B- Les manifestations de l'insécurité
alimentaire au Togo.
Au Togo, l'insécurité alimentaire se pose en
terme de manque d'accès de la population aux vivres. Ce déficit
est plus accentué pour les productions animales et halieutiques. Cette
insécurité est très marquée en milieu rural
où, au régime alimentaire inadéquat de ces populations
pauvres, s'ajoute l'influence des mauvaises conditions d'hygiène,
à l'origine du taux de malnutrition relativement élevé.
Environ 25% des enfants de moins de 5 ans ont une insuffisance
pondérale, 30% ont des retards de croissance et 5% sont
émaciés. D'un autre côté, la proportion et le nombre
total de personnes sous-alimentées étaient de 23% et 1 million en
1998-2000, contre respectivement 28% et 1 million en 1990-1992. Sur la base des
tendances observées entre 1990 et 2000 (croissance du nombre de
sous-alimentés: 0% et de la proportion de
personnes sous- alimentées: -5%), en 2010, on peut
estimer que globalement, le nombre de personnes sous-alimentées se
situerait autour de 1 million et la proportion de personnes
sous-alimentées à 18%1.
L'insécurité alimentaire se manifeste de plusieurs
manières au Togo. Elle s'observe à travers :
-L'état nutritionnel et l'indisponibilité
alimentaire ;
- L'existence des groupes vulnérables ;
- La méconnaissance en matière alimentaire ;
- l'hygiène alimentaire ;
- la pauvreté.
1-L'état nutritionnel et l'indisponibilité
alimentaire.
On constate, naturellement au Togo qu'en période de
récolte, les aliments ne font pas défaut. Mais c'est pendant la
période dite de soudure c'est-à-dire la fin de chaque campagne
agricole, que certains ménages éprouvent la peine de satisfaire
leurs besoins alimentaires. A ce moment, il y en a qui ne mangent plus à
leur faim et ceux qui n'en trouvent même pas.
Selon la Stratégie Intérimaire de
Réduction de la Pauvreté (SIRP) élaborée par le
Togo en Mars 2008, la délégation des conditions de vie des
ménages est due à la faiblesse du revenu agricole.
Selon également, l'enquête QUIBB 2006, 42,1% de
la population togolaise est sous alimenté ; un rapport calorique
inférieur à la norme de 2400 Kcal par jour par équivalent
adulte fixé par la FAO. Cette sous-alimentation de la population est
fortement corrélée avec la pauvreté monétaire dans
la mesure où 64,1% de la population pauvre, sur le plan national, est
sous-alimenté. En outre, 6,4% des personnes non pauvres sont
également sous-alimentées2.
En milieu rural, 47,1% de la population est
sous-alimenté contre 32,2% en milieu urbain. Il faut aussi remarquer que
la région des plateaux est la moins touchée par la
pauvreté alimentaire avec une incidence de 25,3%, suivie de Lomé
30,1%, des régions Maritime 38,6%, de la Kara 48,6%, Centrale 63,9% et
des Savanes 72,9%. La corrélation entre la pauvreté et la
sous-alimentation est plus forte à Lomé où 85,2% de la
population pauvre est sous-alimenté.
Cette corrélation est également très
élevée dans la région Centrale et dans la région
des Savanes où respectivement 78,9% et 79,5% des populations pauvres
sont sousalimentées.
Selon cette enquête, environ 70% de la population togolaise
est mal nourri.
1-Programme National d'Investissement à Moyen
Terme (PNIMT), dans le cadre du NEPAD-PDDAA-FAO, 2005, p. 7.
2- Stratégie Intérimaire de Réduction de la
Pauvreté, mars 2008, p. 18.
2-L'existence des groupes vulnérables.
La vulnérabilité à
l'insécurité alimentaire peut se définir comme
étant « le risque encouru ou la fragilité à
laquelle on s'expose en cas de perte soudaine de revenus ou de non accès
à la nourriture1 ». C'est donc tout ce qui
peut précipiter une crise alimentaire si aucune action compensatoire
n'est entreprise. Cette fragilité se réfère au risque de
sous- alimentation.
En effet, on distingue généralement quatre
catégories de groupes vulnérables et qui existent
également au Togo. Selon ces catégories on distingue :
-Les groupes biologiquement vulnérables,
c'est-à-dire des personnes qui, en raison de leur âge ou de leur
état physique courent un grand risque de malnutrition.
Cette catégorie concerne les vieillards, les femmes
enceintes ou allaitantes et les enfants en période de sevrage. Au Togo
plusieurs personnes de ce groupe meurent de la malnutrition.
-Les groupes économiques
vulnérables sont des personnes qui sont sujettes à la
pauvreté en raison de la médiocrité de leur condition
socio-économique. Ces personnes n'ont pas suffisamment accès
à la nourriture de qualité telles que les démunis urbains
et ruraux.
Toujours dans la liste des groupes vulnérables, nous
avons les groupes politiquement vulnérables à
l'instar des réfugiés victimes des troubles socio-politiques, qui
se retrouvent en état d'insécurité alimentaire et
les catégories écologiquement
vulnérables. Il s'agit, au Togo des populations qui vivent dans
des zones de montagne et des savanes. C'est également le cas des
populations de Kara qui ne disposent pas assez de terres cultivables, à
cause des montagnes.
