CHAPITRE 2 :
LA MISE EN OEUVRE DE LA RÉPARATION DU DOMMAGE
ENVIRONNEMENTAL CAUSÉ PAR LA POLLUTION PAR DES DÉCHETS
INDUSTRIELS
138. L'instant fut solennelle en
matière de réparation, lorsque le litige environnemental est
réglé en justice, c'est quand la victime entend des juges
énumérés les différents préjudices qu'elle a
endurés qui seront réparés par le dommageur ou les sommes
que celui-ci devra lui verser à titre de compensation pour les dommages
non susceptibles de réparation en nature (Section 1). La phase de
réparation in concreto qui parachève le long processus du
contentieux environnemental est très attendue par toutes les parties
directement touchées ou concernées, par leurs proches, mais aussi
par les victimes collatérales, les «amoureux> de la nature et
surtout par l'État, puissance publique et première garante de la
sécurité publique et environnementale. Les déceptions sont
souvent légion car comme on l'a déj{ dit, il y a tellement de
victimes collatérales en matière d'environnementale qu'il est
difficile de les contenter et de les satisfaire toutes. Pour les personnes
pécuniairement désintéressées, mais
intéressées par le sort de la nature elles sortent remonter des
prétoires en se demandant quand va-t-on admettre les préjudices
futurs ou simplement éventuels (Section 2)?
Section 1. Les modes de réparation
139. Suivant le type de dommage plusieurs
modes de réparation sont possibles. Selon l'article 2-11 ces mesures de
réparation, concernent «toute action ou combinaison d'action, y
compris des mesures d'atténuation ou des mesures transitoires visant {
restaurer, { réhabiliter ou remplacer les ressources naturelles
endommagées ou les services détériorés ou à
fournir une alternative équivalente à ces ressources ou
services..». Dans la pratique cependant, la réparation va souvent
au-delà du préjudice écologique ou environnemental
considéré restrictivement.
I- LA RÉPARATION EN NATURE OU REMISE EN
ÉTAT OU RESTAURATION A/ Définition
140. L'environnement en ce qu'il est un
«patrimoine commun>69 ou collectif, sinon communautaire, n'a
pas de prix. De ce fait, toute atteinte environnementale devrait en principe
69 Sur la notion d'environnement comme patrimoine
commun, V. ATTARD (Jérôme), «Le fondement solidariste du
concept ?environnement- patrimoine commun?, RJE 2/2003,
(a), p. 161 à 175. Cet auteur a fait une pertinence analyse en se
demandant, si c'est l'admission de l'environnement comme patrimoine commun ou
collective qui permet de mieux le protéger en le mettant quant il est
possible hors d'appropriation, si au contraire c'est la privatisation de
l'environnement { travers la propriété privée des
ressources qui permet de mieux le protéger? Il en conclut que chacun des
deux postulats a ses avantages comme ses inconvénients, caricaturalement
comme dans le capitalisme ou libéralisme et le socialisme ou
collectivisme. Il reste { savoir si le concept de l'environnement permettra de
créer cette troisième c'est { dire « le mariage entre la
collectivisation et la privatisation de l'environnement~. Cette voie devra se
faire par juxtaposition des deux théories, en tenant compte des
spécificités des différentes composantes de la nature
et
être réparée par nature, en
rétablissant l'ordre écologique, la diversité biologique,
ainsi que les écosystèmes préexistants. L'idéale de
la réparation du dommage environnemental est donc la réparation
intégrale qui permet de replacer la victime dans l'état où
elle était avant la survenance du dommage. Autrement dit, la
réparation devrait permettre { ladite victime d'être dans la
situation antérieure aux dommages. Et l{, seule la réparation en
nature, complétée, s'il y a lieu, par la compensation pour les
préjudices immatériels peut rendre efficacement aux victimes ce
qu'elles ont perdu et subi. La réparation en nature est également
l'option proposée et consacrée par de nombreux traités et
conventions internationales. En cas de pollution et de déversement de
déchets dangereux à des endroits inappropriés, ce type de
réparation devrait commencer par la dépollution du site. Cette
dépollution doit se faire dans les conditions de sécurité
maximales qui intègrent et la cessation du désastre
écologique incriminé, mais elle devrait surtout se faire en
préservant la sécurité et la santé des populations
riveraines, celles des espèces végétales et animales, et
enfin celles des ressources biotiques et abiotiques. L'on peut constater
d'emblée que la réparation en nature est non seulement
très onéreuse sur le plan financier mais encore qu'elle est
techniquement et pratiquement difficiles sinon irréalisable dans la
plupart des situations. Par exemple si une pollution industrielle entraine
l'extermination d'espèce marine (type de poisson), l'on peut se demander
comment rétablir correctement l'équilibre préexistant?
