L'intégration sous-régionale en CEMAC à l'épreuve de la liberté de circulation des biens et des personnes( Télécharger le fichier original )par Achille SOMMO PENDE Université Catholique d'Afrique Centrale - Master Gouvernance et Politiques Publiques 2010 |
Paragraphe 2. La non application des décisions communautairesDepuis l'instauration du traité CEMAC, il est indéniable que le dispositif règlementaire pour la libre circulation au sein de la communauté s'est densifié. En ce sens, l'on ce serait attendu à ce que les résultats soient probants. La réalité en est autre. Contrairement à la période UDEAC, des mesures adéquates, innovantes et nécessaires ont été prises pour mettre en oeuvre la libre circulation. Semblablement à la période UDEAC, ces décisions ne se sont pas appliquer du fait de lacunes institutionnelles. De ce fait, les changements sont peu visibles par les populations. Il en résulte que la non application des décisions communautaires constitue une entrave majeure au processus d'intégration sous-régionale. A. L'infertilité des instruments d'intégration Un conseil extraordinaire des ministres en charge de l'intégration a été organisé en juin 2005 lors de la conférence de Bata, uniquement pour faire le point sur la non application des textes par les Etats Membres. Il en ressort que le champ des décisions non appliquées couvre un large spectre des instruments d'intégration dont se sont dotés les Etats, mettant en péril le processus de mise en oeuvre de la libre circulation. D'ailleurs, dans son rapport bilan de l'année 2004, le Secrétariat Exécutif de la CEMAC (devenu commission), affirme que « Les entorses à l'application des codes et règlements fiscalo-douaniers, les entraves tarifaires et non tarifaires au commerce intra-régional, l'observation insuffisante des règles d'origine et des dispositions communautaires sur la réglementation de la concurrence, constituent des dérives dangereuses qui, si l'on y prend garde, peuvent entraîner l'effondrement de tout l'édifice en construction »49(*). A titre d'illustration l'encadré 07 montre quelques décisions dont la non application au 25 juin 2008, porte un préjudice au processus de mise en oeuvre de la libre circulation. Encadré 4 : Quelques décisions non appliquées ou projets en retard
Source : Secrétariat Exécutif de la CEMAC, Février 2004. L'ampleur de ces décisions communautaires non appliquées ou de manière tardive met en évidence des lacunes dans leur processus d'implémentation. Responsabilité qui incombe à l'organe administratif de l'institution, le secrétariat exécutif devenu commission, mais aussi aux gouvernements des Etats membres de la CEMAC. B. Les carences institutionnelles de la CEMAC La non application des instruments d'intégration est en grande partie due à la défaillance des autorités en charge de les implémenter. De façon concrète, les décisions majeures sont prises à l'occasion des sommets ordinaires (une fois l'an par la conférence des chefs d'Etats) et extraordinaires (en cas d'extrême nécessité et sur demande du tiers de la conférence des chefs d'Etats soit deux présidents) mais le principe de l'immédiateté de la décision communautaire est très peu respecté. A titre d'illustration, l' Acte Additionnel n° 02/01-CEMAC-066-CE-03 portant création d'une Compagnie Communautaire de Transports Aériens en zone CEMAC a été pris en 2001, et jusqu'en janvier 2010, la CEMAC n'a pas pu s'accorder sur la forme juridique de « Air CEMAC », ni sur l'identité du partenaire privé investisseur, ni sur le taux de participation des Etats membres et encore moins sur le siège social de la future entreprise. De même, le Règlement N°9/00/CEMAC-067-CM-04 portant adoption du réseau routier intégrateur et prioritaire de la CEMAC pris en 2000, est pour l'instant demeuré au stade de projet pour la majorité des tronçons routiers. Certes pour ces cas sus évoqués, la mobilisation de l'expertise technique et des moyens financiers conséquents nécessite une certaine marge de manoeuvre. Pourtant, d'autres décisions qui n'exigent pas autant d'investissement mais plus une bonne méthode (étude d'impact, réalisation du projet, suivi et évaluation) et une volonté certaine, sont tout aussi difficiles à s'appliquer. Exemple : la Directive n° 04/07-UEAC-070 U-042-CM-16 de 2007, relative à la création d'un comité de suivi-évaluation des mesures adoptées dans le cadre de la libre circulation en zone CEMAC n'est intervenue que deux ans après l'adoption de la convention sur la libre circulation. En outre d'autres décisions prises semblent inopportunes. Ainsi, a t-on pu assister à la création d'un comité de suivi de la mise en oeuvre du programme régional de facilitation des transports et du transit50(*) en zone CEMAC alors que le transport inter-états est quasi inexistant. Il aurait été plus judicieux de créer d'abord des infrastructures de transport avant de créer un comité en charge de faciliter la circulation des flux. Dans tous les cas, les décisions communautaires prises trouvent très peu d'échos au sein des citoyens de la CEMAC. Le processus de prise de décision est très lent, et l'application y est tardive. C'est dire que le suivi des décisions par le secrétariat exécutif ou la commission est déficient. Il en va surtout de la responsabilité des gouvernements des Etats membres de concrétiser leurs propres volontés en appliquant simplement les actes pris à l'occasion des rencontres communautaires. Au-delà de la mauvaise implémentation du plan d'action de Malabo et de la non application des décisions communautaires qui ont participé à la limitation de la libre circulation, d'autres indicateurs permettent également de relativiser le bilan de la CEMAC, il s'agit en l'occurrence de la faiblesse de l'esprit communautaire. * 49 Performances Management Consulting - ECDPM, op.cit, p. 21. * 50 Décision n°12/06-UEAC-160-CM-14 de juin 2006. |
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