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Les droits communautaires des procédures collectives dans l'espace OHADA

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par Dieynaba Sakho
Université Gaston Berger de Saint Louis, Sénégal - DEA 2008
  

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CHAPITRE I/ L'existence d'un droit commun des procédures collectives dans l'espace OHADA

Au sein de l'espace OHADA, les sources du droit des procédures collectives ne présentent aucune hiérarchie entre elles. De plus, il est difficile de camper les règles de droit des procédures collectives dans le domaine du droit commun ou du droit spécial. Toutefois, la doctrine31(*) s'est ingéniée à reconnaître que les dispositions de l'OHADA constituent le droit commun des procédures collectives en raison de son domaine d'application (Section 1) et de son contenu (Section 2).

SECTION 1/ Le domaine d'application du droit OHADA des procédures collectives

De façon générale, on reconnaît que le droit OHADA constitue le droit commun des affaires au sein de l'espace OHADA. Ce droit se caractérise par la généralité de son domaine d'intervention et du contenu des dispositions. A ce propos, on note que le droit des procédures collectives OHADA s'applique, non seulement, au sein de l'espace OHADA (paragraphe 1) mais s'étend aussi en dehors des limites de son espace (paragraphe 2)

Paragraphe 1/ L'application du droit OHADA aux sociétés commerciales

Le droit OHADA des procédures collectives s'applique aux sociétés commerciales de l'espace OHADA. Ces sociétés commerciales (A) sont déterminées par les textes de l'OHADA et doivent remplir un certain nombre de conditions pour se voir appliquer ce droit (B).

A- Les sociétés commerciales de l'espace OHADA

Il ne s'agira pas uniquement des sociétés régies par les textes OHADA. En effet, toutes les sociétés se trouvant dans la l'espace OHADA sont susceptibles d'être soumises au droit OHADA. On distinguera ainsi les sociétés commerciales du droit OHADA (1) et les sociétés des autres espaces juridiques (2).

1- Les sociétés commerciales du droit OHADA

La commercialité d'une société en droit OHADA dépend soit de sa forme, ou de son objet (a). En outre les sociétés commerciales de l'espace OHADA obéissent à une structuration bien définie (b).

a- La commercialité par l'objet ou la forme

L'acte uniforme a réalisé des progrès au sujet de la notion de commercialité par la forme32(*). En effet, l'acte uniforme sur les sociétés commerciales donne une liste définitive de sociétés qui, quelle que soit la nature de leur activité, sont commerciales par la forme. Selon l'article 6 de l' AUSCGIE, "Le caractère commercial d'une société est déterminé par sa forme ou son objet. Sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes". Qu'en est-il de la commercialité par l'objet? Certes la loi définit l'objet de la société comme l'activité qu'elle entreprend et qui doit être déterminée et décrite dans les statuts. Cependant, l'acte uniforme sur les sociétés commerciales ne donne aucune indication au sujet de la commercialité par l'objet. Sans doute faudra-t-il se référer à l'acte uniforme portant droit commercial général qui suppose l'accomplissement d'actes de commerce à titre de profession habituelle33(*).

On mesure, en effet, l'importance pratique de la règle ainsi que la simplicité qu'elle apporte à l'analyse juridique si on considère le nombre élevé des entreprises qui fonctionnent sous l'une ou l'autre forme consacrée par le législateur OHADA des sociétés commerciales. Toutes les opérations accomplies par une société commerciale par la forme sont elles-mêmes commerciales par l'application du critère de l'accessoire même lorsque l'activité est civile. Malgré les critiques formulées par la jurisprudence34(*) ou la doctrine française35(*) à l'égard de cette solution, le législateur OHADA n'en a pas tenu compte. Il a plutôt préféré se ranger derrière l'idée défendue par une partie de la doctrine36(*) de l'accessoire commercial objectif37(*).

