III.1.2 LA CONTINGENCE DES ACTEURS ET LA NOTION DU
SYSTEME:
La réflexion sur l'acteur ne peut se développer
en dehors d'une réflexion sur le << système d'acteurs
empirique ». Firedberg, rejette le postulat du <<
déterminisme » qui connote la notion du système, en arguant
que le système, lui-même a une dimension heuristique : << le
système reste une coquille vide qui reste à remplir et à
spécifier » [Friedberg: 1997 : 235]. L'acteur et le système
sont co-constitutifs, ils se structurent et se restructurent mutuellement.
20 Cité par Friedberg [1997], J-D Reynaud [1997],
A.Bourdin [2000] et Le Galès et Lascoumes [2007].
21 «C'est à dire structuration de la situation ou
de l'espace d'action considéré en termes d'acteurs, d'enjeux,
d'interêts, de jeux et de règles du jeu qui donnent sens et
cohérence à ce vécu.»[Friedberg: 1997: 304]
Les acteurs sont contingents [Idem : 229]. Il importe
alors d'insister sur la contextualisation des acteurs. Car c'est le champ
d'action qui leur permet de développer leurs rationalités. Dans
cette perspective, l'action collective peut être saisie comme le
produit d'un ensemble de jeux [La figure de jeu entendue dans son sens
heuristique] articulés en un système englobant qui peut
lui-même se comprendre comme un « méta-jeu
», intégrant au premier et au second degré
tous les jeux opérationnels [Idem : 237]. Le système selon
cette optique nous permet de penser que les conditions de stabilité,
comme d'instabilité du projet urbain sont affectées par cet
ensemble de jeux et restent par conséquent << incertaines
>>.
III.1.3 LE POUVOIR COMME CAPACITE D'ACTION :
Le pouvoir n'existe pas en soi. Il s'établit entre deux
parties qui se positionnent au moins temporairement dans une structure
organisée. Le pouvoir peut alors se définir comme relation et
comme processus [M.Crozier : 1976 :33]. La création-entretien de
cette relation de pouvoir s'appuie sur la légitimité, qui quant
à elle, se déploie sur deux axes: (i) le vocabulaire
exploité : << Le pouvoir d'agir dépend dans une grande
mesure du vocabulaire dont nous disposons ainsi que de la manière plus
ou moins opportune dont nous savons le faire fructifier »
[Clément Rosset, cité par Guy Di Méo : 2000]. Ce
vocabulaire trouve toute sa pertinence s'il est soustrait du
<<lieu>> saisi dans sa valeur patrimoniale. Car le lieu est un
symbole, une figure de rhétorique du territoire [B. Debarbieux,
cité par M.Lussault :2000]. (ii) Le réseau relationnel
tissé en vu d'atteindre l'objectif conçu par le groupe. J-D
Reynaud fusionne ces deux points dans la notion de << l'efficacité
>> du projet de renouvellement en question.
D'une façon opérationnelle, le pouvoir
s'installe dans << la sphère des incertitudes>> qui texture
la réalisation du projet urbain. Selon ce point de vue, le pouvoir d'un
acteur se définit comme le rapport de contrôle exercé
sur une source d'incertitude pouvant affecter la poursuite des objectifs de
l'organisation [M.Crozier :1976 :36]. C'est ce que Friedberg appelle
<< la capacité d'action >>, qui, elle, s'établit en
deux temps [Idem : 38]: (i) La négociation, qui peut prendre une allure
de lutte, s'installe pour poser les jalons << d'échange >>.
(ii) La règle intervient comme cristallisation de ce rapport de pouvoir
et le résultat de négociation. Cela doit nous permettre de lire
le jeu de pouvoir dans les modifications des règles. Le recours à
la règle s'explique par ses << fonctions latentes >>. On en
distingue cinq [Friedberg: 1997 :72] : (i) La règle permet le
contrôle à distance. (ii) Elle constitue un écran et une
protection en réduisant les relations interpersonnelles. (iii) Elle
restreint l'arbitraire du supérieur et légitime la sanction. (iv)
Elle rend possible l'apathie, c'est-à-dire un comportement de retrait
qui se
contente d'appliquer les règles. (v) Elle permet par
là le marchandage avec la hiérarchie. Dans cette perspective, le
pouvoir peut et doit être défini comme la capacité d'un
acteur à structurer des processus << d'échange » plus
ou moins durable en sa faveur, en exploitant les contraintes et
opportunités de la situation pour imposer les termes de l'échange
favorable à ses intérêts [Friedberg: 1997 : 128]. Selon le
vocabulaire de Jean-Daniel Reynaud, ce processus interactionnel menant à
la règle s'appelle : << la regulation
». Il propose la théorie de la régulation
sociale qui complète l'approche organisationnelle de Friedberg.
|