I. L'ACCUSÉ CLASSIQUE OU LE CRITéRE DES
RÉPERCUSSIONS IMPORTANTES
77. Ce critère fourni par dans l'affaire McGuiness 73
est la Cour : Ç une personne peut
être considérée comme accusée aux
fins de l'article 6 dès l'instant qu'il y a des répercussions
importantes sur sa situation È.
Il faut comprendre que lorsque l'une des issues de la
procédure engagée contre le requérant est une sanction
d'une particulière gravité, celui-ci doit être
considéré comme un accusé au sens de la Convention.
78. Par nature, la peine d'emprisonnement constitue une telle
sanction, et toute personne visée par une procédure susceptible
d'aboutir à une peine privative de liberté remplit le
critère de l'article 6.
La solution était moins évidente pour les
sanctions pécuniaires, mais la Cour a décidé dans
l'affaire J.B. c/ Suisse qu'une amende d'un montant particulièrement
élevé doit être considérée comme ayant des
«répercussions importantes» sur la situation du
requérant74. Il s'agit là d'un critère objectif
et non subjectif, même si la Cour l'apprécie in concreto
. Elle envisage la question en faisant du requérant une sorte de
justiciable éclairé qui décide de répondre ou non
aux enquêteurs, selon que la sanction encourue en conséquence de
ce choix a plus ou moins d'impact sur sa situation. C'est donc ici encore la
gravité de la sanction, en ce qu'elle a pu contraindre le comportement
du requérant, qui fait figure de critère
déterminant.75.
79. Une difficulté surgit en cas de relaxe lors d'une
procédure pénale postérieure à une enquête
administrative qui a déjà donné lieu à une sanction
pénale.
73 CEDH 21 décembre 2000, McGuiness c/Irlande,
§ 41.
74 CEDH 03 mai 2001, J.B. c/ Suisse, § 48 et
49.
75 La sanction est le critère
déterminant de l'applicabilité de l'article 6 : la notion de
«répercussions importantes» est à la
détermination de la qualité d'accusé d'une infraction ce
que la notion de «gravité de la sanction» est à la
détermination de la matière pénale, cf. supra
n°63 et suivants.
Dans lÕaffaire McGuiness précitée, le
requérant avait été condamné par le juge penal
à une peine dÕemprisonnement pour avoir refuse de fournir des
informations à lÕadministration des douanes. Se trouvant dans la
même situation que M. Funke 76, il aurait pu invoquer une
violation de lÕarticle 6 même en lÕabsence de poursuites
pénales postérieures à lÕenquête
administrative. Toutefois, en lÕespéce, ces poursuites eurent
lieu et aboutirent à la relaxe du prévenu, sans que celui-ci ait
pu se prévaloir dÕune violation de lÕarticle 6 commise au
cours dÕune procedure administrative distincte et ayant abouti à
une condamnation sur laquelle un autre juge penal avait déjà
statue. En outre, comme le requérant nÕavait pas
cédé à la demande de production de pieces, la CourEDH ne
pouvait pas contrTMler leur utilisation au cours du procés penal
(critère de lÕarrêt Saunders
précité77). La relaxe du requérant avait donc
pour consequence quÕil ne pouvait invoquer les droits garantis par la
ConvEDH, alors même quÕil pouvait a priori
sÕestimer victime dÕune violation de lÕarticle 6 au
même titre que Funke.
Dans une telle hypothése, la CourEDH decide que
lÕarticle 6 est malgré tout applicable, au motif que Ç la
Convention doit s'interpréter de façon à garantir des
droits concrets et effectifs, et non théoriques et illusoires
»78.
80. Ainsi, il ressort de la jurisprudence de la Cour que toute
personne ayant été soumise à une procedure susceptible
dÕavoir des repercussions importantes sur sa situation doit etre
considérée comme ayant été accusée
dÕune infraction au sens autonome de lÕarticle 6 de la
ConvEDH.
En réalité, ce critére fait double emploi
avec celui utilisé pour determiner lÕétendue de la
Òmatiére pénaleÓ et nÕest pas
réellement efficace pour determiner qui est accuse et qui ne
lÕest pas. Il permet surtout dÕidentifier ce quÕest une
infraction pénale au sens de la Convention, et par voie de consequence,
de dire quÕil y a bien eu une accusation formulée en
matiére pénale. Quant à la question de savoir qui fait
lÕobjet de cette accusation, à qui est reprochée la
commission de lÕinfraction ayant fondé les poursuites
pénales, le critére des repercussions importantes ne permet pas
de donner une réponse satisfaisante. En effet, il existe plusieurs
personnes pour lesquelles une procedure en matiére pénale est
susceptible dÕavoir des consequences importantes. Il est donc
comprehensible que la Cour ait été amenée à
préciser le
76 Cf. supra n66 et suivants.
77 Cf. supra n71 et suivants.
78 Arrêt McGuiness, 45.
statut de l'individu ayant été entendu comme
témoin au cours de la procédure: le sens autonome de la notion
conventionnelle d'accusé permet-il d'appliquer l'article 6 au
témoin?
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