Les entreprises publiques ayant la forme d'une personne morale de droit privé38(*) sont elles aussi soumises aux procédures collectives. Avant l'avènement de l'acte uniforme, une procédure dérogatoire de droit commun avait été spécialement conçue pour ces entreprises. Il s'agissait des sociétés nationales et des sociétés d'économie mixte. Elles étaient créées par une loi39(*) et c'est la loi qui devait procéder à leur liquidation. Il n'y avait pas de procédure spécifique de redressement et c'est l'Etat qui venait en garantie pour faire face au passif consécutif à l'activité de ces entreprises. L'acte uniforme vient harmoniser les procédures de redressement et de liquidation de ces personnes morales car elles ont la même activité et revêtent la même forme que les personnes morales de droit privé.

b- La structuration des sociétés commerciales de l'espace OHADA

La société commerciale, telle que conçue par l'AUSCGIE, est créée de deux manières: elle peut résulter d'un acte unilatéral ou d'un contrat. En effet l'article 4 de l'AUSCGIE dispose: "la société commerciale est créée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d'affecter à une activité des biens en numéraire ou en nature, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter...". De même, selon les dispositions de l'article 5 du même acte uniforme, "la société commerciale peut être également créée... par une seule personne dénommée associé unique par un acte écrit".

L'exercice des droits dont jouit la société suppose une volonté qui se charge de les mettre en oeuvre. La personne morale est donc représentée par des organes, les dirigeants.

Pour les sociétés en nom collectif, le fonctionnement est assuré par un ou plusieurs gérants nommés dans les statuts (gérant statutaire) ou par un acte ultérieur40(*). Sans stipulation des statuts, tous les associés sont gérants. Les associés ont un droit de communication et d'information. Ils prennent leurs décisions en assemblée générale et peuvent difficilement sortir de la société dans la mesure où l'intuitu personae41(*) demeure le fondement de l'existence de la société en nom collectif.

La gérance au niveau des sociétés à responsabilité limitée est assurée par un ou plusieurs gérants, associé ou non. Ces gérants sont nommés par les associés dans les statuts ou dans un acte ultérieur. Comme dans toute sociétés, les associés on un droit de communication permanent. Ils participent aux assemblées, engagent leur responsabilité en cas de dette et peuvent décider de quitter la société. Il existe deux types d'assemblée: l'assemblée générale ordinaire annuelle qui doit se tenir dans les six mois qui suivent la clôture de l'exercice et l'assemblée générale extraordinaire. Celle-ci concerne toutes les décisions importantes qui doivent être prises à une forte majorité.

Au niveau des sociétés en commandite simple, la gérance est assurée par tous les associés commandités sauf stipulation contraire des statuts qui peuvent désigner un ou plusieurs gérants parmi les associés commandités. L'associé ou les associés commanditaires ne peuvent faire aucun acte de gestion externe, même en vertu d'une procuration.

L'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales a apporté une innovation à l'administration et à la direction de la société anonyme. Désormais deux possibilités sont offertes aux actionnaires: la SA avec conseil d'administration ou la SA avec administrateur général. La société anonyme avec conseil d'administration est dirigée soit par un président directeur général, soit par un président du conseil d'administration et un directeur général. Pour les sociétés anonymes comprenant un nombre d'actionnaires égal ou inférieur à trois, elles ont la faculté de ne pas constituer un conseil d'administration et peuvent juste désigner un administrateur général qui assume les fonctions d'administration et de direction de la société.

Dans les rapports avec les tiers, le principe est que les dirigeants peuvent accomplir tous les actes que la loi ne réserve pas à la compétence des assemblées générales d'associés. Sur cette base, les gérants assurent la gestion courante de la société. Dans les rapports avec les associés, les statuts peuvent valablement limiter les pouvoirs légaux de gestion des dirigeants.

2- Les sociétés commerciales des autres espaces juridiques

Les sociétés commerciales des autres espaces juridiques sont essentiellement les sociétés de banque (a) et les sociétés d'assurance (b).

a- Les sociétés de banque et les établissements financiers

Les sociétés commerciales en la forme au sein de l'espace OHADA sont: la société anonyme, la société à responsabilité limitée, la société en commandite simple et la société en nom collectif. L'acte uniforme sur les sociétés commerciales vient unifier sur ce point le régime des sociétés commerciales de personnes et des sociétés commerciales de capitaux. Ces quatre types de sociétés restent commerciales, quelle que soit la nature de leur objet42(*). Ces mêmes sociétés sont assujetties au droit des procédures collectives. Cette position de l'acte uniforme suppose que toute société constituée sous l'une de ces formes est passible de tomber sous le champ d'application du droit des procédures collectives. Qu'en est -il des sociétés de banque pourtant régies par les textes de l'UEMOA?

