La participation des forces de défense camerounaise aux opérations de maintien de la paix en Afrique( Télécharger le fichier original )par Justine Nathalie NDZIE Institut des relations internationales du Cameroun - Master I en relations internationales option diplomatie 2009 |
D. LES CONSIDERATIONS D'ORDRE INTERNELa participation du Cameroun aux OMP est également conditionnée par des considérations de la stabilité intérieure (1), les disponibilités humaines (2) et les capacités logistiques(3). 1- La stabilité intérieure C'est une condition préalable à l'envoi des militaires camerounais sur des terrains d'activités extérieures au territoire national. La sauvegarde de l'intégrité territoriale et de la stabilité intérieure passent avant tout, c'est donc la garantie de la souveraineté nationale qui détermine tout engagement des forces de défense à l'extérieur. C'est pourquoi durant le conflit frontalier de la presqu'île de Bakassi qui sollicitait la mobilisation des forces pour cette question de sécurité intérieure et de souveraineté, il était quasi difficile voire impossible d'avoir de grands contingents de militaires mobilisables pour les OMP, et ce, malgré la volonté politique du gouvernement. C'est là qu'intervient la notion de priorité qui se confirme par l'augmentation progressive du niveau de participation du Cameroun aux OMP depuis le dénouement de ce conflit territorial. En effet, on trouve désormais en nombre de plus en plus significatif, des militaires camerounais sur plusieurs terrains de maintien de la paix, notamment au Congo Démocratique, en Cote d'ivoire, en RCA et au Soudan où le Gouvernement a déjà marqué un accord de principe pour le renforcement du niveau de sa participation dans la résolution de la crise du Darfour avec le large déploiement envisagé par l'ONU et l'UA dans le cadre de leur mission conjointe dans cette région de l'Afrique25(*). 2- Les disponibilités humaines La participation d'un pays aux OMP obéit à des normes strictes sur le plan du personnel. C'est ici le lieu de dire que nous disposons souvent d'un potentiel inadapté aux missions, en raison de la priorité que les détachements camerounais accordent aux militaires très haut gradés, et relativement âgés, en lieu et place de jeunes éléments souvent plus aptes à être déployés pour ce type de mission. En effet la section organique employée sur le terrain tactique est composée de 42 hommes, subdivisée en trois groupes de combat dont les chefs sont des jeunes sous-officiers. Le reste des membres sont des gradés, c'est-à-dire du grade caporal-chef, caporal ou soldat, ce sont des jeunes gens vifs d'où l'effort de recrutement actuellement visible dans les armées. Plus de 4000 militaires seront recrutés cette année si on s'en tient aux communiqués initiant les recrutements dans les armées. 3- Les capacités logistiques Le déploiement d'un bataillon de maintien de la paix requiert une mobilisation minimale de 800 personnes. La mobilisation d'un contingent de cet ordre exige par ailleurs, la mise à disposition d'un matériel de qualité, d'un hôpital de campagne approprié, un investissement conséquent pour assurer les besoins en nutrition, etc. Traduit en chiffre, un déblocage de fonds d'environ 40 à 50 milliards de francs CFA soit 80 à 100 millions de dollars26(*), est nécessaire pour ce niveau de participation. Or, les sacrifices financiers que notre pays consent pour la cause du maintien de la paix étant généralement des dépenses non budgétisées, il reste difficile de mobiliser autant d'argent. C'est pourquoi, bien que certain d'être remboursé par les nations unies, le Cameroun n'a pas encore pu déployer un bataillon, en dépit de nombreuses doléances qui lui ont déjà été adressées dans ce sens. Ces difficultés justifient certainement aussi la logique de participation que d'aucuns pourraient juger timide, au regard de la nature très limitée des effectifs de militaires que le gouvernement camerounais affecte généralement pour la participation de notre pays aux OMP. Toutefois des voies et moyens sont en train d'être mis en oeuvre pour trouver régulièrement des financements adéquats. Le sous-chef EGRI (études générales et relations internationales) du Ministère de la Défense a évoqué l'adoption en cours d'une démarche qui consistera souvent à des négociations avec un consortium de banques, ou à l'obtention d'autres financements privés. CHAPITRE 2 : LES INTERVENTIONS DU CAMEROUN DANS LES CHAMPS DES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX Il importe de dire concrètement comment les forces de défense camerounaises interviennent dans les OMP en Afrique. Pour mieux appréhender cette participation, nous allons dans une première partie l'analyser selon qu'elle est individuelle ou collective, selon les cadres d'intervention que sont les niveaux stratégique, opératif et tactique (I). Dans une seconde partie nous allons évoluer la perception par les autres participants militaires de la prestation du Cameroun (II). I. LA PARTICIPATION INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE DES FDC AUX OMP Avant de parler de la participation proprement dite, il importe d'apporter les éclairages sémantiques et de poser le principe. Qu'entendons-nous par participation individuelle ou collective ? Et à quoi renvoient les niveaux stratégique, opératif, tactique des OMP ? · La participation individuelle aux OMP est une participation minimale en homme. Ce sont des militaires qui ont des contrats individuels et travaillent soit au niveau opératif, soit au niveau stratégique ; · La participation collective quand à elle renvoie à la participation par unités constituées, ce sont des contingents dont les membres évoluent ensemble ; · Le niveau stratégique d'une OMP renvoie à la dimension