La réparation du dommage environnemental causé par la pollution par des déchets industriels en droit international de l'environnement( Télécharger le fichier original )par Soumaà¯la AOUBA Faculté de Droit et de Science à‰conomique de l'Université de Limoges (FRANCE) - Master 2 en Droit International et Comparé de l'Environnement 2010 |
II- LES NUISANCES À L'ENVIRONNEMENTA/ Les troubles de voisinage
52 Dans le cas du procès de l'Erika (marée noire), le tribunal a rejeté l'action de certaines associations demandeurs, au motif qu'elles n'apportaient «aucun élément sérieux permettant au tribunal de fixer le montant de la réparation du préjudice résultant de l'environnement en ce qui les concernait~. En revanche, l'action de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) qui avait pu, plus facilement quantifier le nombre d'oiseaux morts qu'ils ont pour mission de protéger, a été admise avec succès. Les juges ont tenu compte du critère quantitatif, estimatif (ampleur du dommage, ampleur du désastre ornithologique) mais aussi qualitatif (rareté des espèces mortes) pour admettre l'action de la LPO. V sur cette question, NEYRET (L.), op. cit. p. 2684. «voisin» ou de voisinage doit cependant être entendue en droit international de l'environnement de manière très large53, sans allusion ni référence à la proximité. Le voisin en matière environnementale n'est donc pas forcément, le propriétaire du fonds contigu ou juxtaposé. Du fait des effets transfrontières des troubles, c'est le critère d'exposition au trouble qui permet de déterminer le voisinage. La réparation des troubles de voisinage doit être intégrale, visant d'une part { faire cesser le trouble et d'autre part, { remettre les choses en l'état. La particularité du trouble anormal de voisinage est qu'il s'évince des règles traditionnelles de responsabilité civile par le fait que ce trouble est retenu en l'absence de toute faute commise par l'auteur (Cass. civ. 3, 30 juin1998, intrafor c/Chaudouet, arrêt n° 1121, p. 96, Bull. civ. III, n° 144). Dans ce cas, le propriétaire d'un fond, usant normalement de son droit de propriété pourrait se voir reproché par son voisin un trouble manifestement anormal sur son fond, que les juges apprécieront souverainement. 2°) Les sanctions 117. En droit français, la théorie du trouble anormal de voisinage a eu un écho favorable auprès des juridictions (Civ.2, 5 octobre 2006, n°05-17602). Dans cette espèce54 la Cour de cassation française a non seulement admis le principe des préjudices au titre des poussières, des odeurs, des bruits, de la surpression aérienne et des vibrations du sol occasionnés par une société d'exploitation d'une carrière { ciel ouvert, mais elle a surtout admit aussi le principe de l'action du groupe qui permet l'action des personnes morales de droit privé notamment des associations. Mais la jurisprudence tient également compte d'un certain seuil de nuisances (Cass. civ. 2è, 8 mars 1978, D.1978, note Larroumet). S'agissant des activités classées, quand bien même l'activité est régulièrement menée c'est-à-dire son exercice subordonnée à une autorisation de l'autorité administrative compétente, la Cour de cassation55 française retient que le juge des référés peut constater le trouble de voisinage, ce qui complète les prérogatives déjà reconnues au juge judiciaire de prononcer la cessation momentanée d'une activité régulière génératrices de préjudices. F/ Les nuisances sonores 1°) Les bruits qualifiés de pollutions 118. Suivant la théorie du trouble de voisinage qui a connu son essor avec le droit de l'environnement, les bruits ?insupportables?, constituent des troubles et des pollutions environnementales dérivées56. Au Canada, le bruit est considéré comme un contaminant de l'environnement. L'article 157 de la Loi sur la qualité de la vie (Québec), considère ainsi le son comme 53 TREBULLE (François Guy), «Les techniques contentieuses au service de l'environnement- le contentieux civil», www.ahjudicaf.org/spip.php?,article 76 consulté le 29 juil. 2010, p. 2. Selon cet auteur, dans le rapport annuel de la Cour de cassation de 1999, l'un de ses Conseiller (Villien) disait que « ne sommes-nous pas devenus les voisins de l'Ukraine depuis que la catastrophe de Tchernobyl nous a envoyés des radiations?». 