Aux termes de l'article 31 de la loi n°2008-26 du 28 juillet 2008 portant réglementation bancaire, "les banques sont constituées sous forme de sociétés anonymes à capital fixe ou, par autorisation spéciale du ministre des finances donnée après avis conforme de la commission bancaire, sous la forme de sociétés coopératives ou mutualistes à capital variable..." De même l'article 32 de la même loi dispose: "les établissements financiers à caractère bancaire sont constitués sous forme de sociétés anonymes à capital fixe, de sociétés à responsabilité limitée ou de sociétés coopératives ou mutualistes à capital variable".

L'ensemble de ces dispositions s'accordent avec l'article 25 de la loi-cadre portant réglementation bancaire de l'UEMOA. En effet, aux termes de l'article 20 de cette loi-cadre, "les banques doivent être constituées sous forme de sociétés. Elles peuvent exceptionnellement revêtir la forme d'autres personnes morales. Celles qui ont leur siège en ( )43(*) doivent être constituées sous forme de sociétés anonymes à capital fixe ou, par autorisation spéciale du ministère des finances donnée après avis conforme de la commission bancaire, sous forme de sociétés coopératives ou mutualistes à capital variable".

Il ressort de toutes ces dispositions que les banques revêtent presque toujours la forme de personne morale de droit privé et plus précisément de sociétés commerciales en la forme. Or selon les dispositions de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, les personnes morales de droit privé sont assujetties au droit des procédures collectives. Les sociétés de banque sont-elles alors soumises au droit OHADA? La réponse en a été donnée par la Cour commune de justice et d'arbitrage44(*) de l'ohada dans un avis rendu le 26 avril 200045(*). Interrogée sur l'applicabilité aux banques et établissements financiers des dispositions de l'article 449 de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales et GIE, la Cour a axé son avis sur des considérations relatives à l'acte uniforme en question et les conséquences et dérogations qui s'y rattachaient. En effet, la Cour a estimé: "Les dispositions de l'acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et GIE étant d'ordre public46(*) et s'appliquant à toutes les sociétés commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, l'article 449 dudit acte uniforme s'applique aux banques et aux établissements financiers entrant dans cette détermination juridique. Les seules dérogations admises sont celles prévues par l'acte uniforme lui-même qui renvoie à cet égard aux dispositions législatives nationales auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un régime particulier". Toutefois ni les actes uniformes ni la CCJA ne donnent une définition de la notion de "régime particulier". Aucune indication ne permet de donner une signification à cette notion. Si on s'attache à préciser le sens de régime, ce ne sera que pour en rappeler la définition classique. Un régime est défini par l'ensemble des règles de droits qui régissent une situation juridique. Mais quid du mot "particulier"? Il est vrai que lorsqu'une situation présente des spécificités, il est de coutume de la soumettre à un régime dérogatoire du droit commun. Mais à quelle condition une société présente-elle cette singularité qui justifie sa soumission à un régime particulier? Cette particularité tient-elle à la forme ou à l'objet? De toute évidence la forme ne peut en aucune manière être à l'origine de la spécificité dans la mesure ou l'article 6 de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales indique avec précision les sociétés commerciales en la forme et ce, quel que soit leur objet. C'est qu'au titre de la forme, toutes les sociétés sont logées à la même enseigne. Seulement, la commercialité d'une société ne s'établit pas du seul fait de sa forme. En fait, le caractère commercial d'une société est également déterminé par son objet. Et c'est là, peut-être, que prennent racine toutes les complications.

