Chapitre II :
LA DYNAMIQUE DU MARAICHAGE DANS LA BORDURE
DU LAC TANMA
I. LA CONFIGURATION DU SITE DE PRODUCTION
La bordure du lac Tanma est un important site de production
pour l'activité maraichère. On entend par bordure l'ensemble des
villages qui encerclent le lac Tanma. Cependant cette entité
géographique n'est pas totalement homogène d'un point de vue
écologique. Deux ensembles s'opposent de part et d'autre du cordon
lacustre. Ce qui donne une rive gauche et une rive droite. Cette opposition
traduit des réalités hydrographiques, géomorphologiques et
pédologiques différentes.
+ La partie située entre le lac et la mer est
caractérisée par le système dunaire du Quaternaire. Cette
partie est la rive gauche du lac. Elle correspond bien à l'appellation
Niayes qui traduit le système dunaire et les dépressions
internes.
+ La partie située entre le lac et les reliefs qui le
surplombent à savoir le plateau de Thiès et massif de Ndiass.
Cette partie est caractérisée par le réseau de marigots
temporaires qui aliment le lac en saison pluvieuse. (Voir figure N 6)
1. La rive gauche ou le domaine des dépressions
interdunaires
C'est la partie située à l'Ouest du lac Tanma
intégrant les dunes et les dépressions internes. Elle correspond
à une bande de prés de 7 km. C'est dans cette partie que se
localise le plus grand nombre de villages.
Au plan géomorphologique, nous avons une
prédominance des dunes rouges et des dunes jaunes qui laissent entre
elles un couloir dépressionnaire à nappe peu profonde. Le
maraîchage se pratique dans les cuvettes interdunaires. La profondeur de
la nappe se situe entre 3 et 4 mètres. Cependant, cette profondeur varie
suivant une extension Nord-Sud. La nappe devient de plus en plus profonde au
fur et à mesure que l'on va vers le sud de l'étranglement. Ce qui
fait que dans les secteurs de Ndame Lo, elle peut atteindre 10 mètres.
Pour accéder à l'eau les maraîchers creusent des
céanes. Ces céanes sont aujourd'hui de plus
en plus remplacées par des puits cimentés plus
résistants surtout dans les parties situées plus au sud où
l'eau de la nappe est moins accessible.
Au plan pédologique, on y rencontre des sols
hydromorphes avec une variété de colorations due à leur
engorgement temporaire ou permanent. Ce sont des sols Dior humides et riches en
humus
2. La rive droite ou domaine des marigots temporaires et
lacs asséchés
C'est la partie située à l'Est du la Tanma. Ce
sont les lits d'anciens réseaux hydrographiques asséchés
par la dégradation climatique. C'est une partie intégrale du
bassin du lac. En période de bonne pluviométrie, elle constitue
le dernier lieu de transit des eaux de ruissellement avant qu'elles
n'atteignent le lit du lac. Avec les nombreuses ramifications de marigots, elle
donne une sorte de delta intérieur. (voir carte N°6)
La péjoration des conditions hydrologiques fait que le
lit du lac s'amincit de plus en plus en cédant la place à des
vallées fossiles. Elle devient ainsi un vaste espace vestige d'une
ancienne vallée. Ces lacs et marigots asséchés sont
cependant, mis en valeur par les maraîchers selon un système
d'exploitation spécifique
Au plan géomorphologique, cette partie s'individualise
par rapport au système dunaire auquel elle est souvent
apparentée. Ici les mares temporaires et les marigots découpent
une surface plus ou moins plate et légèrement inclinée
vers le lac qui est un réceptacle des eaux de ruissellement.
Au plan pédologique, la nature des sols la
différencie de l'autre coté du lac. Ici, les sols ne sont pas des
sables dunaires mais des sols plus ou moins argileux. Ce sont des sols deck ou
deck dior moins poreux, moins filtrants et plus cohésifs.
Contrairement à la rive située sur le
système dunaire, la nappe phréatique dans cette rive n'est pas
affleurante. Sa profondeur se situe actuellement autour de 12 à 14
mètres. Mais cette nappe offre une bonne capillarité lorsqu'elle
est atteinte par les puits.
II. LE SYSTEME DE PRODUCTION 1. Typologie des
exploitations
On rencontre différends types d'exploitations dans cette
zone. On peut faire deux types de classifications: une classification en
fonction de la taille et une classification en fonction des
équipements utilisés pour accéder à
l'eau. En d'autres, termes on a une classification fondée sur le
système d'irrigation et une classification fondée sur le domaine
agricole.
a) La classification selon la taille
L'agriculture dans ce secteur donne une configuration très
diversifiée sur le plan de la taille des exploitations. En fonction de
ce critère trois types d'exploitations sont identifiées:
Les petites exploitations de types familiales et traditionnels,
les exploitations moyennes et les grandes entreprises agricoles de type
moderne.
a-1) Les petites exploitations de types familiales et
traditionnels
Elles sont de petite taille variant entre 0,2 et 0,5 ha, et
pourtant elles assurent l'essentiel de la production maraichère. Ceci
est le fait de leur importance en nombre. Elles se retrouvent un peu partout
dans le site aussi bien dans la bordure Est que dans la bordure Ouest. La
faiblesse des surfaces de cultures s'explique en grande partie par la faiblesse
des revenus de ces types de producteurs Cette situation oblige certains
producteurs à recourir exclusivement à la main d'oeuvre
familiale. Le personnel est souvent composé d'un chef de ménage
et de ses enfants. Il peut arriver que le propriétaire du champ paie les
services d'un travailleur saisonnier appelé ici « Sourga ».
