I-3-2- Objectifs et but
Le comportement des élèves du LTO face au
dépistage volontaire est un objet socialement construit. Nous visons
à une compréhension du comportement d'adhésion et de refus
des élèves du LTO face au test VIH.
Au-delà de cet objectif général, nous
cherchons spécifiquement à appréhender les perceptions des
élèves sur le dépistage, le niveau de connaissance des
élèves sur la prise en charge, et à mettre en
évidence des déterminants de comportement.
Le but visé est de parvenir à produire des
connaissances scientifiques sur la question du dépistage en milieu
scolaire.
I-4- Hypothèses
Afin de pouvoir élucider notre problème, nous
proposons une explication théorique à partir de
l'hypothèse suivante :
Hypothèse principale
La connaissance du statut sérologique se
présente aux élèves du LTO comme étant
désavantageuse parce qu'ils perçoivent plus les
conséquences négatives d'une sérologie positive que les
possibilités de la prise en charge. La différence de comportement
s'explique par des déterminants qui sont la vulnérabilité
et les interactions dans l'environnement social des pairs et de la famille.
Sous hypothèses
- La prééminence des perceptions négatives
sur les possibilités de la prise en charge s'explique par une faiblesse
de l'information ;
- La vulnérabilité et les interactions
influencent le comportement des élèves. D'une part, plus
l'élève est vulnérable plus il refuse le dépistage
; d'autre part, l'élève bénéficiant d'interactions
favorables au dépistage s'y conforme.
I-5- Les variables I-5-1- La variable
dépendante
La variable dépendante est celle que la recherche veut
expliquer : le comportement des élèves face au test
sérologique VIH.
I-5-2- Les variables indépendantes
Ce sont celles ayant une influence sur la variable
dépendante et susceptibles de l'expliquer ainsi que ses variations.
I-5-2-1-Les variables personnelles
Ce sont l'âge, le sexe, la religion, le niveau scolaire.
Ils permettent de rapporter des analyses aux caractéristiques
socio-démographiques des enquêtés.
I-5-2-2-Les variables liées aux aspects du
phénomène
- Les perceptions et l'information : ce couple de variables
permet de décrire et de mettre en évidence les différentes
perceptions et le degré d'information ; une lecture croisée
permettra ensuite de montrer l'influence de ces variables sur le comportement
des élèves.
- La biographie sexuelle : cette variable permet de
décrire la vulnérabilité de l'élève.
Rapportée aux deux variantes de comportements observés, elle en
fournira l'explication.
- La conformité permet de rendre compte des
interactions dans le cadre familial et dans le cadre relationnel : cette
variable permettra aussi une explication du comportement d'adhésion.
I-6- Définition des concepts
Définir les concepts est une tâche indispensable
dans une recherche sociologique afin que l'on sache ce qui est en question sans
équivoque. Nous tenterons dans les lignes suivantes de trouver le sens
sociologique des concepts essentiels à notre étude.
· Vulnérabiité
«Le concept de vulnérabilité prend en
compte des facteurs personnels et externes, la dimension temporelle, ainsi que
les interactions entre ces différents facteurs qui peuvent varier
suivant les cultures et les sociétés. Ces facteurs sont
«l'inadéquation » des programmes sur le SIDA,
«l'inaccessibilité » de tels
services due à leur éloignement et leur
coût, et «l'incapacité » du système de
santé à répondre à une demande de soins et d'aides
des personnes infectées et affectées par le VIH. »22
Laurent VIDAL ironise en critiquant la définition en
termes de la vulnérabilité du concept de
vulnérabilité. En effet le concept ainsi défini par l'ONU
/SIDA «se heurte à
l'hétérogénéité des situations
englobées et la diversité des interprétations dont il est
l'objet. »23 Effectivement, son utilisation tend à
se focaliser sur des groupes sociaux identifiés comme vulnérables
en raison de leur statut dans une société donnée,
d'où très souvent l'association généralisatrice du
concept au genre alors que pour chaque société et pour chaque
individu, la vulnérabilité correspond à des situations
bien précises dont les facteurs objectifs de réalisation (risque)
sont observables.
Alors comment procéder à une définition
prenant en compte autant de diversités tout en restant
générale ? Cette question pose un problème classique
d'ordre épistémologique en l'occurrence la
prééminence entre une définition empiriste ou rationaliste
des concepts. En effet, «pour les empiristes, la
généralité du concept résulte de la somme
d'expériences, de situations qui leur étaient commune
»24 alors que pour les rationalistes cette
généralité procède de la définition
même du concept «c'est-à-dire de l'existence d'une
propriété essentielle, abstraite, commune à toutes les
situations qui relèvent du concept. »25 Ainsi, les premiers
privilégient une démarche se fondant sur la valeur de
l'observation alors que pour les seconds il s'agit de constructions logiques,
avant tout déductives, allant du général au
particulier.