L'incertitude de l'application du droit OHADA aux sociétés commerciales ne concerne pas qu'uniquement les banques. Le problème demeure le même pour les sociétés d'assurance.

b- Les sociétés d'assurance

Les sources du droit des assurances sont aujourd'hui multiples et complexes. L'abondance de textes particuliers et des pratiques en la matière donne au droit des assurances la physionomie d'une véritable branche spécifique, étudiée dans des instituts spécialisés.

Selon l'article 301 du code CIMA "toute entreprise d'assurance d'un Etat membre mentionnée à l'article 300 doit être constituée sous forme de société anonyme ou de société d'assurance mutuelle. Toutefois une société d"assurance ne peut se constituer sous la forme d'une société anonyme unipersonnelle". Toutes les entreprises d'assurance, quelles que soient leur forme et les opérations d'assurance47(*) auxquelles elles se livrent, "sont soumises à un régime commun" (livre III: articles 300 à 329-2) qu'il s'agisse de leur constitution, de leur fonctionnement ou de leur liquidation.

Les entreprises d'assurance sont constituées sous la forme de sociétés commerciales au sens de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales et GIE. Sont-elles alors soumises au droit OHADA?

L'article 325 du code CIMA dispose que la faillite d'une société d'assurance ne peut être prononcée à l'égard d'une entreprise assujettie aux dispositions du livre III traitant des entreprises d'assurance qu'à la requête de la commission de contrôle des assurances ou avec son accord. Un arrêt de la Cour d'Appel de Dakar48(*) fait état de la question à propos de la liquidation de la Nationale d'assurance dont l'agrément venait d'être retiré; l'arrêt reconnaît des poursuites individuelles et l'application de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif alors qu'on aurait pu penser le contraire.

Le code CIMA règlemente les entreprises d'assurance selon la forme particulière en laquelle elles sont constituées (livre III): sociétés anonymes d'assurance et de capitalisation (articles 329-3 à 329-7), sociétés d'assurance mutuelle (articles 330 à 330-48), sociétés de réassurance mutuelle (article 330-40) ou société tontinière (articles 331 à 331-13).

La CCJA ne donne aucune indication quant à l'applicabilité du droit OHADA aux sociétés d'assurance; mais étant donné que le droit OHADA est considéré comme le droit commun des affaires, il s'applique sous réserve de dispositions dérogatoires. En outre, les dispositions OHADA étant plus récentes, elles s'appliquent en vertu de la prévalence de la loi nouvelle.

Les sociétés soumises à un régime particulier correspondent à celles qui exercent une activité réglementée. Ces sociétés réglementées sont parfois celles qui jouent un rôle moteur dans les économies. Il s'agit des banques et des sociétés d'assurance. Or, si celles-ci échappent à l'uniformisation, les tentatives d'ériger un espace commun doté d'un droit des affaires harmonisé, simple, moderne et adapté à la situation des entreprises sont compromises.

B- La situation économique et financière des sociétés commerciales

L'ouverture des procédures collectives nécessite la réunion de plusieurs conditions dont la plus importante est la situation économique et financière de la société. A ce titre, il faudra distinguer les sociétés en situation financière difficile (1) et les sociétés en cessation des paiements (2).

1- Les sociétés en situation financière difficile

Il s'agira de déterminer la nature des difficultés financières (a) et de présenter les solutions envisagées par l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives (b).

a- La nature des difficultés financières

L'ouverture du règlement préventif est conditionnée à l'existence d'une situation économique et financière difficile. A priori, le débiteur ne doit pas être en situation de cessation des paiements. Les difficultés financières ne peuvent en aucun cas être assimilées à la cessation des paiements. L'acte uniforme portant organisation des procédures collectives précise que la situation du débiteur ne doit pas être irrémédiablement compromise49(*).