3-La méconnaissance en matière
alimentaire.
Il faut constater que dans les pays du tiers monde, nombreux
sont ceux qui ignorent tout, du rôle des aliments. Pour ceux-ci, il
suffit d'avoir un ventre plein pour bien se porter. C'est cette conception
erronée et illusoire qui est une manifestation de
l'insécurité alimentaire dans la plupart des pays en
développement en général et au Togo en particulier. Pour
bon nombre de togolais, il est inconcevable qu'une personne qui n'a jamais faim
puisse souffrir d'une maladie physique parce que quelque chose manque à
son régime alimentaire. C'est d'ailleurs, ce qui s'explique par les cas
fréquents de kwashiorkor constatés dans les zones rurales.
Dans certains cas, la malnutrition tient à de mauvaises
habitudes et croyances relatives aux tabous et aux interdits qui sont parfois
alimentaires.
La plupart de ces tabous s'applique aux aliments comme les
oeufs, le lait, la viande de certains animaux et certains poissons. Cette
situation ne permet pas aux populations d'avoir une alimentation
équilibrée.
4-L'hygiène alimentaire.
1- Insécurité Alimentaire dans les Pays ACP : Des
politiques et Programmes d'Intervention aux groupes vulnérables,
Universitaire catholique de Louvain, 26.30 octobre 1998, p. 10.
Bien que les conditions générales de
santé se soient un peu améliorées en Afrique, les
problèmes sanitaires relatifs aux aliments persistent . Les mauvaises
conditions d'hygiène favorisent la malnutrition en permettant la
transmission des germes responsables des maladies.
Les diverses maladies parasitaires peuvent également
avoir une incidence sur l'état nutritionnel des populations. Le plus
grand constat au Togo, est que la plupart des maladies dont souffrent les
Togolais est souvent liée au manque d'hygiène dans le traitement
des aliments. Parmi les maladies alimentaires, nous avons entre autres, le
choléra, l'hémorroïde, les maladies causées par les
parasites tels que les ascaris et les ankylostomes.
Dans la rubrique des manifestations de l'insécurité
alimentaire au Togo l'on peut citer la pauvreté.
5-La Pauvreté.
Il n'existe pas une définition unique de la
pauvreté, le phénomène étant multidimensionnel.
Aussi, au Togo, la démarche globale retenue pour sa mesure et son
étude s'est-elle reposée sur deux approches, l'approche
quantitative de la pauvreté et l'approche basée sur la perception
de la pauvreté par les populations.
Ainsi, les résultats de l'enquête Questionnaire
Unifié des Indicateurs de Base du Bienêtre (QUIBB) de 2006 servent
de référence pour la présente analyse de la
pauvreté au Togo. Des seuils de pauvreté ont été
calculés pour les cinq régions du Togo et pour la capitale
Lomé suivant les méthodes fondées sur les besoins
alimentaires.
Tableau n°2 : Seuils de pauvreté par
région au Togo
|
Lomé Maritime1
|
Plateaux Centrale Kara
|
Savanes
|
National2
|
Seuil de pauvreté par équivalen t
adulte et par an en FCFA
|
24200
|
156115
|
15483
|
179813
|
155026
|
157294
|
242094
|
Source : DGSCN, profil de pauvreté 2006
établi à partir de l'enquête QUIBB.
Selon les résultats de l'enquête QUIBB relatifs
au profil de la pauvreté monétaire au Togo, l'incidence de la
pauvreté est estimée à 61,7% de la population, soit
près de 3242257 individus repartis dans 535486 ménages. La
pauvreté est essentiellement rurale où l'incidence est de 74,3%
représentant 79,9% de pauvres.
1-Région maritime à l'exception de Lomé.
2- Le seuil à Lomé est considéré
comme seuil national de pauvreté.
En milieu urbain, l'incidence de la pauvreté est de 36,8%
correspondant à 20,1% des pauvres.
Eu égard à cette situation de
déséquilibre alimentaire, les gouvernants togolais ont entrepris
depuis les indépendances la politique de sécurité
alimentaire à travers les programmes agricoles et le renforcement des
capacités des producteurs.
Section 2: Les actions relatives à la politique
agricole et à la sécurité alimentaire au Togo
Les autorités togolaises ont pris depuis longtemps
l'engagement d'assurer l'autonomie alimentaire du Pays. C'est ainsi qu'au
lendemain de l'indépendance, les principales actions en matière
de développement agricole consistaient en la promotion des cultures
vivrières et d'exportation (paragraphe1) et au renforcement des
capacités des producteurs et l'aménagement des infrastructures
agricoles (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les politiques, les programmes et le cadre
institutionnel des services agricoles.
A travers l'élevage, la pêche et la
sylviculture1, l'agriculture est le pilier de l'économie
togolaise. Elle contribue pour plus d'un tiers au PIB, emploie près de
70% de la population active et assure environ un tiers de l'ensemble des
exportations2.
Convaincues que le développement rural est
indispensable à la croissance en raison de l'amélioration des
niveaux de vie et de la réduction de la pauvreté qu'il
favorisera, les autorités togolaises ont mis en place des politiques et
des programmes (A) en créant des cadres institutionnels pour les
services agricoles (B).
|