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Le droit de ne pas s'autoaccuser dans la jurisprudence de la CEDH

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par Jean-Dominique VOISIN
Université Paris II-Assas - Master 2 droit pénal et sciences pénales 2007
  

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CONCLUSION DU DEUXIéME CHAPITRE

92. Ainsi que la Cour le rappelle dans l'arrêt Shannon précité, Çil y a principalement deux types d'affaires dans lesquelles la Cour a constaté des violations du droit de garder le silence et du droit de ne pas s'incriminer soi-même >>. Il y a d'abord les affaires concernant l'utilisation de la contrainte aux fins d'obtention de renseignements susceptibles d'incriminer la personne concernée dans le cadre d'une procédure pénale déjà pendante ou envisagée contre lui. Il y a ensuite les affaires concernant l'utilisation dans le cadre de poursuites pénales subséquentes d'informations incriminantes obtenues par la contrainte en dehors du contexte d'une procédure pénale90. Ces affaires soulevaient toutes des difficultés quant à l'applicabilité de l'article 6 à des procédures complexes, dont le déroulement diffère des poursuites exercées dans le cadre d'une procédure pénale classique. La CourEDH a résolu ces difficultés en revêtant la notion de matière pénale d'un caractère autonome qui la soustrait à l'appréciation

88CJCE 18 octobre 1989 Orkem c/ Commission, Rec., 1989, p.3283.

89 Mentionné supra, n°87.

90 CEDH 2005 Shannon précité, § 41 à 43.

des Etats-membres91. Face à la tendance à dépénaliser le droit penal, cÕest-à-dire à permettre à dÕautres autorités que le juge penal de sanctionner des infractions, la Convention permet ainsi lÕapplication de régles identiques à toutes les mesures punitives92.

Au final, le droit de ne pas sÕautoaccuser se voit dote dÕun large champ dÕapplication afin de satisfaire au mieux les exigences du procés equitable. Tout requérant ayant fait lÕobjet dÕune accusation en matiére pénale (question de forme) est ainsi habilité à se prétendre victime dÕune violation des droits qui lui sont conférés par lÕarticle 6 ConvEDH (question de fond).

93. La délimitation du domaine du droit de ne pas sÕautoaccuser permet déjà de distinguer les éléments qui seront examines sur le fond. Cependant, le mécanisme élaboré est difficile à appréhender dans son ensemble, la Cour se limitant à des explications ancrées dans les circonstances des espéces qui lui sont soumises, au detriment de lÕesprit de système. Il en résulte que le contenu du droit de ne pas sÕautoaccuser ne fait lÕobjet dÕaucune definition abstraite : la notion se développant au fil de la casuistique, chaque violation constatée est une pierre de plus apportée à lÕédifice. LÕétude du contrTMle exercé par la CourEDH révéle une mise en Ïuvre pour le moins complexe, dont la portée est incertaine.

91 LÕinclusion des procedures dites ÒmixtesÓ dans la notion de matière penale entra»ne egalement des consequences importantes sur lÕapplicabilite du principe non bis in idem.

92 Cf. sur ce point, P. Conte et P. Maistre du Chambon, Droit pénal général, p. 96-97.

TROISIéME CHAPITRE : LA PORTÉE DU DROIT DE NE
PAS S'AUTOACCUSER

94. La ConvEDH ne définissant pas expressément le droit de ne pas s'autoaccuser, le juge européen procede en quelque sorte à l'incrimination de certains comportements. En effet, la CourEDH semble raisonner de la maniere suivante : le silence est la valeur sociale européenne à protéger ; par conséquent, il convient de déterminer les différents comportement susceptibles de lui porter atteinte ; une fois les éléments constitutifs de ces «infractions» définis, il suffit de vérifier s'ils sont réunis en l'espece pour déterminer s'il y a eu violation du droit au silence. On constate qu'il existe deux façons complémentaires de porter atteinte au silence : la contrainte exercée peut dissuader l'accusé de se taire ; elle peut l'inciter également à produire des pieces ou à formuler des déclarations qui vont dans le sens de sa culpabilité, c'est-à-dire à s'autoaccuser.

95. Le droit de ne pas s'autoaccuser et le droit de se taire permettent ainsi de garantir le respect du droit au silence, et d'assurer le traitement équitable de l'accusé tout au long de la procédure. La CourEDH définit, à l'occasion de son contrTMle, les comportements concrets constitutifs d'une attei nte à ces droits. Selon elle, « pour rechercher si une procédure a anéanti la substance même » du droit au silence, il convient d'examiner en priorité les éléments suivants : « la nature et le degré de la coercition, l'existence de garanties appropriées dans la procédure et l'utilisation qui est faite des éléments ainsi obtenus »93.

La distinction est donc essentiellement chronologique : la recherche de preuves par les enquêteurs est qualifiée de coercition abusive des lors qu'elle a privé le requérant des garanties de l'article 6 (section première). La procédure suivie lors du proces pénal ultérieur est inéquitable des lors que les informations abusivement recueillies ont exercé un impact déterminant sur la décision de condamnation (section deuxiime).

93 CEDH 11 juillet 2007, Jalloh c/ Allemagne, § 101.

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