Section 2 : La FAO, face à l'état de
l'insécurité alimentaire dans le monde.
Pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés dans le
domaine de l'alimentation et de la nutrition, la FAO agit dans un cadre bien
défini.
Elle étudie et présente l'état de
l'insécurité alimentaire dans le monde (paragraphe1) et
mène des actions adéquates pour l'éradication du
fléau de la faim (paragraphe2).
1- En hommage aux deux mémoires de Franck Mc Dougall en
1935 le 1er un mémorandum sur "les problèmes agricoles
et sanitaires" et le deuxième "Draft mémorandum on a united
nations program for want and food" et leur impact sur l'avènement et
l'évolution de la FAO, cette dernière a institué les
conférences Mac Dougall où d'éminents spécialistes
et des acteurs du développement viennent apporter leurs contributions
intellectuelles et proposer des orientations à l'Organisation.
2- Introduction du directeur général au programme
de travail et budget, in Programme et budget pour 1974-1975, FAO, Juillet
1973.
Paragraphe 1 :L'état de
l'insécurité alimentaire dans le monde.
Pour montrer l'imminence des problèmes alimentaires
dans le monde, la FAO s'évertue à présenter la situation
de la sous-alimentation dans le monde (A) à travers des données
statistiques et les facteurs générateurs (B) de cette
situation.
A- La sous-alimentation dans le monde.
Le décompte des personnes souffrant de la faim est une
tendance à long terme dans les pays en développement.
Selon les estimations des années 2000 de la FAO, on
dénombre qu'entre 1997et 1999 à travers le monde, 815 Millions de
personnes sont sous-alimentées,dont 777 Millions dans les pays en
développement, 27 Millions dans les pays en transition et 11 Millions
dans les pays industrialisés1.
Ainsi les dernières estimations de 2008 du PAM
évaluent le nombre de personnes souffrant de la faim à 830
millions qui atteindra 1milliard en 2009.
Le Sommet mondial de l'alimentation en 1996 et le Sommet du
Millénaire en 2000 ont tous deux fixé comme objectif une
réduction de moitié de la faim entre 1990, période de
référence, et 2015. Si la date prévue approche,
l'objectif, lui demeure élusif.
En dépit des avancées concernant la
réalisation de la cible des Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD), c'est-à-dire la réduction de
moitié des victimes de la faim, il faudra intensifier les progrès
pour atteindre l'objectif fixé pour 20152.
La réalisation de l'objectif du Sommet Mondial pour
l'Alimentation (SMA) a ramené de 800 millions à 400 millions le
nombre absolu de personnes souffrant de la faim. La population mondiale devrait
augmenter d'environ deux milliards entre la période de
référence (1990-1992) et 2015. En conséquence, même,
si cette population accrue de personnes sous-alimentées est
réduite de moitié, près de 600 millions de personnes
continuent de souffrir chroniquement de la faim dans les pays en
développement.
Pour atteindre la cible de 400 millions fixée par le
SMA, il faudrait réduire la proportion des victimes de la faim non de
moitié, mais des deux tiers. Il faut remarquer que la population
sous-alimentée se repartit inégalement au niveau régional,
de même que des progrès pour la réalisation des OMD.
1- Les estimations de la FAO font l'objet d'une révision
annuelle à la mesure que parviennent de nouvelles informations
2- La sous-alimentation dans le monde, FAO, Rome, pp. 6-7
Diagramme n°1 : Population sous-alimentée,
par Région 2001-2003 (en millions)dans le Monde.
Asie du Sud-Est 65
Afrique du Sud 300
Asie de l'Est 160
Amérique Latine et Caraibe 52
Proche-Orient et
Afrique du Nord 38 Afrique
subsaharienne 206
Pays développés
à économie de marché 9
Economie en transition 25
Source : FAO
Parmi toutes les régions en développement, seule
la région Amérique Latine et Caraïbes est parvenue à
réduire la prévalence de la faim assez rapidement depuis 1990
pour atteindre la cible des OMD à condition que la cadence actuelle soit
maintenue.
