La réparation du dommage environnemental causé par la pollution par des déchets industriels en droit international de l'environnement( Télécharger le fichier original )par Soumaà¯la AOUBA Faculté de Droit et de Science à‰conomique de l'Université de Limoges (FRANCE) - Master 2 en Droit International et Comparé de l'Environnement 2010 |
A/ Vers une responsabilité plus objective ou sans faute1°) L'exigence d'une atteinte { l'environnement
40 Pour la France : Civ., 1ère, 9 juin 1993, J.C.P., éd. G. II 22202, note Geneviève VINEY. Au Burkina Faso : C.A de Ouagadougou, 21 février 1992, R.B.D., n° 27- Janvier 1995, p. 99. «La jurisprudence, de façon générale, admet que dès lors qu'est établie l'intervention de la chose dans la réalisation du dommage, elle est présumée en être la cause génératrice, sauf au gardien d'en rapporter la preuve contraire; or l'article 1384 al. 1, ne distingue pas suivant que la chose soit inerte ou en mouvement; il suffit, pour que la responsabilité du gardien soit reconnue, qu'il soit établi que la chose est, en quelque sorte, la cause du dommage qui sans elle ne se serait pas produit». 86. Par contre, le processus de détermination de la responsabilité va prendre en compte la nature des rapports entre le pollueur ou le responsable et la victime identifiée. Car dans certaines situations les atteintes et pollutions surviennent au moment de l'exécution d'un contrat entre les parties contractantes , victime et auteur qui peuvent être { l'origine, l'exploitant et le propriétaire, le propriétaire ou l'exploitant et le sous-locataire, ou bien le propriétaire ou l'exploitant failli et le repreneur. Il convient toutefois de signaler que le principe de la responsabilité objective est contesté par certains groupes sociaux41. 2°) L'admission du préjudice personnel résultant des nuisances nées de l'atteinte environnementale
41 C'est le cas en France des Groupements professionnels qui réclament le retour { la responsabilité classique. V. Commission économique du Conseil National du Patronat Français (CNPF), «Observations du CNPF sur le livre vers de la CEE relatif à la réparation des dommages causés { l'environnement~, septembre 2003; cité par MARTIN (Gilles J.) op.cit., p.124. B/L'élargissement du champ de la responsabilité
civile en droit 1°) Concernant les victimes 89. La convention de Lugano a facilité le droit d'action des victimes en faisant, en quelque sorte, obligation aux États et autorités publiques de leur fournir sans conditions toutes les informations environnementales qu'ils détiennent sauf celles concernant la sureté et la sécurité de l'État (article 14 et 16). La convention reconnait également le droit d'action des associations et organismes se consacrant { la protection de l'environnement. Mais les réclamations de réparation pour ces associations ne sont admises que pour les dommages personnels (au sens large) qu'elles auraient subis, les réclamations monétaires à titre de dommages collectifs sont par conséquent exclues. En admettant le principe du préjudice écologique pour atteinte { l'environnement les juridictions ont commencé à admettre accueillir plus largement l'action des associations, ONG et fondation, personnes morales de droit privé à revendiquer des réparations pour leurs oeuvres. Ainsi, dans l'affaire du «Balbuzard-pêcheur», la Cour de cassation française, en 1982, a considéré que la destruction de cet animal rapace avait causé { l'association de protection des oiseaux «un préjudice moral direct personnel en relation avec le but et l'objet de ses activités>42. En droit français la loi43 n° 95-101 du 2 février 1995 portant renforcement de la protection de l'environnement, a également consacré cette extension aux associations du droit d'ester en justice pour la défense de leurs intérêts. De manière subtile, tout se passe { l'égard des associations, à quelques différences près, comme dans le cas de la responsabilité civile de droit commun où il faut prouver le dommage, la faute et le lien de causalité. 2°) La facilitation de l'accès { la justice
