L'intégration sous-régionale en CEMAC à l'épreuve de la liberté de circulation des biens et des personnes( Télécharger le fichier original )par Achille SOMMO PENDE Université Catholique d'Afrique Centrale - Master Gouvernance et Politiques Publiques 2010 |
Paragraphe 2. Des économies concurrentielles plutôt que complémentairesParvenir à une intégration réelle dans la sous-région Afrique centrale nécessite l'interconnexion des territoires. Une telle perspective encourage l'interaction entre les secteurs privés des divers territoires de l'espace sous-régional qui deviennent ainsi les principaux acteurs du processus d'intégration par la multiplication des échanges. Il est également nécessaire de construire, au niveau communautaire et au sein de chaque pays, un seuil considérable de capacités productives pour développer le tissu économique entre les pays membres. Si ce principe est admis, la CEMAC a, encore une fois, fait preuve de défaillance. Les pays se sont attelés à mettre en oeuvre des politiques économiques propres et non concertées qui ont contribué à réduire les échanges entre eux, et à instaurer la concurrence au sein des Etats de la communauté sans pour autant améliorer leurs performances. A. Absence d'infrastructures ou structures de productions identiquesLes pays de la sous-région Afrique Centrale disposent des ressources naturelles des plus convoités du continent. Elles vont des richesses minières (pétrole, manganèse, or, diamant, bauxite, charbon...), forestières (bois, agriculture) ou encore énergétiques (cours d'eaux) à la situation géographique (forêt équatoriale et sahel, ouverture sur l'océan atlantique). Ce potentiel énorme aussi bien en termes de quantité, de variétés et de qualités se retrouve dans l'espace couvert par les pays de la CEMAC. Seulement, outre le pétrole qui constitue la principale source de revenus à coté des recettes fiscales, les autres matières premières sont délaissées. D'ailleurs les tableaux 01 et 02 en fournissent l'illustration.
Tableau 01 : principales sources de revenus des pays de la CEMAC Source : RAMSES IFRI 2004 Tableau 02 : Répartition des recettes de la CEMAC Montants en milliards de F CFA
Sources : BEAC, Secrétariat Exécutif de la CEMAC, Comité de convergence de la zone franc, Avril 2007 Ce potentiel qui paraît un atout indéniable en faveur de la croissance, constitue aujourd'hui une sorte de frein au processus d'intégration sous-régionale. Dans la mesure où les pays de la CEMAC ont tendance à les exploiter de manière individuelle et non concertée avec les voisins. Les sources d'énergie, les facteurs de production, les capitaux et encore moins les ressources ne sont pas utilisées de manière collective et harmonisée. De ce fait, il n'existe pas une chaîne de production à l'échelle sous-régionale dans un secteur quelconque et le tissu économique est fortement édulcoré. Au contraire, les nouveaux enjeux liés à la mondialisation ont accentué les rivalités dans les secteurs stratégiques comme le pétrole. En réalité, cette situation est liée à l'absence d'un capital spatial en zone CEMAC. « Le capital spatial se définit comme la somme des capacités productives localisées qui concourent à accroître la productivité des autres facteurs de production. Il est constitué des facteurs de croissance (communications, services à la production) localisés dans l'espace et générateurs d'externalités d'agglomération (coûts de transaction, effets de taille de marché, externalités de connaissances) »61(*). La mise en oeuvre d'un capital spatial, tant au niveau national que régional, contribue à des effets de diffusion ou de contagion de la croissance en réduisant les coûts de transport, en favorisant les transferts de technologie ou en baissant les coûts de transaction. Cela suppose, qu'il existe un pays au sein de l'entité sous-régionale qui dispose d'un capital spatial plus riche et d'un avantage comparatif important par rapport aux autres. Seulement, tout doit être mis en oeuvre afin de limiter la polarisation des activités qui créent des divergences en termes de croissance entre les pays qui participent à un effort de coopération régionale. C'est dans cette perspective que se situe le couple Franco-germanique en Europe. Or, en zone CEMAC, depuis l'exploitation des gisements pétroliers qui coïncide avec le lancement effectif de l'institution sous-régionale en 1999, à peu près tous les pays se sont considérés comme des potentiels leaders économiques, exceptés le Tchad et la RCA. En revanche, ils se sont attelés à se doter des infrastructures de production pétrolière sans diversifier leurs sources de revenus. Le Cameroun, leader naturel à l'époque de l'UDEAC, voit son leadership contesté ou ne l'assume plus62(*). De ce fait, il manque une véritable force d'impulsion de la densification et de la diversification du tissu économique de la CEMAC. « L'exemple de la coopération entre le Cameroun et le Tchad dans l'exploitation du pétrole Tchadien est à cet égard riche d'enseignement pour les pays de la région. Le pipe-line Doba-Kribi pourrait, à brève échéance, transporter les productions d'autres champs tchadiens et camerounais, qui ne sont pas encore mis en exploitation. On pourrait même imaginer des dérivations qui desserviraient la RCA, le nord du Congo qui est éloigné de l'océan et même au-delà le nord et le nord-est de la RDC. La coopération dans l'exploitation des ressources, dans la sous-région, pourrait s'étendre à l'exploitation des ressources forestières dont regorgent le Cameroun, le Congo et le Gabon également »63(*). Le capital spatial en zone CEMAC reste à construire. On peut admettre avec HUGON64(*) que, ce mécanisme permet la convergence des économies et génère des « effets de contagion » de croissance ou de crise. Par exemple un ou plusieurs pays membres d'une communauté régionale auraient autant d'opportunités de connaître une croissance rapide et soutenue de leurs économies qu'ils ont des voisins présentant un fort potentiel économique et une croissance forte. A ce titre, on peut parler de transmission « d'énergie économique » au sein de l'espace intégré. * 61NKOA François Colin, « Interconnexion des territoires en zone CEMAC et conditions d'une croissance endogène sur le plan régional... » www.ici-cemac.net, consulté le 18 avril 2010 à 16h10. * 62Au Cameroun, la fourniture de l'énergie s'est dégradée alors que le potentiel hydroélectrique est insuffisamment exploité. Il est en effet estimé à 800MW. Ce pays n'est cependant pas membre du Pool Energétique de l'Afrique centrale qui a été créé le 12 avril 2003 et qui regroupe le Gabon, la RCA, la RDC, la Guinée équatoriale, Sao-Tomé et Principe, le Congo et le Tchad. * 63 NKOA François Colin, op cit. * 64HUGON Philippe, « L'intégration régionale dans les économies en développement au regard des nouvelles théories de la régionalisation », CERED/FORUM, Université Paris X Nanterre, 2001. |
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