La situation financière difficile non irrémédiablement compromise est une notion juridico-économique, qui correspond au constat de la non cessation des paiements et à celui du maintien des chances de redressement. Elle est la conséquence en général, de mauvais résultats d'exploitation se traduisant par un endettement lourd, des fonds propres très faibles, un fonds de roulement détérioré, une politique d'investissement mal contrôlée, le financement d'immobilisations par des fonds à court terme, un environnement économique défavorable, des facteurs accidentels ou imprévus...Il faut juste que ces difficultés fassent craindre le dépôt de bilan. A la différence de la cessation des paiements, il n'existe pas encore de manifestations dangereuses telles que l'arrêt matériel des paiements, des protêts, et le crédit est encore conservé par l'entreprise auprès de ses banques et de ses fournisseurs. Cette situation de fait, encore plus insaisissable que la cessation des paiements, n'est définie que négativement par rapport à elle ; l'entreprise se trouve ainsi menacée à court terme du point de vue financier.

La notion de situation économique non irrémédiablement compromise est une formule reprise de l'ordonnance de 1967 en France sur la suspension des poursuites individuelles contre le débiteur en situation économique financière difficile. Elle impose au juge une casuistique qui, finalement a amené certains auteurs à considérer qu'entre la cessation des paiements et la situation financière difficile mais non irrémédiablement compromise, il n'y a pas de différence de nature mais juste de degré50(*).

b- Les solutions envisagées par le droit OHADA des procédures collectives

L'une des originalités de l'AUPC est le règlement préventif qui permet d'éviter la cessation des paiements et d'apurer le passif au moyen d'un concordat préventif. En effet, l'article 2 alinéa 1 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif dispose: "Le règlement préventif est une procédure destinée à éviter la cessation des paiements ou la cessation d'activité de l'entreprise et à permettre l'apurement du passif au moyen d'un concordat préventif".

L'initiative du règlement préventif provient du débiteur qui dépose une requête au greffe du tribunal régional. Cette requête doit contenir la situation économique et financière de l'entreprise ainsi que les perspectives de redressement. Elle doit également contenir les créances pour lesquelles le débiteur sollicite la suspension des poursuites individuelles. L'article 6 de l'AUPC énumère les documents qui doivent être déposés en même temps que la requête.

La requête est transmise sans délai au président du tribunal qui prend certaines décisions attachées au dépôt de la requête. En premier lieu il s'agit de la suspension des poursuites individuelles aussi bien à l'encontre du débiteur que de ses créanciers. En second lieu, il y a la désignation d'un expert qui fait un rapport sur la situation économique et financière du débiteur. Enfin il est interdit au débiteur d'accomplir certains actes.

Lors du dépôt de la requête ou au plus tard dans les 30 jours qui suivent ce dépôt, le débiteur fait une proposition de concordat à ses créanciers. La proposition de concordat doit contenir toute mesure que le débiteur jugera utile pour le redressement de l'entreprise et l'apurement du passif. Le concordat doit être écrit et homologué par le juge après avis d'expert. Cependant, e juge n'est pas obligé d'homologuer. Il peut constater la cessation des paiements et prononcer soit le redressement judiciaire ou la liquidation. Il n'est pas obligé de suivre l'avis de l'expert.

Le concordat homologué devient obligatoire pour les créanciers. Mais ce concordat produit également des effets à l'égard du débiteur. Les créanciers ayant consenti délais et remises sont soumis aux stipulations concordataires. Le juge peut rendre obligatoire le concordat aux créanciers ayant refusé délais et remises. Cette faculté a pour seule limite de ne pas mettre en péril l'entreprise des créanciers et les délais imposés ne doivent pas dépasser deux ans, et un an pour les créanciers de salaires. Le débiteur est tenu dans les termes du concordat. Il bénéficie de la réduction de ses dettes. La date d'exigibilité des créances est différée de façon à lui permettre de faire face çà ses obligations échues. Il retrouve la liberté d'administration sur ses biens. L'homologation du concordat le remet entièrement à la tête de ses affaires.

2- Les sociétés en cessation des paiements

L'ouverture d'une procédure collective n'est pas seulement liée à l'existence d'une situation financière difficile. Dans certains cas, cette situation financière difficile aboutit à une véritable cessation des paiements.

a- La notion de cessation des paiements

L'importance de la notion de cessation des paiements réside en ce qu'elle a constitué pendant longtemps le seul facteur déclenchant des procédures collectives. Le législateur africain des procédures collectives d'apurement du passif OHADA du 1er janvier 1999 reprend la même solution tout en étendant son application à des situations résultant principalement des difficultés de trésorerie et d'un non respect des grands équilibres du bilan.

