II- LES POLLUTION
33. Lorsqu'on parle de pollution, l'on parle d'un
phénomène multidimensionnel, d'origine humaine ou accidentelle,
mais dans tous les cas nuisible à la santé humaine, {
l'environnement, au milieu naturel. Il existe donc plusieurs types de
pollutions dont les plus importantes sont : la pollution atmosphérique
(pollution de l'air), la pollution industrielle, la pollution marine. Le
problème essentiel ici réside également dans la perception
et dans l'identification de la pollution, car tout comme celle de
déchet, la pollution est variable d'une législation { une autre
(A). Quelquefois d'ailleurs, la pollution est traitée sous la rubrique
des déchets car la plupart des pollutions sont déclenchées
par des déchets (A).
A/ Définition
1°) Les difficultés et
controverses
34. Tout comme les déchets, il n'existe pas au plan
international une définition universelle de la «pollution>>.
En outre, plus que dans le cas des déchets, aucun texte de dimension
internationale n'encadre toutes les espèces de pollutions à la
fois, car faut-il le souligner, il n'y a beaucoup de variété de
pollutions selon leurs sources à tel enseigne que chaque espèce
de pollution est réglementée de façon sectorielle (la
pollution atmosphérique, la pollution hydrique, pollution des sols, la
pollution agricole (pesticide, fongicide, herbicide, les OGM dans une certaine
mesure...). La difficulté { définir la pollution est d'autant
plus grande qu'{ l'intérieur de chaque groupe ou catégorie de
pollution, il existe des sous-groupes qui eux-mêmes sont quelquefois
démultiplier en genre de pollution. De la même manière, la
doctrine15 est très divisées sur la taxinomie en ce
qu'il existe autant de classifications, de typologies de catégorisations
qu'il y a d'auteurs. Cette difficulté à cerner la pollution est
même perceptible dans la mesure où dans bien des cas, elle est
définie soit par rapport au pollueur, soit par rapport aux rejets
toxiques qu'elle engendre, c'est-à-dire finalement par rapport à
ses conséquences.
35. Le pollueur est ainsi perçu comme «celui
dont l'activité est { l'origine d'une pollution, ou encore celui qui
directement ou indirectement cause un dommage { l'environnement ou qui
crée les conditions pouvant conduire à un tel
dommage>>. L'application de cette définition a cependant
révélé quelques difficultés dans l'identification
du pollueur : est-ce finalement le propriétaire de l'industrie ou de
l'exploitation en cause, est-ce son commettant ou le transporteur qui a
effectué le déversement d'hydrocarbure dans la mer (cas de
pollution marine), ou bien encore l'armateur, ou est-ce le propriétaire
du navire qui est le pollueur? La difficulté est évidente
même si l'option d'action récursoire demeure entre les
présumés pollueurs. Cécile ROBIN, propose dans ce cas de
considérer comme pollueur «l'agent économique qui a
joué un rôle déterminant sur la pollution>>. Cette
alternative se heurte aussi { des difficultés notamment si c'est la
conjugaison de fautes ou
15 Cette différenciation d'approche est
perceptible à travers une consultation de la doctrine environnementale.
Les classifications sont différentes d'un auteur { un autre (pollution
chronique et pollution graduelle, pollution des déchets solides et
pollutions non solides...). Ces divergences d'approches sont notamment dues {
la complexité du sujet de pollution en particulier et à celle du
droit international de l'environnement en général.
d'erreurs par plusieurs personnes ayant accomplies des
tâches différentes qui ont contribué de manière
déterminante à la pollution. A ce niveau, l'on doit donc
quelquefois envisager la responsabilité solidaire des co-auteurs. C'est
d'ailleurs l'une des options en vogue dans la plupart des catastrophes
écologiques et des graves pollutions. Toutefois, il importe de relever
que si le principe de solidarité ou de la coaction pose moins de
difficulté au plan civil il en est différemment au plan
pénal où la participation de chaque acteur n'est admise que s'il
a commis une infraction ou contribuer { l'infraction.
2°) Les différentes approches
36. En droit international, le pollueur est défini
comme «celui qui dégrade directement ou indirectement
l'environnement ou crée des conditions aboutissant { sa
dégradation>16. La recommandation de l'OCDE17
du 14 novembre 1974 sur la mise en oeuvre du principe pollueurpayeur,
définit la pollution comme étant «l'introduction... dans
l'environnement de substances ou d'énergie qui entrainent des effets
préjudiciables de nature { mettre en danger la santé humaine, {
nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à
porter atteinte ou à gêner des agréments ou d'autres
utilisations légitimes de l'environnement».
