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La réparation du dommage environnemental causé par la pollution par des déchets industriels en droit international de l'environnement

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par Soumaà¯la AOUBA
Faculté de Droit et de Science à‰conomique de l'Université de Limoges (FRANCE) - Master 2 en Droit International et Comparé de l'Environnement 2010
  

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II- LE PROBLÈME DES PRÉJUDICES FUTURS

A/ Aspects juridiques 1°) Cas de préjudices différés

155. Au moment de la survenue d'un dommage environnemental, il peut arriver que certains préjudices ne soient pas décelés sur le champ, pas même avant plusieurs années. Que faut-il en faire? Les préjudices différés ou préjudices futurs soulèvent par conséquent des problèmes de preuves. La Directive 2004/35 prévoit par exemple qu'elle ne s'applique pas comme beaucoup d'autres lois, par rétroaction, aux dommages survenus avant son entrée en vigueur (article 18). Combien de temps cependant après la survenue du dommage principal pourrait-on accepter les

74 Ce fonds (FIPOL 1) a notamment permis l'indemnisation des victimes de la catastrophe de «Tanio { hauteur de 33 409 217 d'euros environ pour les dépenses de nettoyage, 370 326 d'euros environ pour les frais liés au tourisme, 7930 d'euros environ pour les frais liés { la pêche et 75 429 euros environ pour les autres préjudices. V. DELEBECQUE (Ph.), op. cit., p.127.

conséquences d'une pollution née d'un dommage collatéral? En droit commun de la responsabilité le préjudice futur est admis mais assortie de conditions. L'éventualité doit être très plausible, conçue à partir de faits connus.

2°) Le facteur temporel

156. De même, la Directive 2004/35 prévoit qu'elle ne s'applique pas aux dommages qui surviendraient plus de trente ans après son entrée en vigueur. Si cette prescription trentenaire est justifiée en droit commun de la réparation civile et appliquée avec succès aux dommages ordinaires, il reste qu'elle suscite des inquiétudes en matière environnementale. Car, certaines atteintes environnementales très graves mais suffisamment subtiles et sournoises risquent d'être découvertes longtemps après, simplement du fait que la logistique scientifique et les experts qualifiés ne sont pas encore à la portée de certains pays pauvres qui pourraient subir par négligence le déversement de déchets hautement toxiques mais autrement présentées par leurs producteurs de pays développés pourtant conscients des enjeux sanitaires. La prescription trentenaire s'avère donc courte parce que la détection de certaines pollutions et déchets dangereux requièrent une grande connaissance en biologie, chimie, microbiologie, chimie-nucléaire et autres sciences. Mais tout dépend de la manière d'interpréter la prescription. Si la computation des délais se fait comme en matière pénale { partir du jour où l'on est informé ou que l'on a découvert le phénomène incriminé et { même d'agir, dans ce cas l'application de la prescription serait plus équitable.

F/ Règlement du contentieux nés des préjudices futurs ou différés

1°) Qui doit supporter la réparation

157. Dans le dommage environnemental, ce sont les responsables dommageurs qui doivent supporter la totalité des conséquences pécuniaires nés de leurs fautes. Mais, alors que les juges ont conçu et peaufiné le concept du préjudice écologique plus favorable aux victimes, ils sont en revanche prudents pour l'admission des risques futurs ou simplement éventuels par ce que la base d'appréciation fait défaut. Faut-il accepter un préjudice qui peut survenir ou qui pourrait ne pas l'être ? Dans ces circonstances lorsqu'au moment du verdict un risque a été sous-estimé, mais survient après, c'est l'État qui va devoir supporter les effets de ce préjudices futurs où les victimes laissées { leur propre sort. Car si rien n'interdit aux victimes d'attraire les responsables de nouveau devant les tribunaux il risque de ce heurter { l'éternelle exigence de la justice : la production de la preuve.

2°) Le problème de la preuve

158. C'est certainement l'un des écueils du monde judiciaire, l'exigence de la preuve. Pour être indemnisé, la victime d'une pollution différée quelconque devra faire la preuve non seulement qu'elle a subi un dommage mais encore que ce préjudice n'avait pas été réparé ou indemnisé. C'est une question, de bonne foi quoiqu'elle soit laissée { l'appréciation du juge qui apprécie au cas par cas. Le préjudice éventuel ou futur n'a pas les faveurs des juridictions même dans dommage moins rigide comme l'environnement.

159. Selon une sagesse africaine «deux précautions valent mieux qu'une~. A supposé qu'il y ait encore quelques doutes sur la dégradation accrue de l'environnement et les graves dangers qui menacent l'humanité dans un futur proche si des actions concrètes ne sont pas menées aujourd'hui pour y faire face, cette alerte constitue moins un inconvénient qu'un atout supplémentaire pour persévérer dans le changement de comportement et mieux préserver l'environnement; car si à terme rien ne se produit, les inconvénients liées aux mauvaises prévisions n'auraient rien de comparables aux conséquences de la négligence qu'engendreraient ces catastrophes. Comme le dit Michel PRIEUR75, le principe de précaution est une «nouvelle forme de prévention imaginée pour protéger contre les risques encore inconnus ou incertains. (...) Autrement dit, face { l'incertitude ou { la controverse scientifique actuelle, il vaut mieux prendre des mesures de protection sévères à titre de précaution que de ne rien faire>>. Ce principe est consacré par le Traité d'Amsterdam (article 174-2), la Convention de Rio (principe 15), la Convention de Bamako sur l'interdiction d'importer en Afrique des déchets dangereux (article 3). Au demeurant, ces alertes répétées sur la mauvaise santé de l'environnement ne font que rappeler { chaque être humain que l'état de nature dont il croit s'en être évincé, l'interpelle constamment à la méditation sur ses réelles origines.

160. Les grandes catastrophes et accidents industrielles et nucléaires, ont fait prendre conscience à la communauté internationale des conséquences transfrontières de ces désastres d'envergure. Les États les plus nationalistes, se sont peu à peu rendu compte qu'en matière environnementale, les frontières nées de la balkanisation de la terre en continents et États ne sont que fictives car très fragiles. Le dommage environnemental montre également qu'aucun État, aucune personne ne peut mieux protéger sa personne, ses biens et les siens que si elle s'intéresse { son voisin, à son sort, et si elle collabore avec celui-ci pour le bien de l'humanité. A tout moment une catastrophe humaine perpétrée à des centaines, des milliers de kilomètres peut occasionner dans d'autres États riverains et même lointains, les mêmes dégâts humains et matériels que dans l'État générateur du dommage. Finalement l'on peut quelle que soit la manière dont elle est menée, la réparation environnementale ne peut être efficace et satisfaisante que si les dommageurs s'impliquent franchement dans la réparation de leurs erreurs et si les victimes de leur côté se préoccupent plus de la protection de l'environnement que par des billets de banques.

75 PRIEUR (Michel), Droit de l'environnement, D. 2004; cité par DUPUY (Pierre-Marie), «La responsabilité internationale en matière d'environnement, Cours n° 8, Master DICE, p. 3

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