La région Asie Pacifique a elle aussi de bonnes chances
d'y parvenir si le rythme des progrès peut être
légèrement intensifié dans les années à
venir.
Au Proche-Orient et en Afrique du Nord en revanche, la
prévalence de la faim est faible, mais elle augmente plutôt que de
diminuer. Pour atteindre cet objectif, la région devra inverser la
tendance à la hausse enregistrée durant la dernière
décennie.
En Afrique Subsaharienne, la prévalence de la
sous-alimentation a légèrement fléchie bien que le rythme
des progrès se soit accéléré dans les années
90. Pour atteindre la cible des OMD, la région devra
considérablement intensifier son action.
Si l'on regroupe les pays sur la base de la prévalence
actuelle de la sous-alimentation, on constate que c'est là où la
faim est plus répandue que les progrès ont été les
plus lents. La prévalence de la sous-alimentation augmente ou reste
globalement inchangée dans les pays en développement. Près
d'un milliard d'êtres humains souffrent de la faim1 .
L'estimation de l'Organisation des Nations Unies pour
l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) de la fin de l'année 2008 est de
963 millions d'êtres humains souffrant de la faim. En deux ans, le
chiffre a augmenté de 110 millions, dû principalement à
l'envolée des prix des matières agricoles.
1- MARIE-BEATRICE Baudet : La pédagogie de la catastrophe
; Bilan du monde, 2008, p. 21.
Après des années de baisse ou de
stabilité de la sous-alimentation, les chiffres sont à la hausse,
sapant ainsi les efforts accomplis et retardant les chances d'atteindre les OMD
qui visent à réduire de moitié la faim dans le monde d'ici
à 2015.
Il faut souligner que, si dans ces derniers jours la
colère est venue des grandes villes d'Asie et d'Afrique, où les
habitants ont manifesté contre la hausse des prix des denrées,
c'est surtout dans les zones rurales, voire chez les paysans que la situation
est catastrophique. Cette situation peut encore atteindre jusqu'à 90%
dans les pays en développement. L'Inde, la Chine, la République
Démocratique du Congo, le Bangladesh, le Pakistan, l'Indonésie et
l'Ethiopie comptent à eux seuls 65% des personnes souffrant de la
sous-alimentation1.
Le problème alimentaire est loin d'être
réglé. Si au Sommet de la FAO, à Rome en juin 2008, la
Communauté internationale est arrivée à se mettre d'accord
sur la nécessité d'investir dans l'agriculture, secteur
délaissé depuis vingt ans, les promesses de dons n'ont pas
été tenues. La hausse des prix n'a pas été
transformée en opportunité pour les agriculteurs des pays
pauvres, comme l'aurait souhaitée la FAO.
Désormais, la crise financière et
économique risque d'aggraver la situation alimentaire mondiale. Elle
pourrait réduire les montants d'aides humanitaires d'urgence, et les
possibilités pour les paysans d'emprunter pour acheter les semences et
les engrais. Cette situation réduit donc leurs capacités de
production aggravant ainsi les risques de déficits alimentaires dans le
monde.
B- Quelques zones critiques de la faim : les effets
complexes des catastrophes naturelles
Si les causes sont complexes, la tendance est claire les
catastrophes naturelles sont plus fréquentes, plus meurtrières et
plus coûteuses, comme l'atteste cette simple mesure. Les pertes annuelles
moyennes imputables aux ouragans, aux sécheresses, aux séismes et
autres catastrophes naturelles pendant les années 90 sont neuf fois plus
importantes qu'il y a 30 ans de cela.
L'impact des catastrophes naturelles est bien plus
considérable sur les pays pauvres que sur les pays riches, tant en
termes absolus que relatifs. Les populations des pays en développement
peuvent rarement se réinstaller loin des zones fréquemment
touchées par les catastrophes, ou renforcer leurs habitations et leurs
exploitations. Leurs infrastructures et leurs économies sont
généralement moins diversifiées et plus fragiles, de sorte
qu'une catastrophe naturelle peut retarder l'ensemble du processus de
développement.
