II. LES SOURCES JURIDIQUES Ë L'ORIGINE DU DROIT DE NE
PAS S'AUTOACCUSER
23. Par rapport à la justice pénale, les droits
susmentionnés sont essentiellement des garanties procédurales
contre les contraintes abusives exercées, par les enquêteurs et
les juges dans le cadre de la recherche de preuves, sur la liberté de
parole du justiciable. On apercoit ici les termes d'un conflit
d'intérêts, lequel est le reflet d'une confrontation entre deux
philosophies du droit de la preuve.
D'un côté, les Etats de tradition dite
«inquisitoriale», qui accordent de larges prérogatives
à tous ceux qui oeuvrent à la recherche et à
l'établissement de la vérité judicaire. Dans ce
système, les intérêts supérieurs de la justice
l'emportent sur la liberté de parole du suspect.
De l'autre côté, les Etats de tradition dite
«accusatoire», qui accordent une place prépondérante
aux prérogatives des parties. Le souci des droits de la défense
l'emporte sur celui de l'établissement judicaire de la
vérité.
La plupart des Etats européens ont un droit de la
preuve qui emprunte aux deux systèmes, afin de parvenir à un
équilibre satisfaisant entre la protection des libertés
individuelles et les nécessités de la répression.
24. Ces considérations influencent grandement la
façon dont la justice européenne appréhende la
liberté de parole, envisagée en matière pénale
comme liberté de conserver le silence. Le droit de ne pas s'autoaccuser,
tel qu'il est défini par la CourEDH, est une réponse à ce
souci d'équilibre procédural, puisqu'il Çtend à
mettre le prévenu à l'abri d'une coercition abusive de la part
des autorités, donc à éviter des erreurs judiciaires
È. Cette finalité est
rappelée au début de l'examen de chaque
espèce, afin d'asseoir le contrôle de la Cour sur des fondements
idéologiques incontestables.
25. Cependant, la Cour juge avant tout en droit, aussi
doit-elle fonder ses décisions sur les dispositions du texte qu'il lui
incombe d'appliquer, la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales. Néanmoins, la Cour
étant également un organe d'interprétation de la
Convention, il lui est permis en tant que tel de s'inspirer d'instruments
extérieurs à ce texte. La mise en place du droit de ne pas
s'autoaccuser s'opère ainsi dans un contexte normatif particulier.
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