Fort de ce débat, nous ne pouvons donc pas dans l'a
priori définir le concept de la vulnérabilité prenant en
compte la diversité voulue dans notre échantillon. Cependant,
dans les limites déductives de nos hypothèses, nous pouvons
désigner par vulnérabilité l'ensemble des
expériences précises vécues par un individu, l'exposant
à l'infection du VIH.
Cette définition, bien que dans l'apparence large, est
analytiquement opératoire pour notre cas. En effet, elle nous permet
d'abord d'éviter de voir spontanément la
vulnérabilité selon le contexte ou à coller de
façon tendancielle le concept à des catégories sociales
présumées vulnérables. Outre de nous épargner cette
réduction, elle nous offre l'avantage de voir en quoi un individu est
vulnérable par l'examen de sa biographie, notamment les
expériences sexuelles.
22 ONU/SIDA (La situation des risque et la
vulnérabilité : 1998) cité par VIDAL Laurent,
Anthropologie d'une distance : le sida, de
réalités multiples en discours uniformes. In Le sida des autres.
Constructions locales et internationales de la maladie, IRD, 1999, p23
23 VIDAL Laurent, Op.cit, p23
24 GRAWITZ Madelaine, Méthodes des sciences
sociales, DALLOZ, Paris, 2001, p18
25 GRAWITZ Madelaine, Op.cit, p18
· Risque
Madelaine GRAWITZ définit le risque comme «la
probabilité plus ou moins grande que survienne un
événement dangereux. »26Le concept ainsi
défini est détaché de tout champ social précis
d'application. Ainsi, dans le domaine de la santé, il n'a pas toujours
servi de mesure probable notamment lorsqu'il se lie au SIDA.
Karine DELAUNAY note dans le cas du SIDA qu'en
«l'absence d'un modèle étiologique établi[la
construction sociale du risque] a conduit à rechercher ce que ces
malades avaient en commun et, partant, à les constituer en groupes.
» Selon cette logique épidémiologique de classement, le
risque désigne un vecteur du SIDA en association à des
catégories sociales dites « groupes à risque ».
Ensuite, le risque est passé d'une «recomposition de la logique
de classement en logique de classification fondée sur les modes de
transmission du virus. »27 Il désigne alors la
possibilité de s'infecter à travers des «comportements
à risque». Enfin, le risque est mis en relation avec les conditions
de vie des individus et des groupes sociaux désignant de ce fait les
différents facteurs exposant à l'infection du VIH. A ce niveau de
l'analyse, la marge entre le concept de risque et celui de
vulnérabilité n'est que mince. En outre les différents
facteurs de risque ne sont pas exhaustifs et même sont difficilement
définissables puisqu'ils ne le peuvent être qu'en fonction de la
diversité individuelle et sociale.
C'est pourquoi nous préférons le rattacher au
concept de vulnérabilité pour définir le risque comme la
probabilité d'infection prenant sa valeur avec le degré de
vulnérabilité d'un individu.
Cette définition nous offre aussi l'avantage de ne pas
appliquer le concept en tant que catégorisation de comportements dits
à risque. Ainsi, le risque devient une variable qualitative dont les
valeurs graduelles (nulle, peu élevée, élevée)
prennent leur signification en fonction de la vulnérabilité.
· Altérité
négative
L'altérité est de façon
générale la construction d'une identité par rapport
à un groupe social ou une société donnée. «
L'autre » est alors regardé à partir de valeurs
portées par celui qui regarde. L'altérité négative
dans ce cas-ci est l'association négative de l'autre au
phénomène SIDA lui imputant la responsabilité de la
prévention, de la transmission, et de tout autre rapport au
26 GRAWITZ Madelaine, Lexique des sciences sociales,
Dalloz, 1994, p341
27 DELAUNAY Karine, des groupes à risque
à la vulnérabilité des populations africaines. Discours
sur une pandémie. In Le sida des autres. Constructions locales et
internationale de la maladie, IRD,1999, p37
VIH /SIDA. L'altérité négative devient en
fait la reconnaissance de ma personne quant à ses impossibles rapports
sociaux ou biologiques à la maladie et ses implications tout en les
légitimant pour « l'autre »
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