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Le droit de ne pas s'autoaccuser dans la jurisprudence de la CEDH

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par Jean-Dominique VOISIN
Université Paris II-Assas - Master 2 droit pénal et sciences pénales 2007
  

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III. L'ACCUSÉ PERSONNE MORALE OU LE CRITéRE EN SUSPENS

86. Il aurait été intéressant de savoir si le droit de ne pas contribuer à sa propre accusation peut également être invoqué par une personne morale. Aucun arrêt de la CourEDH ne se prononce expressément en ce sens.

L'art 6§1 est applicable à « toute personne » des lors qu'elle remplit les conditions énumérées par cet article. Les restrictions à la compétence de la CourEDH sont prévues par la Convention elle même, et sont exclusivement territoriales. En conséquence, les dispositions relatives au procès équitable peuvent a priori être invoquées par une personne morale.

En pratique, la Cour a répondu à certaines questions concernant les rapports entre l'article 6 et les personnes morales, mais jamais directement sur le point de savoir si ces dernieres peuvent invoquer le droit de ne pas s'autoaccuser (A). Plusieurs solutions sont a priori envisageables84 et les réponses peuvent parfois être trouvées hors de la jurisprudence de la CourEDH (B).

Al LA QUESTION RÉSOLUE : LA PERSONNE PHYSIQUE AU SEIN D'UNE PERSONNE MORALE

87. Il ne s'agit en réalité que d'une précision apportée par la Cour quant à la notion classique d'accusé85. La juridiction européenne rejette la distinction, au sein de cette catégorie d'accusés, entre les personnes physiques ayant commis une infraction de droit commun et les personnes physiques ayant commis une infraction en droit pénal des sociétés.

La référence est ici l'arrêt Saunders précité. Le gouvernement suggérait de distinguer entre les fraudes commises en matiére de sociétés et d'autres types d'infractions, les auteurs des premières bénéficiant de garanties moindres en raison des nécessités de l'enquête. La Cour répond que le droit de ne pas s'autoaccuser doit s'appliquer également à tous les types d'accusés, y compris ceux soupçonnés d'avoir commis des fraudes complexes au sein des sociétés. Autrement dit, l'intérêt public à démêler des infractions complexes ne saurait justifier une atteinte au principe d'égalité entre les accusés au regard de l'article 686.

88. La Cour se contente dans cette affaire de préciser que les infractions en matiére de sociétés doivent être poursuivies et réprimées dans le respect des garanties du procés équitable. Elle ne répond pas directement à la question de savoir si les personnes morales accusées d'une infraction en matière pénale bénéficient des mêmes droits conventionnels que les personnes physiques placées dans la même situation. La confrontation sur ce point entre la jurisprudence européenne et la jurisprudence communautaire ne permet pas de donner une réponse définitive.

B1 LA QUESTION DÉBATTUE : LA PERSONNE MORALE ELLE-MæME

89. En l'absence de décision expresse de la CourEDH dans ce domaine, il est intéressant de se tourner vers la juridiction communautaire. En effet, l'article 6§2 du traité instituant l'Union Européenne87, codifiant la jurisprudence de la CJCE, dispose que « l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde

85 Cf. supra, n°76.

86 Arrêt Saunders, § 44 et 45.

87 Signé à Maastricht le 7 février 1992.

des droits de l'homme et des libertés fondamentales (É) >>. L'examen des décisions de la Cour de Justice et du Tribunal de première instance des Communautés européennes pourrait donc fournir un indice concernant l'invocabilité du droit de ne pas s'autoaccuser par les personnes morales.

90. La jurisprudence communautaire décide que le droit de ne pas s'autoaccuser peut être invoqué par les personnes morales, mais elle en limite la substance à la possibilité pour celles-ci de refuser d'admettre l'existence d'une infraction88. Cette conception est très éloignée de celle consacrée par la CourEDH et il est probable que cette dernière retiendrait une solution différente au fond si elle se prononcait sur la question, au nom du Çprincipe d'égalité entre les accusés au regard de l'article 6 >>89.

91. De ce principe et des indications fournies par le droit communautaire, il résulte qu'aucun obstacle rationnel ne devrait empêcher une personne morale d'invoquer à son bénéfice le droit de ne pas s'autoaccuser. Il faudra toutefois attendre une décision expresse de la CourEDH pour conna»tre les conséquences sur le fond de cette applicabilité.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon