III. L'action collective: Fabrique de la
'grammaire du possible'
Nous avons vu à travers l'analyse de la Re-production
du local, que ce dernier semble résister à une vision de
territoire voulant lui conférer un usage et une occupation <<
institutionnalisés >> pour qu'il y ait une possibilité
<< d'échange >> avec la hiérarchie (la
continuité de flux de réseaux entre les différents lieux
qui composent le territoire). Dans notre cas, c'est-à-dire les quartiers
historiques à forte valeur patrimoniale, la résistance
portée par les habitants du lieu même tend à
détourner le processus de territorialisation à leur profit en
créant ce que Lascoumes et Le Galès [2007] appellent << la
grammaire du possible >>. Il s'agit donc plutôt de deux efforts de
régulation, l'un global, et l'autre local. Pour comprendre << les
mécanismes d'anticipation et de stabilité>> de projet
urbain et situer l'habitant-acteur dans la chaine des rôles, nous avons
étudié l'action collective en se basant sur les conclusions de
l'école française de la sociologie de l'action, à savoir,
M.Crozier et son disciple Friedberg, et J-D Reynaud19.
III.1 PRINCIPE D'ANALYSE DE L'ACTION COLLECTIVE:
D'après Friedberg et J-D Reynaud les principes
d'analyse de l'action collective peuvent être cernés entre
rationalité des acteurs, la contingence et le pouvoir comme
capacité d'action. Cette grille d'analyse doit nous permettre l'analyse
des différentes actions des acteurs dans la dynamique du renouvellement
urbain d'un quartier historique. Sociologiquement, l'action se définit
comme la mise en oeuvre de moyens pour réaliser un objectif
[A.Bourdin :2000 :162]. Elle trouve son effet entre le geste de
<<qualifier>> le contexte, à travers une
descriptioninterprétation, et <<justifier>> par la suite la
prise de position prônée par l'acteur [M.Lussault: 2000].
L'individu contemporain construit librement son être social, mais c'est
bien cette liberté qui provoque chez lui une <<
anxiété >> qu'il tend à la limiter en cherchant
<< la similitude>> et << l'entre-soi >>, ce qui va
donner à l'action une dimension collective et qui se traduit
concrètement par le retour du << mythe communautaire
>> dit Z.Bauman [2006].
19 Bien qu'on connait A.Tourraine et Boudon et qui ont
été cités maintes fois par plusieurs auteurs.
III.1.1 LA RATIONALITE ET LA NOTION DE LA RATIONALITE
LIMITEE DES ACTEURS :
Les pouvoirs publics cherchent << le minimum-optimum
», en maximisant leur efficience (économique) et en
réduisant leurs compétences [Le Galès et Lascoumes : 2007
:30]. Tandis que l'habitant-acteur n'obéit que très
imparfaitement à la rationalité du marché. En bref, le
besoin de rationalité dépend de << l'intérêt
» de l'acteur en question ainsi que de sa position dans le système.
Aussi, chaque acteur agit selon sa propre rationalité, car chacun d'eux
a son propre registre de préférences qui, comme l'a
déjà démontré H.Simon20 en 1957, ces
préférences ne sont pas stables dans le temps. Ce qui veut dire
que la rationalité des acteurs est << limitée ». Simon
étaye cette conclusion en arguant que l'information d'un acteur est
toujours incomplète, et d'autre part, aucun acteur n'est capable
d'optimiser ses solutions, vu que la complexité des processus mentaux
dépasse, et de beaucoup, les capacités de traitements des
informations et de raisonnement de l'être humain. Nous pouvons conclure
que l'acteur n'optimise pas, il se contente d'une solution <<
satisfaisante ». Et que l'action est qualifiée de rationnelle
pourvu qu'elle ait tout juste un sens qui soit communicable hors de la
communauté qui l'a crée et à laquelle il était
destiné [J-D Reynaud : 1997 : 316]. Il importe alors de souligner
la portée heuristique de la notion de << préférence
» qui dépend tout naturellement de l'apprentissage qui
découle du processus même de territorialisation qui permet
à l'acteur d'enrichir progressivement le sens du comportement «
utilitariste » [...] médiatisé par les contraintes
particulières du contexte [Friedberg: 1997 : 228-229]. Friedberg,
conforte son raisonnement en disant que : << ils [les acteurs] n'existent
pas indépendamment du contexte d'action dans lequel ils jouent et dont
la structuration21 conditionne leurs rationalités et leurs
actions tout en étant façonnée en retour par
elle-même » [idem : 229-230]. Cela nous pousse à
porter plus d'attention sur les relations de l'acteur dans sa quête de
solution aux contraintes posées par le contexte.
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