Paragraphe 1. De la fragilité des Etats en Afrique
centrale à la neutralisation des initiatives communautaires
L'époque des conférences nationales en Afrique
subsaharienne (1990-1994) pour l'avènement de la démocratie
coïncide avec l'initiative CEMAC. Aujourd'hui encore, la consolidation
démocratique dans les Etats membres de l'institution
sous-régionale est à l'épreuve des systèmes
politiques rigides souvent sources de conflits et d'instabilités
sécuritaires. Ce qui constitue des obstacles majeurs à la libre
circulation des facteurs.
A. Ancrage
démocratique et légitimité des dirigeants des Etats de la
zone CEMAC
Avant la mort de l'ex président gabonais, Omar Bongo
ONDIMBA, les six chefs d'Etats de la CEMAC constituaient plus de 147 ans de
mandats présidentiels cumulés. Cinq de ces six chefs d'Etats ont
passé au moins 15 ans au pouvoir pendant la même période.
Ces chiffres, certes de manière caricaturale, traduisent la situation
démocratique des pays de la CEMAC. Depuis la mise en oeuvre du processus
de démocratisation, quasiment aucun pays n'a opéré une
réelle transition politique sans heurts ou contestations. En cause, le
verrouillage de l'appareil et du système politique qui a
contribué, non plus à une personnalisation du pouvoir, mais bien
plus à une personnification du pouvoir, c'est-à-dire
l'assimilation du pouvoir à une personne, le chef de l'Etat.
Au-delà de cet argumentaire qui conforte les
théories de la construction de l'Etat en Afrique, notamment celle de
l'Etat néo-patrimonial, l'important ici est de constater que du fait, de
pressions occidentales, les Etats de la CEMAC se sont attelés à
mettre en place des régimes
« démocratiques », qu'ils ont su domestiquer au
détriment des populations et des projets d'intérêt
général comme l'instauration de la libre circulation. Ainsi,
l'effort sans cesse renouvelé de construction démocratique pour
les uns (société civile, organisations internationales,
opposition dans une certaine mesure), ou de maintien au pouvoir pour les autres
(régime en place, militaires, multinationales...) est une
préoccupation accaparante, coûteuse qui empêche toute vision
transnationale élaborée. L'instabilité des institutions
politiques retarde les projets d'investissements, réduisent
l'attractivité des bailleurs de fonds et des organisations de
développement.
La mise en oeuvre effective de la libre circulation est donc
difficilement envisageable tant que les Etats de la CEMAC ont du mal à
se démocratiser réellement. De plus, la crise de
légitimité dont souffre la plupart des chefs d'Etat de la
sous-région quand elle ne constitue pas un frein à
l'intégration du fait de l'insuffisance des soutiens, elle est factrice
d'instabilité sécuritaire.
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