SECTION PREMIÈRE: LES SOURCES INTELLECTUELLES
DU
DROIT DE NE PAS S'AUTOACCUSER
19. Le droit de ne pas s'autoaccuser n'a pas
été créé de toutes pièces par la CourEDH. Il
s'inscrit dans un contexte particulier qui permet, à rebours,
d'expliquer certains choix techniques opérés par celle -ci. En
effet, le droit de ne pas s'autoaccuser est la manifestation, en
procédure pénale, de considérations d'ordre philosophique
(I) et purement juridique (II).
I. LES SOURCES PHILOSOPHIQUES DU DROIT DE NE PAS
S'AUTOACCUSER
20. Nemo tenetur prodere seipsum disposait le droit
canon, attribuant à la parole, conquête de l'homme et cÏur de
sa personnalité, un caractère sacré qu'elle conserve
encore aujourd'hui. En effet, la parole est de l'essence même de
l'être humain, dans son aspect positif mais aussi dans sa
Çcontre-face >>26, le silence. Le respect de la
liberté de parole est donc Çun élément dü au
respect de la dignité de la personne >>27. Sur le
terrain de la liberté d'expression, cela implique de pouvoir librement
choisir entre parler ou se taire, de pouvoir être maître de sa
communication avec autrui.
21. Cette dualité du logos, à la fois action et
omission, entraîne des conséquences particulières en
matière de justice, et plus particulièrement de justice
pénale. Ainsi, sur le terrain judiciaire, on retrouve la liberté
d'expression dans sa double acception, droit de parler librement et droit de se
taire.
En matière civile, le caractère sacré de
la parole transparaît dans la force probante de l'aveu, manifestation de
la liberté de parole du justiciable. En matière pénale,
oü la spontanéité et la sincérité de la parole
sont plus douteuses, il importe de préserver plutôt que de
favoriser la liberté de parole, l'accent est donc mis sur le silence,
corollaire du libre aveu, qui comprend le droit de se taire et le droit de ne
pas s'autoaccuser.
Il est compréhensible que l'aveu soit doté d'une
reconnaissance particulière, puisqu'il permet l'établissement
de la vérité, l'un des grands mythes du système
judiciaire. En revanche, le silence, par hypothèse, empêche de
connaître la réalité et l'on peut s'étonner de le
voir érigé
26 L.-E. PETTITI, Droit au silence,
cité en bibliographie.
27 Ibid.
en droit, tout particulièrement en matière
pénale oü la gravité des faits para»t justifier le
sacrifice de la liberté de parole sur l'autel de la
vérité.
22. Le droit de ne pas s'autoaccuser est la traduction
juridique de considérations philosophiques qui tiennent au
caractère sacré de la parole. Des problèmes plus
techniques se posent également, qui tiennent aux moyens par lesquels
l'équilibre de la procédure peut être
réalisé.
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