42 V. « Projet de loi relatif à la responsabilité environnementale», op.cit., p. 1. En France, la loi du n°95-101 du 2 février 1995 (JCP 1995, éd. G, III, 67289) relative au renforcement de la protection de l'environnement a favorisé le droit d'action des associations. 43 V. JCP 1995, éd G.,III, 67289. V. CAMPROUX-DUFFRENE (Marie-Pierre) et CURZYDLO (Alexia), op. cit., p.14. 44 V. NEYRET (Laurent), «Naufrage de l'Erika : vers un droit commun de la réparation des atteintes { l'environnement~, D. 2008, Chron., p. 2681. tellement d'entités et de structures sectorielles impliquées dans la préservation des ressources de sorte qu'une absence de concertation ou de délimitation de missions peut créer une confusion et affaiblir l'État pourtant garante de l'ordre public. De même, il serait illusoire de penser qu'il y aurait une véritable symbiose entre les actions de toutes les autorités administratives (locales et centrales) car bien souvent et comme ça été le cas dans plusieurs catastrophes, les autorités centrales (Président, Ministres) pour des raisons politiques s'arrogent et supplantent les pouvoirs locaux (Maires et Préfets) pour intervenir directement. Deuxièmement, au niveau du privé, notamment des personnes morales, il risque d'y avoir une concurrence exacerbée entre associations, ONG, organismes spécialisés, groupements de défense, à tel enseigne que sans interlocuteurs consensuellement désignés, l'on peut aboutir { des blocages, { des «guerres> de clans. Troisièmement, cette extension soulève bien d'autres questions. A quoi doivent servir les indemnités allouées aux personnes morales de droit privé? En principe, ces sommes d'argent versées aux associations et mouvements de défense de la nature devraient servir exclusivement à renforcer leurs actions au profit de l'environnement (reboisements, empoisonnements, dépollutions...) et si besoin est, une partie pourrait leur servir à renforcer leurs capacités technique et humaine (formations du personnel, acquisition de matériel...). Dans tous les cas cet argent ne doit aucunement être redistribué aux membres de ces entités. Il est donc utile les rôles et missions de chaque entité soient bien précisés pour permettre une bonne collaboration45sur le terrain. II- LES CAUSES D'EXEMPTION OU D'EXONÉRATION DE LA RESPONSABILITÉ EN CAS DE DOMMAGE DÛ À LA POLLUTION ET/OU AUX DÉCHETS INDUSTRIELS A/ Les causes traditionnelles 1°) Les cas fortuits : pollution diffuse et généralisée, catastrophes naturelles 92. C'est la responsabilité objective qui est retenue { l'encontre des dommageurs. Cependant, lesdits propriétaires ou responsables peuvent s'exonérer de leur responsabilité dans le cas de pollution marine due { un déversement d'hydrocarbures s'ils parviennent { démontrer que le dommage résulte soit d'un acte de guerre, d'un cas de force majeure, d'une faute imputable aux autorités administratives (logistique mise en place inadaptée), d'un acte de sabotage orchestré par un tiers, d'une faute intentionnelle de victimes. D'ailleurs, comme il est de coutume, la responsabilité des propriétaires de navires (pétroliers) est souvent limitée grâce aux clauses d'exonération et des fonds de garantie. Lorsque c'est le cas, cette couverture (limitation) ne peut tomber que s'il est prouvé que le dommage (déversement d'hydrocarbure) est lié { une faute personnelle et inexcusable du propriétaire. Conformément à la Convention de Londres du 20 45 Et sur ces questions, comme le propose NEYRET (Laurent), in «Naufrage de l'Erika : vers un droit commun de la réparation des atteintes { l'environnement>, D. 2004, chron. p. 2686, les autres pays devraient s'appuyer sur l'exemple américain, régit par les lois sur la «Comprehensive Environnemental Response, Compensation and Liability Act» (CERCLA) du 11 décembre 1980 et celles sur les «Oil Pollution Act» (OPA) qui prévoient une institution la « Resource trustees)>, chargée d'agir en réparation des dommages causés aux ressources naturelles sur une base d'obligation de coopération des «trustees)> assortie d'interdiction de double indemnisation d'un même dommage. décembre 199246, il est également interdit par exemple aux victimes d'agir contre les mandataires et préposés du propriétaire, quelquefois le pilote du navire, le gérant du navire, de toute personne prenant des mesures de sauvegarde. 