L'intégration sous-régionale en CEMAC à l'épreuve de la liberté de circulation des biens et des personnes( Télécharger le fichier original )par Achille SOMMO PENDE Université Catholique d'Afrique Centrale - Master Gouvernance et Politiques Publiques 2010 |
Paragraphe 2. Des dysfonctionnements du mécanisme de financement de la CEMACL'effectivité de la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux tient en grande partie à la réalisation des projets intégrateurs. Il en va de soit que la réussite du processus d'intégration est conditionnée par une source de financement suffisante, pérenne et équitable. Par la mise en place du mécanisme de la TCI, les pays de la CEMAC ont marqué leur ambition de disposer d'un mode de financement adapté à leurs objectifs définis dans le plan de Malabo. Seulement, si le principe de la TCI apparait adéquat, elle n'a pas produit les effets escomptés. Trois principales raisons expliquent ce dysfonctionnement. En premier lieu, il s'avère que le principe de collecte, de prélèvement de la TCI soit inadapté et laisse l'opportunité aux Etats de ne pas s'y conformer. En deuxième lieu, le reversement de la taxe lorsqu'il est effectif, est partiel et tardif. Enfin, l'essentiel de la taxe communautaire est destinée au financement du fonctionnement des organes et institutions spécialisées au détriment des projets intégrateurs. A. Un principe de collecte inadapté Depuis la mise en oeuvre de la taxe communautaire d'intégration en décembre 2000, plusieurs manquements ont été constatés, au niveau des Etats Membres, dans le prélèvement de la TCI. Ceci se traduit par plusieurs phénomènes, notamment :
La TCI constitue un levier pour l'intégration, en pénalisation les importations au profit des échanges intra-communautaires. En ce sens, le mécanisme de la taxe communautaire repose sur un principe essentiel, celui de la richesse et du poids économique de chaque pays, à travers leur PIB. Ainsi, l'équité est à la base du système de prélèvement de la TCI. Cependant ces principes sacrosaints d'équité et de solidarité sont remis en cause du fait des exonérations sur les produits destinés au secteur pétrolier, qui constituent une part prépondérante de l'économie des Etats membres. Cela est d'autant plus important que tous les Etats membres de la CEMAC, au-delà de leur qualité de pays producteurs, sont également de grands importateurs de produits pétroliers du fait de leur incapacité de transformation. Ainsi, la prise en compte de toutes les exonérations sur les importations dans la détermination de la TCI fausse l'esprit d'équité de ce mécanisme de financement, et oblige à des rééquilibrages par des contributions supplémentaires pas toujours évidentes à mettre en oeuvre. A cet effet, le graphique 3 montre que la TCI reversée par certains pays (notamment la Guinée Equatoriale et le Tchad) apparaît relativement faible au regard de leur poids économique, ceci étant dû aux exonérations sur les produits pétroliers et les biens destinés au secteur pétrolier. Graphique 3 : Part relative en pourcentage du PIB de la CEMAC et de la contribution des Etats (2004) Source : Diagnostic organisationnel et institutionnel de la CEMAC février 2006 Performances Management Consulting - ECDPM B. Le reversement partiel et tardif des contributions des Etats membres La difficile mise en oeuvre de la libre circulation en zone CEMAC est également imputable au reversement partiel et tardif par les Etats membres de leurs contributions. Le reversement de la TCI collectée par les Etats, à la commission de la CEMAC, est effectué de manière anachronique et en deçà des prévisions budgétaires. A titre d'illustration, les recettes TCI non reversées à la CEMAC au 30 juin 2006 s'élevaient à 33,9 milliards de FCFA52(*). En réalité, le versement des contributions en retard est devenu la règle. En fait, les régularisations s'effectuent le plus souvent à la veille des sommets afin d'éviter d'éventuelles sanctions et de réaffirmer son « idéal communautaire ». De ce fait, l'essentiel des contributions des Etats membres se fait sous forme de régularisations. La conséquence inéluctable est que l'institution ne dispose pas en temps opportun des ressources nécessaires à son bon fonctionnement, et encore moins au financement des projets intégrateurs. Ainsi, pour les onze premiers mois de l'année 2005, les institutions de la CEMAC ont reçu pour environ 8,2 milliards FCFA de TCI, pour des dépenses budgétisées annuelles de 12,7 milliards FCFA53(*). Quoiqu'il en soit, il faut noter que le leadership non assumé du Cameroun en matière de reversement de la TCI constitue un blocage majeur pour la CEMAC. Sur les 32,8 milliards d'arriérés accumulés de 2002 à octobre 2005, 20 milliards, c'est à dire 61,7% du montant, serait du seul fait du Cameroun. Tous les autres pays de la zone sont dans la même dynamique à l'exception du Congo, pays qui s'avère être le seul respectant scrupuleusement le mécanisme de financement depuis 2002. Ce qui est à indexer est que les arriérés n'ont cessé d'augmenter alors que la CEMAC nourrissait plein d'ambitions par la mise en oeuvre de la première étape du plan d'action de Malabo. D'ailleurs, le graphique 4 montre avec plus de lisibilité, l'ampleur du phénomène. Graphique 4: évolution des arriérés de 2002 à 2005 (en milliards de FCFA)
Source : Audit organisationnel et institutionnel de la CEMAC C. La dotation de l'essentiel des contributions au fonctionnement des institutions La conséquence directe d'un mécanisme de collecte inadapté et du reversement tardif et partiel de la TCI est certainement l'affectation des ressources disponibles au fonctionnement des organes et institutions spécialisées au détriment de l'alimentation du FODEC. Le Secrétariat Exécutif est donc amené à effectuer des versements au fur et a mesure des contributions des Etats, avec des ressources souvent inférieures aux besoins de trésorerie des différentes institutions de la CEMAC. Le Secrétariat Exécutif est ainsi obligé d'effectuer des arbitrages au quotidien sur les actions à maintenir et celles à décaler, ce qui rend extrêmement difficile la mise en oeuvre cohérente du plan d'activité et du budget de la CEMAC. Ces graves dysfonctionnements au niveau du mécanisme de la TCI remettent en cause la raison d'être même de la CEMAC, le seul financement du fonctionnement des institutions ne pouvant être une finalité. A titre de comparaison, le financement des organes et institutions de l'Union Européenne en 2006 ne représentait que 5,4% du budget de l'institution. L'UEMOA étant plus proche de la CEMAC, la comparaison des deux zones peut paraître plus pertinente que celle faite avec l'Union Européenne, pour des raisons de différence d'échelles des bases sur lesquelles sont assis les mécanismes de contribution aux budgets communautaires et surtout de différence de niveau de développement. A l'UEMOA donc, le financement effectif des organes et institutions en 2005 ne représentait que 41% des 50 milliards de F CFA du budget de 2005, 43% étant consacré au fonds de compensation et 17% au Fonds d'Appui à l'Intégration Régionale (FAIR, équivalent du FODEC). Or, la même période, comme précédemment démontré, le reversement de la TCI suffit à peine pour le budget de fonctionnement des institutions de la CEMAC (8,2 milliards FCFA de TCI, pour des dépenses budgétisées annuelles de 12,7 milliards FCFA). Cette deuxième comparaison permet d'avoir une idée du gouffre qui sépare la CEMAC et l'UEMOA en ce qui concerne l'esprit communautaire. De même, elle permet de réaliser l'importance des efforts à faire et du chemin à parcourir en vue d'aboutir à la libre circulation. * 52 Source : diagnostic organisationnel et institutionnel de la CEMAC, op.cit, p. 30. * 53 Idem, p.30. |
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