Comment redonner vie à ces espèces?, où retrouver
d'autres espèces semblables? Combien de temps pourrait durer une telle
réparation? D'où les limites de la réparation en
nature. En revanche , la destruction d'un bien marchand peut se remplacer en
nature en se procurant exactement le même type de bien car souvent
fabriqué en série.
141. L'article 2, 8° de la
Convention de Lugano définit la remise en état comme étant
«toute mesure raisonnable visant à réhabiliter ou à
restaurer les composantes endommagées ou détruites de
l'environnement>. Cette disposition avant-gardiste en préconisant
d'une part, la rationalité, d'autre part, simplement la restauration des
composantes détruites ou endommagés semble avoir anticipé
sur les difficultés de la réparation intégrale en nature
pour son coût notamment très exorbitant. A défaut, il est
préconisé une compensation. La jurisprudence70 et le
Législateur international furent pendant longtemps hostiles à une
indemnisation trop large pour les mesures de restauration. Le Protocole
révisant la Convention de Bruxelles sur la réparation des
dommages de pollution pétrolière des mers précisait
à son article 2 que «les indemnités versées au titre
de l'altération de l'environnement autres que le manque { gagner
dû { cette altération seront limités au coût des
mesures raisonnables de remise en état qui ont été prise
ou qui le seront ».
B/Les implications et limites de la réparation en natures
1°) Les implications
en éliminant autant que possible les impacts des
croyances religieuses, des superstitions dans la gestion de l'environnement.
70 Dans le procès (Comm. Of Puerto Rico c/SS
Zoe Colocotroni, cite par REMOND-GOUILLOUD, op. cit., p. 260, la juridiction
américaine a décidé que «le montant du dommage
accordé pour la restauration d'un espace naturel doit correspondre
?au coût raisonnable de sa restauration, sans dépense
grossièrement disproportionnée».
142. Concrètement la réparation en nature
signifie que le dommageur doit remettre l'environnement et
l'écosystème qu'il a détruit dans l'état où
ils se trouvaient avant la survenue du dommage. Ce qui signifie que pour chaque
espèce d'animaux tués, le dommageur responsable devrait en
rapporter de similaires autant en qualité qu'en quantité. C'est
le même processus pour la destruction des paysages, des habitats, des
plantes. Pour la destruction des ressources halieutiques, le dommageur doit en
ce qui concerne les poissons qui ont péri procéder à un
empoissonnement l'eau de la mer, du fleuve qui les abritait. S'agissant de la
pollution enclenchée, les responsables et dommageurs dans le cas de la
réparation en nature doivent dépollutionner l'atmosphère,
les ressources hydriques, et veiller à la décontamination des
sols et de toute la biodiversité touchée.
2°) Les limites
143. Ce sont autant de questions sur la réparation qui
donnent lieu à des solutions mitigées. Mais dans la
réalité, l'on remarque qu'il est pratiquement impossible dans
beaucoup de situations de parvenir { remettre en état un
écosystème détruit. Il en résulte que même si
c'est le procédé idéal de protection de l'environnement la
réparation intégrale en nature est compliquée à
réaliser en pratique. Ce qui révèle les limites de la
réparation en nature pourtant plus conforme aux principes gouvernant la
protection de l'environnement.
II- LA RÉPARATION PAR ÉQUIVALENT:
L'INDEMNISATION PÉCUNIAIR O L COMPENSATION
144. La réparation par équivalent traduit
la situation où au lieu d'obliger le dommageur { restaurer les
ressources environnementales endommagées ou détruites (eaux, air,
animaux, végétaux), on le condamne à en payer la valeur
aux victimes. C'est généralement le cas lorsque la
réparation est demandée en justice par les associations de
protection de la ressource environnementale endommagée (pêcheurs,
naturalistes...).
A/ Les incertitudes de l'efficacité de l'indemnisation
1°) A propos des associations
145. Quelquefois, ces entités arguent le fait que dans
la mesure où leurs activités consistent en la protection
habituelle de la ressource en cause, pour réclamer la réparation
en se proposant les sommes de l'indemnisation la restaurer au nom de la
collectivité. Hors si certaines personnes morales privées sont
crédibles, de plus en plus beaucoup se détournent de leurs
missions. Comment savoir que telles ou telles associations qui a reçues
une indemnisation pour la destruction par exemple d'une espèce de
poissons (le thon rouge) procédera effectivement { l'empoissonnement des
eaux? Comment va-t-elle le faire? Et combien de poissons seront finalement
élevés (pisciculture) et reversées dans l'eau? Aucune
garantie n'existe en la matière et c'est l{ une des failles du
système. Ceci explique également qu'il y a des dangers {
l'élargissement de la saisine des juridictions à certaines
catégories de victimes.