93. La Convention de Lugano, en son article 8 retient comme cause d'exonération de responsabilité, les actes de guerre, la force majeure, le fait intentionnel d'un tiers (acte de sabotage par exemple). L'article 35 de cette Convention considère comme cause d'exonération le «risquedéveloppement» c'est-à-dire l'ignorance au moment de l'atteinte que l'activité, les produits ou substances, pouvait être dangereux, du fait que les autorités publiques locales ne les a pas listées comme dangereux parce qu'elles ne méconnaissaient scientifiquement elles-mêmes à cet instant la dangerosité révélée. Quant à la Directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale, elle exclut, outre les cas suscités, qu'elle ne s'applique pas aux activités menées principalement dans l'intérêt de la défense nationale ou de la sécurité internationale et aux activités menées dans le but de protection contre les catastrophes naturelles. Paradoxalement, le principe de responsabilité ne peut être appliqué quand il s'agit d'une pollution généralisée47 et diffuse (changement climatique). 2°) Exclusion des préjudices éventuels et incertains 94. La plupart des conventions, sous la pression des milieux d'affaires, des industriels et des banques et ne sont pas favorables à la prise en compte des préjudices éventuels et incertains pour des raisons économiques et pour éviter leurs faillites. Cependant les préjudices éventuels, sont admis en principe, avec circonspection il est vrai, lorsque l'éventualité repose sur des éléments connus. F/ Les causes d'exonération spécifiques au dommage environnemental 1°) Les causes internes ou nationales d'exonération 95. Certaines causes d'exonérations de responsabilité sont { rechercher, non pas, dans les traités, conventions internationales et communautaires, mais plutôt, dans les lois nationales (organiques ou règlementaires) car ces conventions renvoient expressément pour certains aux autorités législatives ou les invitent souvent à légiférer ou à les compléter. La Directive 2004/35 précité dit expressément en son article 3 «sans préjudice de la législation nationale pertinente, la présente directive ne confère aux parties privées aucun droit à indemnisation à la suite d'un dommage environnemental ou d'une menace imminente d'un tel dommage». Doit-on alors comprendre que cette directive exclut de son champ les actions en réparations du dommage environnemental par les personnes physiques privées? A contrario peut-on considérer que seules les personnes morales, publiques ou privées bénéficient du droit { réparation? L'affirmation semble être la réponse à ces questions parce qu'elle correspond mieux { l'esprit de ce texte. 46 V. DELEBECQUE (Philippe), op. cit., p.126. 47 V. Responsabilité environnementale- livre blanc, http://www.europa.eu/legislation_summaries/other/128107_fr.htm. 2°) La prise en compte de la gravité de l'atteinte 96. Comme en matière pénale où la gravité de la sanction est fonction de la graduation de l'infraction dans l'échelle des peines, en matière civile et environnementale, le degré de la faute, ou de l'atteinte détermine aussi le niveau de la réparation, ou dans une moindre mesure le niveau de tolérance. Le dommage n'est pas réparable s'il résulte d'une pollution «d'un niveau acceptable, eu égard aux circonstances locales pertinentes» (article 7, 4°, d de la Convention de Lugano). La Convention de Marpol 73/78 susvisée en ce qui concerne les hydrocarbures a fixé des seuils. Ainsi le taux instantané de rejet des hydrocarbures ne doit pas dépasser trente (30) litres par mille marin; la quantité totale d'hydrocarbures rejetée dans la mer ne doit pas dépasser pour les pétroliers existants 1/15 000 de la quantité totale de la cargaison particulière dont les résidus proviennent et, pour les pétroliers neufs, cette quantité ne doit pas dépasser 1/30 000 de la quantité totale de la cargaison. De même, la teneur en hydrocarbure et l'effluent non dilué ne doit pas dépasser quinze (15) parts par million. Le dommage causé par la pollution doit être significatif, c'est-à-dire un certain seuil de nuisance pour être pris en compte. Le dommage doit donc «affecté gravement» les espèces, habitats et aux protégées suivant la Directive 2004/35/CE (article 2-1 a et b). En outre le dommage écologique pur c'est-à-dire celui causé à la biodiversité produit ses effets à long terme.
TITRE 2 s LES MODALITÉS DE LA RÉPARATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSÉ PAR LA POLLUTION PAR DES DÉCHETS INDUSTRIELS
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