37. En droit comparé, l'approche Tunisienne de la
pollution est louable. En effet, l'article 2 de la loi n° 88-91
du 2 août 199118 portant création de l'Agence nationale
pour la protection de l'environnement(ANPE) définit
matériellement la pollution comme étant «l'introduction
directe ou indirecte d'un polluant, organique, biologique, chimique ou physique
dans l'environnement». Dans cette législation, la
réglementation des pollutions et des nuisances, est largement fournie
(loi relative { l'ANPE). Le Sénégal19 suis la
même cadence, sur l'encadrement des pollutions et nuisances, puisqu'il
traite également { travers sa législation, des pollutions d'une
manière sectorielle (pollution de l'eau, pollution de l'air, des
ressources naturelle, les déchets) et des nuisances (bruit) comme des
atteintes { l'environnement et { la santé humaine. Sur les
installations
16 V. Recommandations communautaire
n° 75/436/Euratom/CECA/CEE du 3 mars 1975, JOCE
n° L.194 du 25 juillet 1975, p. 1 à 4 ; citée par
ROBIN (Cécile),«La réparation des dommages causés par
le naufrage de l'Erika : un nouvel échec dans l'application du principe
pollueur-payeur», RJE 1/ 2003, p. 40.
17 Recommandation C-74 233 final du 14 novembre
1974.
18 Cette loi complète l'article 2 du
décret 85-56 du 2 janvier 1991 portant réglementation des rejets
dans le milieu récepteur qui définissait la pollution comme
«l'introduction directe ou indirecte par l'homme, de substances ou
énergies dans le milieu susceptible d'altérer sa qualité
et de causer des effets nuisibles tels que les dommages aux ressources en eau
et aux ressources biologiques, risque pour la santé de l'homme ou
l'animal, entrave { l'utilisation légitime du milieu naturel». V.
BOURAOUI (Soukeina) & FERCHICHI (Wahid), Droit de l'environnement en
Tunisie, Cours Droit comparé de l'environnement, p. 56 { 70. (format
PDF).
19 Le régime sénégalais de
l'eau est encadré par le Code de l'eau ( Loi n°81-13 du
4 mars 1981 et son décret d'application et des arrêtés
ministériels. LY (Ibrahima) & NGAIDE (Moustapha), Droit de
l'environnement au Sénégal, Cours Droit comparé de
l'environnement, p. 77 { 92 (format PDF). Au Burkina Faso, les installations
classées sont prévues par le Décret
n°98-322/PRES/PM/MEE/MCIA/MEM/MS/MATS/METSS/MEF du 28 juillet
1998 portant conditions d'ouverture des établissements dangereux,
insalubres et incommodes ; mais ce décret dont l'art. 2 fournit la
définition desdits établissements n'est en réalité
qu'une sorte de reprise de la loi française de 1976. Sur la question V.
ZAKANE (V.) et GARANE (A.), Droit de l'environnement Burkinabé, Col.
Précis de droit burkinabé, 2008, p. 302.
classées, l'approche Sénégalaise n'a rien de
particulier car elle n'est qu'une reprise de la législation
française sur les installations classées (établissements
soumis à autorisation).
F/ Les différents types de pollutions et leurs
caractéristiques
38. Qu'il s'agisse de la pollution de l'air, de la pollution
de l'eau, de la pollution marine, la majorité des pollutions est
occasionnée directement ou indirectement par des industries, des
exploitations d'activités dangereuses. Ces pollutions, bien que
diffuses, sont visibles ou perceptibles par partie { travers les organes de
sens humain ou simplement par l'observation de leurs effets visibles sur les
animaux et les plantes. Mais les pollutions sont en général
invisibles sournoises et destructrices. C'est le cas des pollutions
technologiques. Malheureusement, seules les pollutions visibles qui sont
décelées plus facilement par les victimes font l'objet d'actions
judiciaires. Les pollutions «sournoises» restent encore impunies dans
leur majorité dans les pays sous développés, parce que
l'identification de ces pollutions non visibles { l'oeil requiert d'importants
moyens de recherche, d'analyse et d'expertise que peu de pays peuvent s'offrir.
C'est pourquoi dans les pays en voie de développement, le lien est
rarement établi entre certaines maladies chroniques (cancers,
accouchements précoces, maux de ventre, maux d'hier, problèmes
respiratoires et cardiovasculaires les maux, les désertifications), les
décès et la pollution.
1°) S'agissant des pollutions
marines
39. Quelles soient accidentelles ou non, elles font partie
des plus dangereuses eu égard à leurs effets sur les personnes et
sur la biodiversité. Elles engendrent des dommages matériels
(extermination de nombreuses espèces, contamination de l'eau, maladies
hydriques, quelquefois des morts d'hommes), des dommages écologiques,
des dommages économiques (cessation d'activités des
pêcheurs, pisciculteurs, plagistes, des industries de transformation des
produits de la mer, ralentissement d'activités des restaurateurs,
hôteliers), des dommages moraux (baisse du tourisme, dégradation
des paysages et de la flore). Pour ce type de pollution, les opérations
de prévention, de nettoyage et de restauration, nécessitent
l'implication synergique des autorités administratives locales, des
industriels et des exploitants dommageurs, des compagnies d'assurance..., des
institutions de fonds d'indemnisation.
40. Ces pollutions causées par des hydrocarbures
(c'est-à-dire le pétrole sous toutes ses formes) sont
encadrées par plusieurs conventions avec toutefois une disparité
dans leur application. Pour renforcer ce dispositif, la Directive
européenne 2005/35 du Parlement européen et du Conseil de
l'Europe du 7 septembre 2005 relative { «la pollution causée par
les navires et { l'introduction de sanctions en cas d'infractions>, propose
des mécanismes originaux tout en s'appuyant sur la Convention Marpol
73/78 de 1973 et son protocole de 1978 ainsi que sur la Décision-cadre
205/667/JAI du Conseil de l'Europe du 12 juillet 2005 sur le renforcement du
cadre pénal. La Directive 2005/35 susvisée prévoit des
infractions dans un but dissuasif et sanctionne les rejets illicites de
substances polluantes provenant de tout type de navire, quel qu'en soit son
pavillon, dans les eaux intérieurs (y compris dans les
ports), les eaux territoriales, les détroits utilisées pour la
navigation internationale, la zone économique exclusive, la haute mer
(article 3). La plupart des infractions retenues sont délictuelles et
sanctionnent les actes commis intentionnellement, témérairement
ou par une négligence grave, sauf dans des cas exceptionnels, ou le
propriétaire du navire et/ou le capitaine de l'équipage ont agi {
la suite d'avarie survenue au navire, ou pour assurer leur propre
sécurité, ou dans d'autres situations où leur
responsabilité est expressément exonérée. La
Convention de Marpol (annexe II) quant à elle précise que
«le rejet à la mer ne doit contenir, ni produits chimiques ou
autres substances en quantité ou sous des concentrations dangereuses
pour le milieu marin, ni produits chimiques ou autres substances
utilisées pour échapper aux conditions prévues par la
présente règle».
2°) Concernant la pollution
atmosphérique,
41. C'est la première forme de pollution qui a
attiré l'attention des États20 et de la
communauté internationale. Selon l'article 1, a) de la Convention de
Genève du 13 novembre 1979 sur la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance et ses protocoles, l'expression
pollution atmosphérique «désigne l'introduction dans
l'air par l'homme, directement ou indirectement, de substances ou
d'énergie ayant une action nocive de nature { mettre en danger la
santé de l'homme, { endommager les ressources biologiques et les
écosystèmes, { détériorer les biens
matériels, et { porter atteinte ou nuire aux valeurs d'agrément
et aux autres utilisations légitimes de l'environnement».
Toujours au plan international, la Convention de Vienne du 22 mars 1985 sur la
protection de la couche d'ozone, la Convention-cadre des Nations-Unies du 9 mai
1992 sur les changements climatiques autorisant l'approbation du protocole de
Kyoto du 11 décembre 1997, sont des cadres règlementaires
d'envergure sur la pollution atmosphérique. Elles ont chacune comme
maîtres-mots : la prévention, la réduction, la
surveillance, l'utilisation rationnelle de l'énergie, la lutte contre
les pollutions atmosphériques pour une meilleure qualité de vie.
A titre comparatif, la loi française sur l'air et l'utilisation
rationnelle de l'énergie de 1996 définit la pollution
atmosphérique comme : «l'introduction par l'homme, directement
ou indirectement, dans l'atmosphère et les espaces clos, de substances
ayant des conséquences préjudiciables de nature à mettre
en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et
aux écosystèmes, à influer sur les changements
climatiques, à détériorer les biens matériels,
à provoquer des nuisances olfactives»21
42. Au Burkina Faso, l'article 5 alinéa 12 du Code de
l'environnement définit la pollution de l'air comme «la
présence dans l'air ambiant de substances ou particules qui, de par
leurs aspects, leurs concentration, leurs odeurs ou leurs effets
physiologiques, portent préjudice à la santé et à
la sécurité publique ou { l'environnement>. Cette pollution
est { l'origine de la destruction de la couche d'ozone (gaz { effet de serre)
et du réchauffement climatique. La plus récente de ces pollutions
de l'air est incontestablement enregistrée en Russie courant
juillet-août 2010 où la hausse
20 Par exemple, en France, on a eu la loi du 20 avril
1932 sur les fumées, la loi n°48-400 du 10 mars 1948 sur
les normes énergétiques dans les constructions thermiques.
