B- La vie quotidienne du captif et la fin de la
captivité
On analysera d'abord la vie quotidienne du prisonnier de
guerre avant de terminer avec la fin de la captivité.
· La vie quotidienne du
captif
Elle se traduit par des droits et devoirs relatifs au
traitement, aux conditions matérielles et morales de l'internement, au
secours et à la discipline que nous allons analyser tour à
tour.
- droits et devoirs
En ce qui concerne les droits des prisonniers de guerre, il
faut rappeler le principe selon lequel les prisonniers de guerre sont au
pouvoir de la Puissance ennemie, mais non des individus ou des corps de troupes
qui les ont faits prisonniers. Les prisonniers de guerre ont droit en toute
circonstance au respect de leur personne et de leur honneur. Remarquons enfin
que les prisonniers de guerre conservent leur pleine capacité civile
telle qu'elle existait au moment où ils ont été faits
prisonniers. Dans les limites imposées par la captivité, ils
continuent donc de jouir de leurs droits civils selon la loi de leur pays
d'origine. Ils peuvent notamment se marier par procuration.
Quant aux devoirs des prisonniers, ils découlent d'une
manière générale des lois de la guerre et des
règles de la discipline militaire. Certains de ces devoirs sont
énoncés formellement par la IIIe Convention; c'est
ainsi que l'art. 17, relatif à l'interrogatoire du prisonnier,
précise que celui-ci est tenu de déclarer ses noms,
prénoms et grade, sa date de naissance et son numéro matricule
ou, à défaut, une indication équivalente. Le même
article ajoute toutefois qu'aucune torture physique ou morale ni aucune
contrainte ne pourra être exercée sur les prisonniers de guerre
pour obtenir d'eux des renseignements de quelque sorte que ce soit. La
Convention prévoit encore le cas, qui n'est pas exclu, (si les lois de
la Puissance dont dépendent les prisonniers le permettent), la mise en
liberté sur parole ou sur engagement. L'art 21 de la même
convention déclare, en effet, que «les prisonniers mis en
liberté dans ces conditions seront obligés, sur leur honneur
personnel, de remplir scrupuleusement, tant envers la Puissance dont ils
dépendent qu'envers celle qui les a faits prisonniers, les engagements
qu'ils auraient contractés». Cette référence est
importante, car elle montre que la loyauté est indispensable à
une bonne application des règles humanitaires.
- protection et assistance.
Le Protocole I interdit de déclarer qu'il ne sera pas
fait de quartier, d'en menacer l'adversaire et de conduire les
hostilités de telle manière qu'il n'y ait pas de survivants.
L'ennemi hors de combat, celui qui s'est rendu ou qui manifeste l'intention de
se rendre, celui qui a sauté en parachute de son aéronef en
perdition ne feront pas l'objet d'une attaque. La Convention dispose d'une
manière générale, à son art. 13, que «les
prisonniers de guerre seront traités en tout temps avec
humanité ...» et que sous réserve de tout
traitement privilégié qui serait fondé sur le grade, le
sexe, l'état de santé, l'âge ou les aptitudes
professionnelles, ils seront tous traités de la même
manière. Elle précise, en particulier, qu'aucun prisonnier ne
pourra être soumis à une mutilation physique ou à une
expérience médicale et scientifique, de quelque nature qu'elle
soit, qui ne serait pas justifiée par le traitement médical du
prisonnier intéressé et qui ne serait pas dans son
intérêt. Sont toutefois réservés par le P.A I les
dons de sang en vue de transfusion ou les dons de peau destinés à
des greffes, à la condition que ces dons soient volontaires. Parmi les
principes généraux qui protègent les
prisonniers de guerre, on relèvera encore les suivants: ils ne seront
pas inutilement exposés au danger en attendant leur évacuation
d'une zone de combat. Lorsqu'ils sont capturés dans des conditions
inhabituelles qui empêchent de les évacuer comme prévu, ils
seront libérés et toutes précautions utiles seront prises
pour assurer leur sécurité. Les prisonniers de guerre ne pourront
être internés que dans des établissements situés sur
terre ferme et présentant toutes garanties d'hygiène et de
salubrité. Aucun prisonnier de guerre ne pourra, à quelque moment
que ce soit, être envoyé ou retenu dans une région
où il serait exposé au feu de la zone de combat, ni être
utilisé pour mettre par sa présence certains points ou certaines
régions à l'abri des opérations militaires.
