s'arrêtent net en 2004. On aurait dit que la France s'estime avoir déjà assez investi dans ce sous-secteur, et qu'elle est déjà fatiguée !!! L'année 2005 commence par un blanc total, tendance qui risque se confirmer et perdurer dans un avenir proche ; ce qui peut susciter des inquiétudes sur le devenir de ce sous-secteur dans la politique d'allocation sous sectorielle de l'aide française au Cameroun, car il est à craindre que cette indifférence de la France vis-à-vis de ce sous secteur perdure davantage au regard des fonds squelettiques y affectés. L'optimisme n'est donc pas de mise ici. Le troisième sous-secteur enfin quant à lui concerne la formation universitaire et professionnelle, c'est la charpente et de la formation des camerounais. C'est le lieu par excellence où est tirée la future classe dirigeante, devant conduire plus tard les affaires publiques. Ici l'analyse de l'aide française laisse percevoir une toute autre réalité comme l'indique le tableau 18 ci-dessous représentatif de l'aide française à l'enseignement supérieur. Tableau 18 : Aide française à l'enseignement supérieur au Cameroun (millions de dollars USD)
Source : OCDE stats 2007 On remarque à cet effet que, comparativement aux deux précédents, celui-ci s'impose comme le lieu où la France s'est néanmoins investie à effectuer le plus de fonds possible, on note ainsi qu'il y a peu d'années blanches comparativement aux deux sous-secteurs précédents. Ceci traduit dans son ensemble un intérêt certain que ce sous-secteur revêt aux yeux de la France. L'intérêt de la France semble donc s'orienter vers de produits presque finis, pourtant absente lors des étapes antérieures. Toutefois l'évolution n'est pas linéaire. De 1990 à 2001, on note en effet que l'aide française à l'enseignement supérieur au Cameroun brille par son caractère disparaître, voir chaotique, alternant entre années blanches (1990, 1991, 1993, 1994, 1996, 1998) au cours desquelles aucun fond n'y est affecté et des années marquées par la modicité des sommes à lui accordées. Cette évolution chaotique traduirait ainsi son indifférence, vis-à-vis de ce sous-secteur. Puis, on assiste dès 2002 à un soudain regain d'intérêt de ce sous-secteur aux yeux de la France, au regard de la montée vertigineuse des sommes affectées à ce dernier qui vont aller crescendo jusqu'en 2005 : on quitte ainsi de 2,6 millions de dollars en 2001 à 31,3 millions en 2004 pour atteindre 32,7 millions de dollars en 2005. Comment expliquer ce regain d'intérêt subit de la France vis-à-vis du sous-secteur de l'enseignement supérieur au Cameroun. Certains parleraient d'une prise de conscience des autorités françaises à renforcer l'enseignement supérieur au Cameroun afin que les produits qui y sortent soient plus compétitifs sur le marché des idées et de l'emploi, tant au plus national qu'international. C'est ce qui peut justifier que l'octroi des bourses d'études en France occupe dès 2002, une portion considérable dans ce sous-secteur (notamment 51%, en 2002 ; 55,6% en 2003 ; 59,3% en 2004 et près de 60% en 20052(*)). Ce qui peut entraîner l'euphorie chez quelques esprits non avertis. Car le fait que des centaines de camerounais aillent continuer leurs études universitaires voire post universitaires en France, peut révéler cette volonté affichée de la France à vouloir améliorer la qualité des produits issus des universités camerounaises, en les rendant plus compétitifs. Mais ce n'est qu'un pan de la réalité. Car au même moment, puisque ces derniers constituent la future classe dirigeante par excellence du Cameroun, la France par la même occasion, vu la proximité géographique et culturelle, peut socialiser ces derniers en vue que ceux-ci puissent plus tard, leur servir de courroie de transmission sur le plan local pour la préservation des intérêts français au Cameroun à moyen et à long terme. C'est donc dire que ce subit regain d'intérêt de l'enseignement supérieur depuis 2002 au regard de la politique sous sectorielle de l'aide française n'est dénué de tout intérêt. Il doit être pris à cet effet avec beaucoup de prudence. En définitive, il apparaît que l'aide française à l'éducation au Cameroun depuis 1990, se caractérise globalement par la modicité des fonds qui y sont affectés et celle-ci suit également une évolution disparate à travers ses sous-secteurs. L'éducation au regard de ce qui précède, apparaît comme l'un des derniers soucis de la politique sectorielle de l'aide française au Cameroun depuis 1990. C'est état de chose traduirait ainsi une certaine indifférence notoire de la France vis-à-vis du secteur éducatif à la lecture des maigres fonds qu'elle consent à affecter à ce dernier. Après le secteur de l'éducation, il est question d'analyser un autre secteur d'affectation de l'aide française au Cameroun. * 2 Données extraites de l'OCDE stats (SNPC) |
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