Ils travaillent suivant un mode de partage bien défini. Le plus souvent
le travailleur saisonnier dispose d'une parcelle dont il partage la production
avec le propriétaire du champ. Il peut arriver qu'on lui paie un salaire
mensuel ou journalier. Leur moyen d'accès à l'eau est le puits
cimenté ou la céanes.
a-2) Les exploitations moyennes
Leurs tailles varient entre 0,5 et 20 ha. Elles sont souvent
l'oeuvre des exploitants individuels fonctionnant sur la base de location de
terre ou métayage. Le personnel peut être composé de 5
à plus de 10 personnes suivant la surface dont dispose l'exploitant. Ils
utilisent des motopompes branchées aux puits et céanes, des
lances d'arrosage ou des forages. Certaines d'entre elles sont branchées
sur le réseau de la SDE
a-3) Les grandes entreprises agricoles de types
modernes
Ces exploitations revêtent un caractère
individuel ou associatif. Ce sont des entreprises agricoles dotées de
gros moyens. La taille de l'exploitation peut atteindre plusieurs dizaines
d'ha. Elles sont très répandues dans la bordure Ouest du lac.
Elles utilisent un outillage moderne.
b) La classification en fonction du niveau
d'équipement
Les moyens financiers des exploitants déterminent les
types d'équipement dont ils disposent. Les exploitations se
différencient selon le système d'alimentation en eau et du niveau
d'investissement technique. Au moment où certaines exploitations ne
disposent que de moyens techniques très rudimentaires, d'autres sont en
mesure de recourir aux techniques modernes d'irrigation. Ce qui fait que ces
derniers peuvent exploiter de grandes surfaces alors que les autres restent
confinés dans des lopins de terre à faible production. Il existe
une catégorie intermédiaire qui procède à des
locations temporaires du matériel des grandes exploitations voisines. La
classification selon la technique d'accès et d'utilisation de l'eau nous
permet de déterminer 4 catégories.
b. 1 ) Les exploitations utilisant l'exhaure et la
distribution manuelle
Ce type d'exploitation est le mode le plus courant et le plus
traditionnelle. C'est pourquoi il est très rependu dans le site surtout
dans la partie située sur la frange littorale. Dans cette zone où
la nappe phréatique est affleurante avec une profondeur qui
dépasse rarement 3 mètres, il suffit de creuser un puits ou une
céanes pour accéder a l'eau. L'eau est tirée du puits
manuellement. L'équipement est composé d'une corde, de deux seaux
pour tirer l'eau et d'un petit bassin pour recueillir l'eau puisée.
(Voir figures N° 20 et 21). La distribution est aussi manuelle. Le
maraîcher fait la navette entre la parcelle et le bassin. Au cas
où les parcelles sont éloignées ils mettent en place un
réseau de bassins branchés entre eux et disséminés
dans le champ. Ce type d'exploitation est plus répandu dans les Nord et
Ouest du lac, là où la nappe est plus affleurante. Cette partie
concerne les villages de Mbidieume, Thieudeme, Thor, Keur Mbir Ndao
Kémaye etc.
Photo 6 : Maraîcher puisant de l'eau Photo 7 :
Puits et équipement d'exhaure
Photo M. D. NDIAYE) le 02 SEP 2009
b. 2 ) Les exploitations utilisant l'exhaure
motorisée et la distribution manuelle
Ce sont des exploitations traditionnelles qui ont un peu
évolué en intégrant l'exhaure motorisée. En effet
le pénible travail de tirer l'eau manuellement combiné à
une nappe de plus en plus profonde oblige les maraîchers à
recourir à cet outillage. Elle est composée d'une motopompe que
l'on branche à un puits ou une céane. L'eau est recueillie dans
des bassins avant d'être transportée manuellement vers les
parcelles. Ce type d'exploitation est très répandu dans les
secteurs où la nappe est peu profonde surtout dans la partie Sud et la
partie Est du lac. (Keur Matar Gueye, Mbissao, Ndieuguene et Fouloume).
Photo 8 : Motopompe servant à tirer de l'eau du
puits Photo M. D. Ndiaye 03 SEP 2009
b. 3 ) Les exploitations utilisant l'exhaure
motorisée et l'irrigation par aspersion
Ce sont des exploitations moyennes de types semi modernes. En
plus d'une motopompe ces exploitants disposent d'une distribution par des
asperseurs. Ce mode d'arrosage est plus efficace que la technique manuelle.
Ceci leur permet d'exploiter de grandes surfaces. Cependant, l'irrigation par
aspersion n'est pas très économique en termes d'utilisation de
l'eau. Aujourd'hui cette technique est de plus en plus remplacée par le
système goutte à goutte qui gaspille moins d'eau. Au cours de
notre visite de terrain nous avons notés beaucoup d'installations de
goutte-à-goutte dans des exploitations de types moyennes.
b .4 ) Les exploitations utilisant l'exhaure
motorisée et l'irrigation par goutte-à-goutte
C'est le fait des entreprises agroindustrielles. Elles sont
très présentes dans la zone surtout dans les secteurs Sud et
Ouest du lac. La plus part d'entre elles sont dotées de forages qui
fonctionnent à base d'électricité fournie par la SENELEC
comme c'est le cas des périmètres de la SEPAM à Keur Matar
Gueye, des périmètres de Serigne Mansour SY à Mancou etc.
D'autres sont branchées sur le réseau de la SDE. Le
système goutte-à-goutte leur permet d'exploiter de grands
domaines agricoles. Contrairement aux autres exploitants ces domaines ont les
moyens de payer les services de personnels qualifiés dans les techniques
agricoles ou de la maintenance du matériel d'exhaure et d'irrigation.
Photo 9 Systèmes d'irrigation par
goutte-à-goutte dans une exploitation de type moyenne (Photo M. D.
NDIAYE) 04 SEP 2009
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