· Conditions matérielles de
l'internement.
La Puissance détentrice assume, d'une manière
générale, la responsabilité de la vie et de l'entretien
des prisonniers de guerre, qui doivent être maintenus en bonne
santé. Les femmes, et les enfants moins de quinze ans, feront, s'ils
sont prisonniers de guerre, l'objet d'un respect particulier et seront
protégés contre toute forme d'attentat à la pudeur.
D'autres précisions concernant l'application de ces principes sont
données sur les points suivants:
- Le logement
- L'alimentation
- L'habillement
- Hygiènes et soins médicaux
- Transferts
· Conditions morales de l'internement.
La Convention ne s'est pas préoccupée que des
conditions matérielles de l'internement. Un grand nombre d'articles sont
consacrés aux conditions morales de celui-ci. Ils concernent non
seulement la religion et les activités intellectuelles ou sportives,
mais aussi le travail considéré comme propre à maintenir
la dignité des personnes et leur équilibre de santé en les
protégeant de l'ennui et du désoeuvrement. En application de ces
principes, la Convention déclare que dans le respect des mesures de
discipline courantes prescrites par l'autorité militaire, toute latitude
sera laissée aux prisonniers de guerre pour l'exercice de leur religion,
y compris l'assistance aux offices de leur culte. En outre, des lieux
convenables seront réservés aux offices de culte. De
même, afin que le travail des captifs ne dégénère
pas en exploitation inhumaine ou en participation immorale à l'effort de
guerre de la Puissance détentrice, il est limité par une
série de règles très strictes. Les
prisonniers de guerre seront autorisés à expédier ainsi
qu'à recevoir des lettres et des cartes en franchise de toute taxe.
· Secours
La Convention consolide, pour les prisonniers de guerre, le
droit aux secours. Les secours prévus sont soit individuels, soit
collectifs, mais la Convention donne une nette préférence aux
envois de secours d'un modèle uniforme, destinés à
l'ensemble des prisonniers d'un camp et répartis entre eux par les
hommes de confiance. Tous les envois de secours sont exempts de tous droits
d'entrée de douane et autres, et l'expérience acquise par le CICR
et les Sociétés nationales de la Croix-Rouge au cours des deux
guerres mondiales est pleinement reconnue.
· Discipline
Afin d'assurer la discipline dans le cadre de l'honneur
militaire, chaque camp de prisonniers de guerre est placé sous
l'autorité directe d'un officier responsable appartenant aux forces
armées régulières de la Puissance détentrice. Cet
officier possédera le texte de la Convention et en aura une
pleine connaissance, de même que des dispositions correspondantes du
Protocole. En outre ces textes seront affichés dans chaque camp, dans la
langue des prisonniers de guerre, à des emplacements où tous les
prisonniers pourront les consulter. Conformément aux exigences de la
dignité des personnes, le port des insignes de grade et de
nationalité, ainsi que des décorations, sera autorisé. Les
commandants militaires doivent veiller à ce que les membres des forces
armées placés sous leur commandement connaissent leurs
obligations aux termes des Conventions et du Protocole. Il leur appartient
d'empêcher toute infraction à ces dispositions, de les
réprimer et, au besoin, de les dénoncer aux autorités
compétentes.