L'article 25 de l'AUPC dispose ainsi: "le débiteur qui est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible est en état de cessation des paiements". Cette définition résulte d'une longue évolution jurisprudentielle51(*). En adoptant cette qualification du fait juridique que constitue la cessation des paiements, le législateur OHADA fait prévaloir une conception économique et financière sur celle strictement juridique qui existait jusqu'alors52(*).

Pendant longtemps a prévalu une conception dualiste de la cessation des paiements distinguant :

- la cessation des paiements ouverte qui se traduit par l'arrêt matériel du service de caisse, autrement dit le non-paiement d'une ou de plusieurs dettes certaines, liquides, exigibles, de nature commerciale ou civile, et qui sert à ouvrir la procédure ;

- la cessation des paiements déguisée qui se traduit par l'utilisation de moyens frauduleux, ruineux ou factices, en d'autres termes la gêne financière, et qui sert à reporter dans le temps la cessation des paiements53(*).

Théoriquement, la cessation des paiements est différente de l'insolvabilité, caractérisée, elle, par le fait que l'actif total est inférieur au passif total. Dans les faits cependant, il arrive fréquemment que la cessation des paiements recouvre une véritable insolvabilité, ce qui rend difficile et même impossible le redressement de l'entreprise et le paiement des créanciers. D'une manière générale, l'on peut estimer que la cessation des paiements, même lorsqu'elle ne recouvre pas une véritable insolvabilité, correspond à une situation qui est irrémédiablement compromise54(*). De ce fait, le redressement de l'entreprise est rendu très difficile, voire impossible, et les créanciers ont très peu de chance de recevoir un paiement substantiel.

b- L'adaptation de la notion de cessation des paiements aux banques et aux sociétés d'assurance

Selon l'article 25 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, "le débiteur qui est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible doit faire une déclaration de cessation des paiements...". La cessation des paiements est donc le fait pour le débiteur de ne pouvoir honorer ses dettes exigibles avec toutes les disponibilités qu'il a.

Pour les sociétés commerciales du droit OHADA, c'est le plus souvent une étude du bilan qui permet de constater l'état de cessation des paiements.

Peut-on associer aux sociétés de banque, la même définition de l'état de cessation des paiements donnée par l'acte uniforme? Bien qu'étant des sociétés commerciales, ces dernières obéissent à une réglementation particulière. A ce titre, l'article 86 de la loi 2008-26 du 28 juillet 2008 portant réglementation bancaire dispose: "Nonobstant les dispositions de l'article 25 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, sont en état de cessation des paiements, les établissements de crédit qui ne sont pas en mesure d'assurer leurs paiements immédiatement ou à terme rapproché". Selon le Pr. Bonneau, "le paiement immédiat consiste en la capacité pour une banque, de rembourser les dépôts à vue. Le paiement à terme rapproché concerne le remboursement d'une épargne à court terme, comme le livret A ou le compte d'épargne".55(*)

Le problème résulte de la spécificité de l'institution bancaire régie par les dispositions de l'UEMOA qui définissent des critères particuliers destinés à surveiller la bonne santé des établissements bancaires afin de protéger les intérêts des déposants et des tiers ainsi que le bon fonctionnement du système bancaire. En effet, il existe au sein des dispositions UEMOA des ratios et des normes prudentielles visant essentiellement à assurer la liquidité et la solvabilité des banques. Ces ratios devraient constituer des indicateurs avancés de la situation financière des établissements assujettis à leur respect56(*).

La loi-cadre portant réglementation bancaire au sein de l'UEMOA, de même que la loi bancaire de 2008 ont défini le pouvoir de contrôle de la Commission bancaire qui est non seulement chargée de vérifier le respect des ratios prudentiels, mais aussi les conditions d'exploitation ainsi que la situation financière des établissements de crédit. Cependant, ces établissements sont souvent tentés de dissimuler leur situation, la cessation des paiements devient difficile à constater.