54 V. CAMPROUX-DUFFRENE (Marie-Pierre), in «Chronique de droit privé de l'environnement, civil et commercial>, RJE 1/2007, a, p. 8. 55 Cass. civ. 1 ère, 15 mai 2001, Divanac'h c/Rannou, arrêt 770, D. 2001. 56 V. Cass. civ., 27 nov. 1844 (arrêt de principe), cité par TREBULLE (François Guy), op. cit., p 1. 57 MERCURE (Pierre-François) & NIANG (Oumar), Droit de l'environnement au Québec, Cours Droit comparé de l'environnement, p. 73 (PDF). un contaminant susceptible d'altérer la qualité de l'environnement. Un guide contenant les niveaux sonores acceptables a été élaboré (45 décibels au plus entre 7 h et 19 h en Zone 1, rurale comme résidentielle et 40 décibels entre 19 h et 7h). Les communes ont aussi fixé par règlements les seuils au-del{ desquels l'auteur est répréhensible (émission de sons excessifs). Suivant la loi sur la santé et la sécurité au travail, deux types de bruits ont été distingués : le bruit continu qui est défini comme «tout bruit qui se prolonge dans le temps y compris un bruit formé par les chocs mécaniques de corps solides ou par impulsions répétées à une fréquence supérieure à une seconde»58 et le bruit d'impact qui est au contraire tout bruit dont l'impulsion est ou non répétée { une fréquence inférieure ou égale { une seconde. 119. En somme, il s'agit de bruits incommodants, insupportables non seulement par rapport à leur vigueur (nombre de décibels émis), par rapport { l'endroit où ils sont émis (domiciles, hôpitaux, écoles, cimetières), surtout par rapport au moment où ils sont émis (de jour, de nuit, à mijournée, pendant la chaleur ou le froid). Là aussi, même si des barèmes et niveaux existent dans de nombreux pays et même si les bruits sont réprimés par la police administrative sous forme contraventionnelle pour la plupart, il reste que la qualification du bruit-pollution et du bruit-tolérable est laissée { l'appréciation souveraine du juge ou de l'autorité administrative compétente. Certaines formes de bruits qui étaient durant des siècles mis hors des débats pour leur caractère sensibles, en l'occurrence les bruits de lieu de culte (appels sonorisés du muezzin, prêches sonorisées ou en public, émissions de cris aigus au moment des prières) commencent à refaire surface, en Europe notamment avec le débat sur les minarets. Reste à savoir si ces genres de bruits sont des bruits troublants ou des bruits normaux? Et tout le débat est là, car tout ce qui touche à la religion est sacré dit-on, et la difficulté justement est d'autant plus grande que toute idée de cartésianisme est ici rejetée. Or, le principe de laïcité, d'égalité de tous devant la loi, devait interpeller chacun sur ses devoirs de ne point perturber son voisin. 2°) Les préjudices extrapatrimoniaux 120. La plupart des bruits, sauf de rares exceptionnels (longues expositions au bruit, bruits de lieu de recréation) causent des préjudices extrapatrimoniaux c'est-à-dire des préjudices moraux ou des préjudices psychologiques. La preuve du préjudice psychologique étant difficile à faire en justice, elle n'est admise qu'avec beaucoup de circonspection. La prise en charge du préjudice moral lui-même a de tout temps soulevé des controverses en ce qui concerne certaines sources de pollutions ou d'atteintes environnementales tels les bruits. La minimisation des pollutions liées au bruit se ressent à travers la répression. La plupart des pollutions sonores sont sanctionnées au plan pénal que d'une peine contraventionnelle, en l'occurrence le versement d'amendes. La prise en compte du préjudice d'agrément (sorte de préjudice moral collectif) soulève davantage plus de difficultés. Ce préjudice parce qu'il est immatériel et abstrait est difficilement estimable. Son indemnisation en souffre donc. C'est pourquoi certains auteurs59 qualifient le préjudice moral « de fourre-tout de valeurs malaisées à évaluer». 58 V, note supra, p. 75. 59 REMOND-GOUILLOUD, op. cit., p. 260. Section 2. Les systêmes d'évaluation des dommages et préjudices dans le cas de déchets ou de pollution
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