- Evasions ou tentatives
d'évasion : la Convention attache une
importance particulière aux évasions ou tentatives
d'évasion. Celles-ci sont admises comme conformes à l'honneur
militaire et au courage patriotique. Les peines encourues à l'occasion
d'évasions sont en conséquence limitées. Sans doute, il
est permis de faire usage des armes contre les prisonniers qui s'évadent
ou tentent de s'évader, mais cet usage ne doit constituer qu'un moyen
extrême, qui sera toujours précédé de sommations
appropriées aux circonstances. - Hommes de
confiance : l'art. 79 stipule que «dans tous les lieux
où se trouvent des prisonniers de guerre, à l'exception de ceux
où se trouvent des officiers, les prisonniers éliront librement
et au scrutin secret, tous les six mois et de même en cas de vacance, des
«hommes de confiance», chargés de les représenter
auprès des autorités militaires, des Puissances protectrices, du
CICR et de tout autre organisme qui leur viendrait en aide. Ces hommes de
confiance sont rééligibles. Dans les camps d'officiers et
assimilés ou dans les camps mixtes, l'officier prisonnier de guerre le
plus ancien dans le grade le plus élevé sera reconnu comme
l'homme de confiance... » Cette institution est très
importante. Bénéficiant de prérogatives et de
facilités nombreuses énumérées à l'art. 81,
l'homme de confiance est l'intermédiaire apte à contribuer au
bien-être physique, moral et intellectuel des prisonniers de guerre. Il
intervient non seulement pour la distribution des secours, mais pour
adoucir autant que possible les rigueurs de la discipline, assister les
prisonniers dans leurs difficultés avec l'autorité
détentrice et, le cas échéant, dans les différends
pouvant entraîner des sanctions pénales ou disciplinaires.
Soulignons enfin que les prisonniers auront, sans restriction, le droit de
s'adresser, soit par l'entremise de l'homme de confiance, soit directement
s'ils l'estiment nécessaire, aux représentants des Puissances
protectrices, pour leur indiquer les points sur lesquels ils auraient des
plaintes à formuler à l'égard du régime de la
captivité.
· Sanctions :
le principe admis par la Convention est que les prisonniers de guerre
seront soumis aux lois, règlements et ordres généraux en
vigueur dans les forces armées de la Puissance détentrice. Une
clause générale d'indulgence protège les prisonniers de
guerre contre l'interprétation trop rigoureuse des lois et
règlements. Lorsqu'il s'agira de savoir si une infraction commise par un
prisonnier de guerre doit être punie disciplinairement ou judiciairement,
la Puissance détentrice veillera à ce que les autorités
compétentes usent de la plus grande indulgence dans
l'appréciation de la question et recourent à des mesures
disciplinaires plutôt qu'à des poursuites judiciaires, chaque fois
que cela sera possible. Les sanctions disciplinaires ne pourront
être prononcées que par le commandant du camp ou un officier
désigné par lui, à l'exclusion de tout prisonnier de
guerre. Certains tempéraments sont, en outre, prévus pour
l'exécution des peines disciplinaires (autorisation de prendre chaque
jour de l'exercice et d'être en plein air pendant au moins deux heures,
autorisation de lire et d'écrire, ainsi que d'expédier et de
recevoir des lettres). Enfin, en aucun cas, les peines disciplinaires ne seront
inhumaines, brutales ou dangereuses pour la santé des prisonniers de
guerre et la durée d'une même punition ne dépassera jamais
trente jours. En ce qui concerne les sanctions judiciaires, ce sont
les tribunaux militaires qui peuvent juger un prisonnier de guerre. En outre,
les prisonniers de guerre ne pourront être frappés par les
autorités militaires et les tribunaux de la Puissance détentrice
d'autres peines que celles qui sont prévues pour les mêmes faits
à l'égard des membres des forces armées de cette
Puissance, et sont interdites toute peine collective pour des actes
individuels, toute peine corporelle, toute incarcération dans des locaux
non éclairés par la lumière du jour et, d'une
manière générale, toute forme quelconque de torture ou de
cruauté. Il est important de noter que les prisonniers qui feront
l'objet de poursuites judiciaires resteront, même s'ils sont
condamnés, au bénéfice de la présente Convention.