L'examen de la doctrine57(*) permet d'avancer qu'il existe deux thèses en présence pour définir la cessation des paiements des banques. La première repose sur le refinancement de l'établissement. Selon cette thèse, il ne peut y avoir de cessation des paiements tant que l'établissement est en mesure de se refinancer sur le marché interbancaire. La seconde qui défend le non respect des rations prudentiels estime que le refinancement dont bénéficie l'établissement de crédit ne doit pas être irrégulier; or, il l'est dès lors qu'un seul des ratios n'est plus respecté et que cette situation a été dissimulée à la commission bancaire58(*).

La définition de la cessation des paiements donnée par l'article 25 de l'AUPC est difficile à appliquer aux sociétés de banque. En effet, cette définition prend en compte des éléments du bilan alors que le bilan d'une banque ne traduit souvent qu'une partie des activités bancaires puisqu'il faut y ajouter les opérations hors bilan qui sont souvent des opérations de service financier non liées à des crédits, des opérations de crédit contingent telles que l'octroi de garantie ou encore des contrats sur taux d'intérêt ou taux de change.

Le non respect de la réglementation prudentielle par un établissement de crédit peut être considéré comme une condition nécessaire mais pas suffisante pour qualifier l'état de cessation des paiements. Elle est à rapprocher de la définition de l'article 25 AUPC en tant que notion relative à la trésorerie de l'entreprise et à l'insuffisance de l'actif disponible pour faire face au passif exigible.

Concernant les entreprises d'assurance, l'article 335 alinéa 1 du code CIMA dispose: "Les engagements réglementés tels que définis à l'article 334 doivent, à toute époque, être représentés par des actifs équivalents, placés et localisés sur le territoire de l'Etat membre sur lequel les risques ont été souscrits". De même l'article 337 énonce que toute entreprise soumise au contrôle en vertu de l'article 300 doit justifier d'une marge de solvabilité relative à l'ensemble de ses activités. C'est dire que la solidité et la solvabilité d'une compagnie d'assurance peuvent être mesurées à l'aide de ratios. Elles font également l'objet d'une appréciation globale en principe en temps réel pour les divers acteurs du marché de l'assurance sous forme de notation par des agences spécialisées, qui s'appuient sur les mêmes types de ratios que ceux évoqués plus haut, mais également sur une analyse plus large, prenant en compte le contexte économique, la stratégie et la gestion, les résultats techniques, la capitalisation boursière, la liquidité des titres, la flexibilité financière.

* 31 V. J. ISSA-SAYEGH, » Quelques aspects techniques de l'intégration juridique: l'exemple des actes uniformes de l'OHADA » in Revue de droit uniforme, 1999-1, p.5

* 32 V. Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, JO OHADA n° 2 du 1er octobre 1997, p. 1 et s.

* 33 V. articles 2 et 3 de l'acte uniforme relatif au droit commercial général, JO OHADA n° 1 du 1er octobre 1997, p.1et s

* 34 V. com. 31 janvier 1961, Bull.Civ. III, n° 55, p.48 qui refuse à des sociétés de forme commerciale qui exploitaient une activité civile d'agriculture le statut des baux commerciaux.

* 35 V. W. JEAN-DIDIER, « L'imparfaite commercialité des sociétés à l'objet civil et à forme commerciale » in Dalloz 1979, chron. p. 7

V. A. DEKEUWER, « Le problème des rapports entre la forme et l'objet des sociétés » JCP, éd. CI, 1977, II, 12392

J. NGEBOU, Le droit commercial général dans l'acte uniforme OHADA, coll. Droit uniforme, PUA, 1998, p. 18

* 36 V. F. DEKEUWER DEFOSSEZ, Droit commercial, 4ème édition, Montchrestien 2002, p. 64

* 37 D'après cette doctrine, il faudrait considérer toutes les hypothèses dans lesquelles le caractère commercial est conféré à l'obligation soit par son objet soit parce qu'elle est accessoire à une opération commerciale. Ainsi en est-il des opérations relatives à une société commerciale et de celles relatives à un fond de commerce.