Les catastrophes naturelles peuvent également
détériorer la sécurité alimentaire de
manière inégale et complexe. Leur impact sur les groupes et les
communautés varie en fonction des lieux d'implantation, de la
profession, du statut social, des divisions économiques, politiques et
culturelles.
1- MARIE-BEATRICE Baudet : 2008, op. cit, p. 23.
On peut en voir des manifestations dans les effets de deux
catastrophes, la sécheresse et l'infestation de criquets pèlerins
qui ont ravagé l'Afrique du Nord et de l'Ouest en 2003-2004, ainsi que
le tremblement de terre et le tsunami qu'à subi l'océan Indien en
2004, notamment en Aceh ( province indonésienne).
A la fin de 2003, les conditions météorologiques
ont favorisé le développement des populations de criquets
pèlerins dans le Maghreb et une partie du Sahel. La FAO a diffusé
des alertes sur la probabilité d'une infestation. Au début de
2004, des essaims de criquets ont déferlé sur l'Afrique du Nord
et de l'Ouest et au-delà, puisqu'ils ont été
signalé jusqu'à Chypre, en Egypte, en Guinée Conakry et au
Yémen. La plupart des essaims sont toutefois restés dans le
Nord-Ouest de l'Afrique et le Sahel où ils ont ravagé les
cultures et la végétation.
Il faut également souligner que le séisme qui
est intervenu au large des côtes de Sumatra en Indonésie le 26
décembre 2004 était le plus violent enregistré en 40 ans.
Il a provoqué un tsunami qui a tué 240 000 personnes selon les
chiffres officiels et déplacé plus de 1,6 million de
personnes1.
De nos jours, le changement climatique est devenu
préoccupant et frappe plus durement les centaines de millions de petits
agriculteurs et de petits pêcheurs ainsi que les populations
dépendant des forêts, déjà vulnérables et
victimes d'insécurité alimentaire. En influant sur les
disponibilités en terre et en eau, sur la biodiversité ainsi que
sur le prix des denrées alimentaires, la demande croissante de
biocarburants produits à partir de cultures vivrières a, elle
aussi, un impact sur les pays pauvres2 .
La pêche et l'agriculture côtière ont
été détruites dans de nombreuses régions, privant
les communautés de leur principale source d'alimentation et de revenus.
Les effets du tsunami sur l'économie nationale varie
considérablement d'un pays à un autre. L'impact sur la
sécurité alimentaire a également été
très inégal. Le secteur agricole très limité de
petits Etats insulaires tels que les Maldives et les Seychelles a
été totalement ravagé. La production rizicole nationale de
l'Indonésie, du Sri Lanka et de la Thaïlande n'a pas
été gravement touchée.
Comme le montrent ces deux situations d'urgence
différentes, même lorsque les catastrophes naturelles n'ont pas
d'effet majeur sur le volume global des approvisionnements alimentaires, elles
peuvent avoir des conséquences désastreuses sur certains groupes
de population. Ce sont souvent les plus pauvres et les plus vulnérables
qui sont les plus durement frappés, ce qui exacerbe encore la
pauvreté et la malnutrition.
Les catastrophes détruisent également les moyens
de subsistance précaires à un point tel que les populations sont
déplacées et qu'une action de relèvement à long
terme s'impose.
C'est l'ampleur de ces dégâts qui a incité
la Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes, tenue
à Kobé (Japon) en janvier 2005, ayant préconisé
l'intégration expresse des mesures de prévention et
d'atténuation des catastrophes dans les stratégies
1- Le Monde diplomatique : INONDATIONS-FAIM, 2005 (52è
année) N°148, 36 p.
2- Sécurité Alimentaire Mondiale : les
défis du changement climatique et des bioénergies, octobre
2008.
nationales de développement. Face à cette situation
très critique, la FAO entreprend des actions en vue de venir à
bout du problème alimentaire.
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