La peine de mort peut être infligée, en principe, pour
des infractions passibles de la peine capitale dans les forces armées du
détenteur. Mais une telle condamnation ne saurait être
automatique. Le prévenu, n'étant pas un ressortissant de la
Puissance détentrice, n'étant lié à elle par aucun
devoir de fidélité et se trouvant en son pouvoir à la
suite de circonstances indépendantes de sa volonté, il a droit
aux circonstances atténuantes correspondantes et le tribunal est
appelé à en tenir compte. Dans la mesure du possible, la peine de
mort ne sera pas prononcée contre les prisonniers qui n'avaient pas
dix-huit ans au moment de l'infraction. Si elle est prononcée, elle ne
sera pas exécutée. L'art. 101 étend à 6 mois au
moins le délai entre le prononcé de la peine de mort et
l'exécution de cette peine. En outre, l'art. 107 prévoit et
organise l'intervention de la Puissance protectrice en cas de condamnation
à mort. Les garanties de procédure judiciaire font partie des
garanties fondamentales, ce qui signifie qu'elles doivent être
assurées même aux prisonniers auxquels le statut de prisonnier de
guerre ne serait pas reconnu. La procédure judiciaire doit être
régulière, c'est-à-dire comporter au moins les garanties
suivantes: information sans délai du prévenu sur les
détails de l'infraction qui lui est imputée, laquelle doit
constituer un acte délictueux au moment où elle a
été commise, présomption d'innocence, absence de
contrainte pour obtenir des aveux, jugement rendu en présence de
l'accusé et en principe publiquement. Le prisonnier ne peut être
puni qu'une seule fois en raison du même fait ou du même chef
d'accusation si c'est sur la base du même droit et de la même
procédure judiciaire. Les droits de la défense sont reconnus et
garantis et, en ce sens, le prisonnier de guerre aura le droit
d'être assisté par un de ses camarades prisonniers, d'être
défendu par un avocat qualifié de son choix, de faire citer des
témoins et de recourir, s'il l'estime nécessaire, aux offices
d'un interprète compétent. Il aura le droit, dans les mêmes
conditions que les membres des forces armées de la Puissance
détentrice, de recourir en appel, en cassation ou en révision
contre les jugements rendus à son endroit et ceux-ci seront
immédiatement portés à la connaissance de la Puissance
protectrice.
· la fin de la
captivité.
- Rapatriement direct et hospitalisation en pays
neutre : la Convention prévoit le
rapatriement direct au cours même des hostilités et
l'hospitalisation en pays neutre pour les blessés et les malades dont
l'aptitude intellectuelle ou physique paraît avoir subi une diminution
considérable. Un projet d'accord type, annexé à la
Convention (Annexe I, voir art. 110), énumère de nombreux cas qui
peuvent donner application à ce principe. La compétence de
commissions médicales mixtes constituées dès le
début du conflit est requise. Les Parties au conflit seront tenues de
renvoyer dans leur pays, sans égard au nombre ni au grade et
après les avoir mis en état d'être transportés, les
prisonniers de guerre grands malades et grands blessés. Aucun prisonnier
de guerre blessé ou malade ne pourra être rapatrié contre
sa volonté pendant les hostilités.
- Libération et
rapatriement à la fin des hostilités : les
situations qui peuvent se présenter à la fin d'une guerre ont
montré que la façon dont était énoncé le
principe du Code des prisonniers de guerre de 1929, requérant le
rapatriement des prisonniers à la conclusion de la paix, risquait de
leur être défavorable, car l'expérience a montré
qu'un temps fort long peut s'étendre entre la cessation des
hostilités et la conclusion de la paix. Afin d'y remédier, la
IIIe Convention de 1949 dispose que le rapatriement aura lieu
«sans délai après la fin des hostilités
actives», c'est-à-dire après le cessez-le-feu. Une
exception au rapatriement immédiat est prévue en ce qui concerne
les prisonniers condamnés ou poursuivis pour délit de droit
pénal qui pourront être retenus jusqu'à la fin de la
procédure et, le cas échéant, jusqu'à l'expiration
de la peine.
Ø Décès
Les prisonniers de guerre sont habilités à faire
leur testament. A cette fin, la Convention prévoit que les testaments
des prisonniers de guerre seront établis de manière à
satisfaire aux conditions de validité requises par la législation
de leur pays d'origine, qui prendra les mesures nécessaires pour porter
ces conditions à la connaissance de la Puissance détentrice.
La Convention précise les conditions d'inhumation (ou en
certains cas d'incinération) propres à assurer le respect
dû aux morts et à réserver l'intérêt des
familles, et le Protocole complète ces dispositions. En cas de
décès dont la cause serait suspecte, une enquête est
prescrite, afin de situer les responsabilités, en vue notamment des
indemnités éventuelles à percevoir par les ayants droit.
Les certificats de décès seront adressés, dans le plus
bref délai, aux Bureaux officiels de renseignements sur les prisonniers
de guerre.
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