* 38 Il s'agit essentiellement des sociétés nationales et des sociétés d'économie mixte

* 39 Il s'agit de la loi 84-64 du 16 août 1984 fixant les modalités de la liquidation des établissements publics, des sociétés nationales, des sociétés d'économie mixte, JORS du 1er septembre 1984, p. 590 et s.

* 40 V. article 276 de l"acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique

* 41La considération de la personne

* 42 V. article 6 alinéa 2 de l'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique

* 43 Mention de l'Etat membre

* 44 La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) de l'OHADA est une des quatre institutions prévues à l'article 3 du traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires, les trois autres étant le Conseil des Ministres, le secrétariat permanent, et l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature. La CCJA assure dans les Etats parties l'interprétation et l'application commune du traité, des règlements pris pour son application et des actes uniformes. En matière juridictionnelle, la CCJA intervient désormais en lieu et place des Cours de cassation ou des cours suprêmes nationales. Elle est également compétente pour statuer sur le recours en annulation prévu à l'article 18 du traité OHADA. Parmi ses attributions non juridictionnelles, la cour exerce un rôle consultatif et intervient en matière arbitrale.

* 45Avis n° 02/2000 EP de la CCJA du 26 avril 2000

* 46 Selon l'article 2 de l'AUSCGIE, « les dispositions du présent acte uniforme sont d'ordre public...

* 47 Les opérations d'assurance sont classées par l'article 328 en branches Vie et branches IARD (Industries autres que le risque décès), chaque branche étant elle-même subdivisée en sous branches. L'agrément est accordé par branche ou par sous branches si l'entreprise le demande.

* 48 V. CA. Dakar n° 222 du 12 avril 2001

* 49 Cf. article 2 alinéa 2 de l' AUPC op. cit.

* 50 V. V. VENA-ROBARDET, "situation irrémédiablement compromise et cessation des paiements; deux notions à ne pas confondre" note sous cass. Com. 31 mars 2004, Dalloz 2004, p. 1231

* 51 En effet depuis la loi du 28 mai 1838, il était revenu aux tribunaux de définir la notion de cessation des paiements. Cette définition a évolué dans le temps. Du critère purement matériel de l'arrêt du service de caisse retenu au départ, on est finalement revenu à un autre critère: l'insuffisance de l'actif disponible par rapport au passif exigible.

* 52 G. LIKILLIMBA, A. sous cass.com., 28 août 1998, JCP-La semaine juridique, éd. Entreprises et Affaires, n°49 du 3 décembre 1998, p. 1926 et s.

Cf. les articles 437 du code de commerce de 1807 et 1er de la loi de 1889 portant sur la liquidation judiciaire

V. J. TREILLARD, « Les conditions d'ouverture des procédures collectives » in Les procédures collectives de liquidation et de renflouement des entreprises en droit comparé, sous la direction de René Rodière, Economica, 1976, p. 37 et s.

* 53 V.B MARTINEAU, « La cessation des paiements, notion fonctionnelle » RTD com. 2002, p. 245

* 54 L'ordonnance française du 23 septembre 1967 tendant à faciliter le redressement économique et financier de certaines entreprises visait « les entreprises en situation financière difficile mais non irrémédiablement compromise », c'est-à-dire qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements

* 55 V. T. BONNEAU, Droit bancaire, 6ème édition, Montchrestien 2005, p. 270

* 56 V. M. WATRIPONT et J. TIROLE, La réglementation prudentielle des banques, éd. Payot, 1993, p. 35

* 57 V. M. NUSSENBAUM, « La cessation des paiements des banques » Revue de droit bancaire et de la bourse, n°55, mai-juin 1996, p. 79 et s.

* 58 Ibid. L'auteur rapporte une jurisprudence française de 1985 selon laquelle l'examen de ces deux thèses permet de considérer que dans le cas d'une banque, il y a cessation des paiements dès lors que l'établissement bancaire, en plus de ne pas respecter les ratios, ne dispose pas de moyens financiers nécessaires pour remédier à sa situation.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci