La réparation du dommage environnemental causé par la pollution par des déchets industriels en droit international de l'environnement( Télécharger le fichier original )par Soumaà¯la AOUBA Faculté de Droit et de Science à‰conomique de l'Université de Limoges (FRANCE) - Master 2 en Droit International et Comparé de l'Environnement 2010 |
INTRODUCTION GÉNÉRALE1. Nonobstant, la prise de conscience remarquable de la communauté internationale ces dernières décennies dans la protection de l'environnement par l'adoption d'une panoplie de Conventions internationales censées constituées le miroir des agissements des personnes physiques et morales quant à l'utilisation rationnelle des ressources naturelles biotiques et abiotiques, de la faune et des paysages, le bilan à mi-chemin est globalement insatisfaisant. Les mesures de prévention, maîtres-mots de toutes ces Conventions n'ont pas toujours fonctionné. Car force est de constater que s'il existe des lueurs d'espoir, l'environnement mondial se porte globalement très mal. La réalité est que plus de quarante ans après la Déclaration de Stockholm et dix huit ans après la Convention de Rio, la pollution, la désertification, la déforestation et les nuisances sonores continuent de hanter les vies de milliards d'être humains, d'animaux et de végétaux et par ricochet d'annihiler les efforts de développement et l'avenir des générations futures. Les catastrophes naturelles et humaines continuent de se multiplier dans le monde. Les pollutions engendrées par les déchets industriels expliquent en grande partie cette mauvaise santé de l'environnement. Mais que d'illusions? 2. Les exemples de graves atteintes { l'environnement et des catastrophes écologiques coulent à profusion. Actuellement, la marée noire1 aux États-Unis précisément dans le golfe du Mexique, a occasionné une grande pollution à cause des fuites de pétrole rejeté dans la mer par les installations pétrolières (plateforme «DeepWater Horizon») de la multinationale British Petroleum ou BP, justifie à elle-seule le non respect des mesures de prévention. Cette pollution est d'ailleurs considérée comme l'une des plus grandes catastrophes écologiques au monde, sinon la plus importante aux USA avant celle de l'Exxon Valdez en 1985, de l'Amoco-Cadiz2 en 1978 et de Torrey-Canyon en 1967, non seulement par son ampleur et par ses coûts financiers, écologiques, économiques, touristiques, culturels et moraux. En outre, l'on peut évoquer le cas en août 2006 de ce déversement frauduleux de déchets industriels toxiques par la multinationale néerlandaise «Trafigura3> (affaire Probo koala) sur onze (11) sites en Côte d'Ivoire. La marée noire de l'Erika du 12 décembre 1999 s'ajoute à cette liste d'atteintes environnementales. Comment oublier l'explosion, 1 Selon plusieurs sources, le coût pour les assureurs et réassureurs mondiaux pourrait atteindre entre un et un milliard et demi de dollars américains. Parmi ces sociétés de réassurance il y a BERNMUDEDIEN PARTNER RE, TRANSATLANTIC RE, MUNICH RE. Ces derniers jours, la société BP dit qu'elle perdrait au total entre 17 à 20 milliards de dollars dans cette catastrophe sans compter son image de marque. Les ressources végétales, marines, l'écosystème des villes riveraines comme la Louisiane, de la Floride, de l'Alabama sont gravement affectée par cette grande pollution 2 Dans l'affaire de «Amoco Cadiz, marée noire du 16 mars 1978, le Tribunal de Chicago admit le préjudice écologique en concluant à la responsabilité principale de la Société AMOCO CORPORATION et à la responsabilité partielle des chantiers navals ASTILLEROS ESPAFIOLES DE CADIX. 3 V. Probo Koala : un réquisitoire à charge contre Trafigura, jeune Afrique, source internet du 22 juillet 2010. Le procès de cette affaire a été le 1er juin 2010, à Amsterdam (Pays-Bas) contre la société Trafigura, négociant en produit pétrolier, qui avait affrété le Probo Koala (un cargo) en 2006,en Côte D'Ivoire, déversant des déchets hautement toxiques sur onze sites en pleine agglomération qui ont contaminé les eaux et l'environnement et occasionné des intoxications alimentaires, problèmes cutanés et brulures à plusieurs personnes. Pour plus de détails V. article internet précité p.1.. le 10 juillet 1976 d'une usine { Seveso4 en Italie, avec sa formation de nuage toxique de dioxine. Ces catastrophes ont toutes engendré d'importantes pollutions et de graves problèmes de santé en l'occurrence des intoxications, de graves brulures, des contaminations de tous ordres, des destructions de la biodiversité.
4 En réaction à cette catastrophe, il a été adopté la Directive du 24 juin 1982 dite directive Seveso qui demande notamment aux États et aux entreprises d'identifier les risques associés { certaines activités industrielles dangereuses et de prendre les mesures nécessaires pour y faire face. Elle a été complétée par la directive Seveso II qui renforce le système de prévention. Une directive 2003/105/CE modifia Seveso II et préconise la prise en compte des études relatives aux propriétés dangereuses de certaines substances. déchets dangereux qui sont exportés depuis les pays industrialisés atterrissent dans les pays pauvres sous de faux prétextes de recyclages ou d'enfouissements car se retrouvent généralement dans la nature. Si ce commerce de déchets dangereux a pris corps et s'est enraciné, c'est en partie parce qu'il n'existait pas de législations internationales adaptées au contrôle de ces mouvements de déchets et à leur gestion. Durant cette période vide de Législation, force est de constater que plusieurs crimes environnementaux ont été commis. Au demeurant, ce n'est qu'en 1989 (le 22mars) qu'a été adoptée la Convention de Bâle, en 1991 (le 30 janvier) la Convention de Bamako et en 1993 (le 8 mars) la Convention de Lugano, qui constituent { l'heure actuelle, le cadre législatif référentiel au plan international, en ce qui concerne la lutte contre les pollutions transfrontières, les déchets dangereux, et les pollutions par les déchets industriels. 5. Bref, quand le mal est fait, il faut le réparer, en atténuant au mieux ses effets sur l'environnement et sur les hommes. Mais cette réparation doit-elle être juste, proportionnée et équitable. La réparation du dommage environnemental doit objecter de panser les lésions causées { l'environnement et { la biodiversité d'une part, et subsidiairement les dommages causés aux personnes touchées ou affectées, d'autre part, pour leur permettre de continuer à remplir naturellement leur rôle de régulation de la vie. Cette réparation peut s'appuyer sur le principe juridique selon lequel tout dommage, tout préjudice occasionné ou subi, volontairement ou involontairement, entraine réparation { la charge de l'auteur au profit de la victime. Conformément aux articles 1382, 1383 et suivants du Code civil que «tout fait quelconque de l'homme qui cause { autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer», que «chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence»... Comme des «paroles d'évangile» le juriste contemporain semble se remémorer ces passages ?indélébiles? du Législateur civil qui a semé les graines de la responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle. Signe d'une grande vitalité ou d'une grande nostalgie, l'on peut constater que ces dispositions ont traversé le temps, et leur luminescence semble toujours l'emporté sur leur sénescence, mais pour combien de temps encore? 6.Le droit international de l'environnement, la plus jeune des disciplines internationales, tout comme plusieurs autres disciplines (droit des assurances, droit social, droit international..) épouse également ce principe de réparation du droit civil à quelques variantes près. Pendant longtemps d'ailleurs, le droit international de l'environnement s'était appuyée presqu'entièrement sur le droit civil pour engager la responsabilité civile des pollueurs, des dommageurs de l'environnement { quels que niveaux qu'ils se trouvent, et par là, compenser et soulager les souffrances des victimes. 7. Ces dernières années, elle s'en est même progressivement évincée puisque l'on assiste, de plus en plus, { une autonomisation du droit international de l'environnement de manière générale, mais surtout, en ce qui concerne le règlement des conséquences dommageables d'atteintes { l'environnement. Non sans difficulté, il existe maintenant une responsabilité civile environnementale c'est-à-dire une responsabilité environnementale distincte. L'objectivation de la responsabilité en cas de préjudice environnemental au détriment de la subjectivation, fondement de la responsabilité civile (préjudice civil), l'élargissement de la catégorie des victimes avec la prise en compte des victimes indirectes, l'élargissement de l'accès { la justice par l'acceptation entre autres, des actions des personnes morales de droit privé comme les associations, les fondations, les organisations non gouvernementales de défense et de protection de l'environnement, la symbolisation du contentieux environnemental par la prise en compte des notions de risque et de perte de chance5 dans la déterminations des responsabilités, constituent les facettes de l'originalité de la réparation du dommage environnemental. 8. Cependant, une interrogation demeure. L'environnement n'étant pas le bien de personne, { qui reviendrait le droit d'agir en son nom? Ces questions ont longtemps nourri les débats dans le contentieux de l'environnement pour finir par livrer des solutions somme toute originales de nos jours. Justement puisque l'environnement n'est pas un bien approprié et puisque la mise en oeuvre de la responsabilité environnementale ne peut se faire sur le fondements des règles de droit civil classiques basées sur la triptyque d'éléments, fait générateur, faute et lien de causalité appliquées dans la protection de l'homme et de son intégrité et puisque finalement ce mécanisme s'est révélé inadapté dans la couverture des dommages { l'environnement, il fallait nécessairement le réadapter, le réinventer ou lui trouver ce palliatif. Au demeurant, la réparation des dommages environnementaux dus aux pollutions par les déchets industriels obéit à un processus assez complexe, où chaque phase du processus requiert une bonne maîtrise en tant que maillon essentiel. Tant que la responsabilité environnementale n'est pas situer, aucune réparation n'est possible. C'est pourquoi, est-il nécessaire d'abord d'étudier les conditions préalables à l'ouverture de la réparation, en l'occurrence la question de la responsabilité qui, de toute évidence passe par l'élucidation des notions de pollution et de déchet (Titre 1). Ensuite, compte tenu de la tendance { l'uniformisation des règles de protection de l'environnement au plan international dans le sens du renforcement de la lutte, l'on peut se demander comment s'opérera concrètement la réparation quant on sait que la responsabilité environnementale bénéficie d'un régime particulier ? (Titre 2). 5 Pour la perte de chance Cf, Affaire Zoé COLOCOTRONI, Commonwealth, 12 août 1980 et pour la prise en compte du risque, V. Cass. civ.2è,26 septembre 2002, Revue de Droit International, 2003,p.157; citées par TREBULLE (François Guy), «Les techniques contentieuses au service de l'environnement-le contentieux civil»; www.ahjucaf.org/spip.php?article76 du 29 juillet 2010, p. 4. TITRE 1 : LES CONDITIONS D'OUVERTURE DE LA RÉPARATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSÉ PAR LA POLLUTION PAR DES DÉCHETS INDUSTRIELS
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