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Le droit de ne pas s'autoaccuser dans la jurisprudence de la CEDH

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par Jean-Dominique VOISIN
Université Paris II-Assas - Master 2 droit pénal et sciences pénales 2007
  

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CONCLUSION DE LA SECTION DEUXIéME

160. L'enquête a pour finalité de rechercher les preuves qui permettront au juge de se prononcer sur le culpabilité du suspect. Lorsque la recherche de preuves a violé l'article 6 ConvEDH, c'est donc aux juridictions nationales qu'il incombe, en premier lieu, de réparer les atteintes au procès équitable. La CourEDH assure le dernier niveau de protection, en identifiant les méthodes qui peuvent être qualifiées de coercition abusive, et en contrôlant l'impact des éléments de preuve qu'elles ont permis de recueillir. L'influence que ces éléments ont exercée sur les juges nationaux fait ainsi l'objet d'un contrôle qui distingue les violations du droit de ne pas s'autoaccuser et les violations du droit de se taire.

161. Au titre des premières, la CourEDH sanctionne les décisions fondées sur les déclarations du requérant obtenues par l'usage d'une coercition abusive. L'aveu contraint lie le juge en ce qu'il est impossible à ce dernier d'accueillir un tel él ément comme preuve de la culpabilité de l'accusé153, même corroboré par d'autres pièces à charge. Le droit de ne pas s'autoaccuser est donc un droit absolu154 et ne tolère à ce titre aucune dérogation. L'intérêt public à réprimer certains comportements particulièrement nuisibles à la société, par exemple en matière de droit des sociétés ou de terrorisme, ne saurait justifier que l'Etat ait recours à la coercition abusive afin de faciliter l'établissement de la culpabilité de l'accusé.

151 Ce qui explique que l'appel de la condamnation du jury ne soit pas considérée comme une garantie suffisante de l'équité de la procédure, cf. arrêt Condron § 63 et suivants, précité.

152 Arrêt Condron, précité.

153 Qu'il y ait ou non condamnation au final, cf. arrêt McGuiness, précité.

154 C'est ce qui ressort de la jurisprudence de la Cour, bien que celle-ci se refuse à le reconna»tre expressément, sans doute pour ne pas être liée par sa propre jurisprudence.

L'originalité du mécanisme mis en place par la Cour consiste essentiellement dans la définition de la coercition abusive, indépendante des règles nationales de recherche de preuves, ce qui peut imposer au juge de désobéir à son propre droit s'il veut se conformer aux exigences de la Convention. Quant au critère de l'impact, il n'est intéressant que dans la mesure oü il précise la portée de l'aveu contraint: l'interdiction étant absolue, c'en est fini, sur ce point précis, de l'intime conviction du juge. Ce dernier n'est libre ni de qualifier la contrainte, ni d'apprécier la force probante de l'aveu extorqué, il doit impérativement se conformer aux règles conventionnelles d'admissibilité de la preuve.

162. Au titre des violations du droit de se taire, la CourEDH sanctionne les décisions fondées sur la seule circonstance que l'accusé a gardé le silence lors de l'enquête. Ce droit n'est pas absolu et le juge reste libre de condamner l'accusé qui ne se disculperait pas, au stade du procès, mais préfèrerait conserver le silence. La Cour se contente de rappeler ici des règles classiques d'administration de la preuve, sans apporter d'élément nouveau si ce n'est, peut être, en matière d'appréciation de la force probante des commencements de preuve. Bien que moins original, ce mécanisme est pourta nt le complément nécessaire du droit de ne pas s'autoaccuser : puisque l'accusé ne peut être contraint à produire des pièces à charge, il doit pouvoir se taire sans encourir de condamnation. De même que se défendre, ce n'est pas s'accuser, se taire, c'est ne pas s'autoaccuser.

163. Le critère de l'impact permet de comprendre le fonctionnement du système mis en place par la CourEDH. Droit de se taire et droit de ne pas s'autoaccuser participent ainsi d'un même mécanisme de protection du droit au silence. Ce dernier joue, en matière pénale, un rTMle particulièrement important puisqu'il contribue au respect de la présomption d'innocence, et garantit le traitement équitable de l'accusé d'un bout à l'autre d'une procédure susceptible d'affecter considérablement les libertés individuelles.

Néanmoins, les rapports entre le droit au silence, les droits de la défense, le droit à la présomption d'innocence et le droit à un procès équitable sont difficiles à établir. La CourEDH est peu explicite sur ce point, et préfère préciser ses solutions au cas par cas au lieu de construire un ensemble cohérent et lisible. Il n'est toutefois pas impossible, à partir des indices fournis par la Cour, d'esquisser à titre de conclusion générale un portrait d'ensemble, afin de situer le droi t au silence au sein d'un contexte hiérarchisé et ordonné.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld