C- DEBLAYAGE CONCEPTUEL
L'objet de cette partie s'articule essentiellement sur une
clarification conceptuelle de certaines notions clés, qui seront
mobilisées de manière permanente tout au long de ce travail et
qui, pour éviter une quelconque équivoque, doivent être
préalablement définies. Il s'agit principalement des concepts
d'APD (1) et de développement (2).
1)
L'APD
Cette sous partie tourne autour de quatre idées
principales : d'abord un essai de définition du concept APD (a), ensuite
ses modalités et caractéristiques économiques (b), puis
ses instruments (c), enfin la spécificité de l'aide
française en faveur des pays en développement (d).
a) Définition
Avant de donner une définition formelle du terme APD.,
disons d'abord que de manière générale, les pays en
développement bénéficient d'un ensemble de ressources
financières qui peut être décomposé en deux grandes
catégories : les financements publics au développement (F.P.D) et
les apports privés (investissements, emprunts obligatoires,
crédits à l'exportation etc....). Les F.P.D englobent ainsi
l'APD, qu'elle soit bilatérale ou multilatérale et les autres
apports publics qu'on estime contribuer au développement, mais qui ne
répondent pas aux critères de définition de l'APD (Daidj
1998 :16).
S'agissant d'une définition formelle du concept, de
manière générale, aux termes du Dictionnaire du
développement, l'APD peut être défini comme «
l'ensemble des efforts consentis par les Etats membres de l'Organisation de
Coopération et de Développement Economique (OCDE) afin de
favoriser le développement dans les pays moins avancés (PMA) et
dans les pays à revenu intermédiaire (PRI) conformément
aux règles du Comité d'Aide au Développent (CAD) et
OCDE. » De manière plus précise, ce que le CAD
considère comme A.P.D a été formulé en 1969 : ce
sont des prêts ou dons fournis par le secteur public dans le but de
favoriser le développement économique et d'améliorer les
conditions de vie, à des conditions financières douces (dont
l'élément de libéralité est au moins égal
à 25%) ; sont donc exclues, les aides militaires. Depuis les
années 1980, on prend en compte dans les statistiques, les coûts
administratifs, l'aide aux réfugiés dans les pays donateurs,
ainsi que les missions humanitaires, même lorsqu'elles sont
appuyées par les militaires (Gabas, 2002 :19).
Après cet essai de définition, il est question
pour nous de nous attarder sur ses modalités et caractéristiques
économiques.
b) Modalités de l'aide et
caractéristiques économiques
b.1) Modalités
L' APD réunit principalement deux modalités :
Elle peut être "liée" et "déliée". L'aide est
"liée" lorsqu'elle permet de financer l'acquisition des biens et des
services exclusivement auprès de fournisseurs appartenant au pays qui a
apporté les fonds d'aide.
Elle est "déliée" lorsqu'elle peut être
utilisée pour acheter les biens et services auprès de n'importe
quel partenaire.
Le caractère lié ou délié de
l'aide a toujours suscité de nombreux débats. L'aide liée
est perçue comme peu généreuse et opportuniste de la part
des donateurs qui trouvent là un moyen de défendre des
intérêts économiques, commerciaux, politiques ou de
sécurité.
b.2) Caractéristiques économiques
:
L'APD regroupe principalement trois caractéristiques
économiques : les dons, les prêts et la coopération
technique.
* Les dons : ils regroupent
l'ensemble des fonds (financier et matériel) octroyé par le
donateur au bénéficiaire sans contre- partie dans le but pour ce
dernier de faciliter son développement économique et
améliorer ses conditions sociales. La part des dons a augmenté
sensiblement depuis le début des années 1990 au détriment
des prêts bilatéraux d'APD. Cette évolution semble
s'expliquer par le niveau d'endettement particulièrement
élevé de très nombreux pays en développement et
leur incapacité financière à rembourser des emprunts
(Daidj, 1998 :23)
* Les prêts : Ils constituent
l'ensemble des engagements financiers pris ou avalisés par un Etat
souverain ou sa banque centrale auprès d'un Etat créancier ou
d'une I.F.I, remboursable à une échéance fixée soit
d'un commun accord, soit de manière unilatérale par le
créancier. Ils sont assortis de conditions avantageuses comportant une
part de don qui constitue l'élément de libéralité.