21 «Pollution atmosphérique»,
www.ademe.fr/midi-pyrenees/a_4_01.html
, p.1
drastique des températures (plus de 40 ° C) a
occasionné d'importants incendies responsables de pollutions. Selon
Michel PRIEUR22 la pollution atmosphérique provient pour 50%
des foyers domestiques, 25% de l'industrie et 25% des automobiles. Il reste que
de manière large les pollutions automobiles sont des pollutions
industrielles ce qui permet de revoir à la hausse le taux de la
pollution atmosphérique dû aux déchets industriels.
3°) Quant à la pollution hydrique
43. Elle consiste au rejet direct ou indirect dans l'eau
souterraine, maritime ou de surface, de substances polluantes d'origine
industrielles, d'épandages agricoles, entrainant une modification
substantielle de ses caractéristiques, chimiques et biologiques et de sa
qualité, la rendant plus ou moins impropre à la consommation
humaine, animale. La pollution de l'eau est régie au plan international
partiellement par la Convention de Londres de 1962. Il importe de signaler
également que la plupart des conventions luttant contre la pollution
marine sont applicables, du moins en partie, à la pollution de l'eau qui
n'est qu'une variante de la pollution marine. Pour les eaux douces souterraines
ou de surface, elles sont des domaines régaliens des États. Ainsi
les eaux de sources, les lacs et rivières locaux font l'objet dans
chaque pays d'une réglementation. La lutte contre les pollutions de
l'eau est une lutte synergique dans plusieurs pays avec l'implication de
nombreux départements administratifs (agriculture, élevage dans
toutes ses variantes, eaux et forêts...) et de la police administrative.
Dans les législations africaines notamment burkinabé, tunisienne
et sénégalaise qui s'alignent sur les conventions
internationales, les questions de pollutions de l'eau font l'objet d'un
traitement discriminatoire par rapport aux autres formes de pollutions car les
autorités publiques y accordent plus d'importance (création de
plusieurs structures publiques de contrôle, d'administration de l'eau,
d'assainissement, adoption de Code d'hygiène publique), ce qui est tout
{ fait compréhensible au regard des enjeux de l'eau en Afrique..
44. Qu'elles soient atmosphériques, marines, ou
hydriques ces pollutions sont habituellement générées
à la base par des industries. De facto, la pollution industrielle
résume donc toutes les autres formes de pollutions car les
déchets rejetés par ces industries peuvent à la fois
occasionnées la pollution marine, la pollution de l'eau et de l'air. En
outre, toutes ces formes de pollutions produisent en général des
effets transfrontières allant au-delà des frontières des
États qui en sont { l'origine ou d'où la pollution a pris son
envol. Ces pollutions transfrontières sont régies aussi par la
Convention de Rotterdam du 11 septembre 1988 sur les produits chimiques et
pesticides dangereux, le Protocole de Carthagène du 29 janvier 2000 sur
la prévention des risques biotechnologiques, les Accords ACP-CE de
Cotonou du 23 juin 2000 dans sa partie consacrée à la protection
de l'environnement, la Convention de l'UNESCO du 6 novembre 2001 sur le
patrimoine sous-marin. De ce qui précède, l'on peut se demander
de savoir quels sont les effets de la réglementation sur la
réduction de ces pollutions?
22 BEZIZ-AYACHE (Annie), «Pollution et
nuisances», ENCYCLOPEDIE DALLOZ, PENAL VI, 2004, p. 3
Section 2. Le régime juridique des déchets
et des pollutions industriels
45. L'importance d'une bonne gestion des déchets
et des pollutions comme alternative { une bonne protection de l'environnement
est très prononcée en droit international de l'environnement eu
égard à l'abondante réglementation en vigueur
(I). Ces différentes règlementations convergent
vers la mise en oeuvre de mesures sécuritaires et rationnelles dans le
traitement et l'élimination des déchets et des pollutions en
général, dans le recyclage, le transport, la manipulation des
déchets dangereux en particulier (II).
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