2°) A propos des personnes physiques
146. La réparation civile des dommages
environnementaux, autrement dit, l'indemnisation des atteintes
environnementales a posé quelques difficultés. S'agissant des
victimes personnes physiques le problème était plus simple. Il
suffisait qu'il y ait eu une atteinte, que cette atteinte ait causé tels
ou tels préjudices { la victime qu'elle soit en droit de réclamer
réparation { hauteur de son préjudice. Comme, il s'agit l{ de
préjudice personnel quantifiable, les juridictions se sont montré
plus réceptives. Mais lorsqu'il s'est agi de préjudice
écologique pur quand bien même la responsabilité du
dommageur a été admise, la base d'indemnisation pour la
destruction d'un arbre, la mort d'une espèce animale en dehors de
barèmes a été admise avec difficultés. L'on peut
alors remarquer que le quantum de l'indemnisation du préjudice
écologique était insignifiant, bien souvent au franc ou { l'euro
symbolique. Même quand les textes internationaux ne plafonnent pas le
montant des indemnités, certains (Convention de Lugano, article 8)
renvoient aux législations nationales ou leur laisse l'initiative du
plafonnement.
B/ L'expérience américaine
147. Alors qu'en France, autrefois, la responsabilité
des armateurs, auteurs de pollutions maritimes se fondait sur les règles
de droit commun généralement (article 1382 et 1384, 1386), aux
États-Unis, depuis les premières marées noires
(Exxon-Valdez) des systèmes d'indemnisations volontaires appelés
T.O.V.A.L.O.P. ou «Tankers Owners Voluntary Agreement concerning
Liability for Oil Pollution>>71 ont été
institués pour couvrir les dépenses engagées par les
États pour lutter contre les marées et catastrophes
écologiques sous-jacente. Mais la particularité de ce
système d'indemnisation anglo-saxon est que le montant de
l'indemnité est plafonné (10 millions de dollars dans le cas de
la TOVALOP et 30 millions de dollars dans le cas du C.R.I.S.T.A.L. ou
«Contract Regarding and Interim Supplement to Tankers liability for Oil
Pollution>>. Si ces indemnisations versées par les navires et
autres armateurs en cause présentaient une originalité du fait de
leur caractère extrajudiciaire, volontaire et spontané, les
montants plafonds apparaissaient insuffisants par rapports aux
dégâts occasionnés par les pollutions marines par des
hydrocarbures. C'est pour résoudre cette difficulté qu'{
été adopté la Convention internationale de Bruxelles du 29
novembre 1969 sur la «responsabilité civile pour les dommages dus
à la pollution par les hydrocarbures>>. Selon Philippe
DELEBECQUE72 par «dommage par pollution>>, il faut
entendre, «le préjudice ou le dommage causé {
l'extérieur du navire par une contamination survenue { la suite d'une
fuite ou d'un rejet d'hydrocarbures du navire où que cette fuite ou ce
rejet se produise>>. Mais «les indemnités
versées au titres de l'altération de l'environnement autres que
le manque à gagner dû à cette altération seront
limitées au coût des mesures raisonnables de remise en état
qui ont été effectivement prises ou qui le
seront>>.
71 Pour plus de détails V. DELEBECQUE
(Philippe), «Responsabilité et indemnisation des dommages dus
à la pollution par les hydrocarbures, JCP 2000, p. 125 et 126.
72 DELEBECQUE (Philippe), op. cit., p. 125.
148. Convient-il de souligner que ce ne sont pas les
dommageurs, les particuliers, les industriels ou exploitants d'activité
qui payent eux-mêmes les sommes d'indemnisation auxquelles ils ont
été condamnées, mais ce sont les assurances qu'ils ont
contractées volontairement ou par contrainte légale (lorsque la
loi fait obligation de contracter l'assurance) qui le font { leur place. La loi
fait habituellement obligation aux industriels73 et exploitants de
contracter des assurances pour couvrir leurs responsabilités
éventuelles.
Section 2. L'exécution des décisions de
réparations des atteintes environnementales
I- LES DÉBITEURS DE LA RÉPARATION
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