En 1978, le CAD a fixé un objectif à ses membres à savoir
que l'élément de libéralité doit
représenter 86% de leur APD totale.
* la Coopération technique
: elle relève d'une assistance. Elle fournit habituellement
des services indépendants en matière de formation, d'expertise,
et ne nécessite pas d'autres apports ou d'autres types d'objectifs
précis tels que ceux définis par des projets matériel,
financier et humain, dans les domaines d'expertise du pays donateur en vue de
soutenir le bénéficiaire dans sa politique de
développement. La part de la coopération technique dans le total
de l'APD a doublé depuis 1975, elle a atteint en 1998 près de 25%
de l'aide bilatérale.
La coopération technique a été fortement
encouragée car elle présente pour chacun des deux partenaires un
avantage. En général, les bénéficiaires
considèrent que cet apport est gratuit et les pays donateurs l'imposent
comme préalable à toute aide financière.
Après cet éclairage sur les modalités et
caractéristiques économique, analysons dès à
présent ses instruments.
c) Instruments de l'aide
De manière générale, la plupart des
bailleurs de fonds internationaux utilise trois instruments d'aide principaux :
l'aide projet, l'aide programme, l'aide budgétaire globale.
c.1) L'aide projet : on parle d'aide
projet, lorsque les financements sont généralement inscrits au
budget de l'Etat bénéficiaire, mais le bailleur de fonds
vérifie chaque étape du projet (mise en oeuvre des études,
revue des marchés publics, suivi des travaux...) et liquide le plus
souvent lui-même la dépense (paiement des fournisseurs).
c.2) Aide programme : encore
appelée aide budgétaire affectée. Elle consiste en des
financements directs à des politiques sectorielles des Etats
bénéficiaires. L'octroi de ce type d'aide nécessite
l'existence des politiques sectorielles crédibles dans les secteurs
appuyés et d'un dispositif fiable de contrôle de la chaîne
des dépenses dans le budget de l'Etat ou les fonds concernés.
c.3) Aide budgétaire globale
: c'est une aide avec versement des fonds directement dans le compte du
Trésor du pays bénéficiaire en appui à sa politique
de développement. L'octroi de ce type d'aide nécessite
l'existence de politiques sectorielles crédibles, d'une stratégie
cohérente et agrée de réduction de la pauvreté.
La catégorisation faite ci-dessus n'a qu'une valeur
didactique, car si elle peut tenir au plan théorique, dans la pratique,
on peut être confronté à une confusion, voire à un
abus du terme au niveau de l'aide. Il est même possible qu'on se retrouve
avec des formes hybrides telles que l'aide alimentaire ou l'aide d'urgence qui
sont des types de financements où l'on retrouve des
caractéristiques à la fois de l'aide programme et de l'aide
projet par exemple.
Il est question après cette présentation
formelle de l'APD, de s'appesantir maintenant sur la spécificité
de l'aide française.
d) Spécificité de l'aide publique
française au développement : une aide majoritairement
constituée de dons.
La spécificité de l'APD française tient
en ce qu'elle est essentiellement octroyée sous forme de dons comme
l'indique le tableau 1 ci après.
Tableau1: PART DES DONS DANS L'AIDE
FRANÇAISE (VOLUME ET POURCENTAGE)
Source : OCDE. Stats. 2007.
En effet, au regard de ce dernier, il apparaît que la
portion qu'occupent les dons dans l'aide française est assez
considérable depuis 1990. Celle-ci oscille entre 60 et 85 %, atteignant
même le pic des 90% de l'aide bilatérale en 2004 et 2005. La
France par cet acte, voudrait marquer sa différence par rapport à
des donateurs comme le Japon qui octroient une aide essentiellement
constituée de prêts, mais aussi afficher une volonté
certaine de contribuer significativement à la solidarité
internationale. D'où la place capitale qu'occupent les dons dans son
aide accordée aux pays en développement depuis 1990.
Après cette clarification conceptuelle sur l'APD, il
est question désormais de procéder à une clarification sur
le concept du développement.
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