politico-militaire de la dite opération, c'est le cadre de décision. Autrement dit c'est le niveau exécutif où l'on décide de ce qu'il y'a à faire, des buts à atteindre. Pour le cas de la MUAS que nous prenons en exemple, l'État-major stratégique était basé à Addis-Abeba ; · Le niveau opératif quant à lui, se rapporte à l'échelle des techniciens, qui ont la responsabilité de répondre à la question « que faire pour réaliser sur le terrain ce que veut le niveau stratégique ? », ce niveau traduit en questions militaires, les décisions prises par le niveau stratégique, c'est le niveau de l'état-major. Un état-major multinational peut avoir 500 personnes et est composé de neuf cellules compétentes sur les personnels, le renseignement, les opérations, la logistique, les plans de séquences des différentes interventions, le système de communication, les retours d'expérience et doctrine, les finances, l'action civilo-militaire. L'état-major opératif de la MUAS devenu celui de la MINUAD est basé à El FASHER, capital du Nord du Darfour. · Enfin, le niveau tactique est celui qui a la charge d'exécuter sur le terrain, la planification du niveau opératif, ce sont eux qui transforment en action ce qui est conçu sur papier au niveau opératif. C'est ici qu'interviennent les unités constituées et les observateurs en temps de problème. Le principe de participation des pays aux niveaux stratégique et opératif dépend de leurs apports en hommes au niveau tactique. C'est dire que plus on fournit des contingents, plus on a des chances d'avoir des rôles très importants aux niveaux suscités, et plus on peut également commander toutes les forces. Généralement les commandants de force dans les OMP en Afrique sont nigérians, sud africains en raison du niveau et de la constance de leurs effectifs. Toutefois, on peut également se retrouver à ces niveaux parce qu'il s'agit des missions internationales où l'on réserve des places pour chaque Etat, ou alors sur la base des capacités et prestations individuelles. Appliqué à notre travail, il s'agira d'aborder les différentes formes de participation du Cameroun aux OMP, notamment la participation individuelle (A), la participation collective (B) et les autres formes de participation (C). A. LA PARTICIPATION INDIVIDUELLE : DARFOUR, ANGOLA, RDC ET RWANDA, COTE D'IVOIRE La participation des FDC aux OMP en Afrique est davantage individuelle. Ainsi donc, les militaires camerounais sont souvent envoyés sur demande des institutions à titre d'observateurs27(*). Ils arrivent souvent à se retrouver au niveau opératif et même stratégique soit à cause de leurs compétences individuelles, soit alors par le biais des places réservées au Cameroun. Depuis la signature du Décret instituant une unité spécialisée dans le maintien de la paix au sein des forces armées nationales en 1995 (décret joint en annexe), de nombreux officiers et sous-officier sont intervenus de manière individuelle dans les zones de conflits soit au nom de l'Union Africaine (Darfour, soudan et Burundi), soit à la demande de l'ONU. Cette participation individuelle peut être perçue au niveau sous-régional (1) et dans le reste de l'Afrique (2). 1- Au niveau sous-régional Au niveau sous-régional, des officiers des forces de défense camerounaises ont été déployés avec d'autres casques bleus dans l'EX-Zaïre (KIVU), en RCA, au Burundi, en Cote d'Ivoire et au Rwanda. Pour s'en tenir à cette sous-région, mentionnons de manière détaillée qu'un contingent de 20 militaires est intervenu au sud KIVU à la demande du Haut Commissariat des Réfugiés en 1995, par la suite, un groupe de 03 puis de 05 officiers sont également intervenus au Rwanda et en République Démocratique du Congo comme observateurs depuis cette même année 1995. Un Officier d'État-major de nos forces a également participé à la Mission de l'Organisation des Nations Unies au Congo (MONUC), qui assure la mise en oeuvre de l'accord de paix dans ce pays.28(*) En RCA, le gouvernement camerounais a mis à la disposition de la Mission des Nations Unies en République Centrafricaine (MINURCA) le 08 février 1999, un personnel pour la formation de la police civile. A l'expiration du mandat de la MINURCA en février 2000, un officier supérieur camerounais occupait les fonctions de chef de l'instruction de la police civile ; fonction qui ont été maintenues dans le cadre du bureau d'Appui des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix en République Centrafricaine (BONUCA). 2- Dans le reste de l'Afrique Dans le reste de l'Afrique, les Forces de Défense Camerounaise sont intervenues par contingent de quatre officiers pour le compte de l'UA au Sud-soudan (MUAS au Darfour) dans le cadre du `'Darfour DESK'' (programme de suivi des opérations pour le compte de l'UA). Dès 2005, des contingents portés à 10, puis à 20 observateurs s'y sont succédés. Depuis le passage de la Mission de l'Union Africaine au Soudan (MUAS) à la Mission des Nations Unies au Darfour (MINUAD), ce sont des groupes de 5 officiers qui se relaient. En Éthiopie, un officier camerounais fait parti de l'Etat-major de la Force Africaine en Attente (FAA), et en Côte d'Ivoire depuis 2003, un autre siège à l'Etat-major de la mission de l'Organisation des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) en qualité de représentant militaire du Président de la commission de l'UA. (Les différentes listes des participants à ces différentes missions sont tenues en annexe) B. LA PARTICIPATION COLLECTIVE : RCA Les FDC n'ont pas souvent participé aux OMP de manière collective en unité constituée. Le cas de la RCA reste encore unique. A ce propos, depuis 2008, le Cameroun est présent en RCA aux côtés des autres pays de la CEEAC pour la mission de consolidation de la paix dans ce pays. Il s'agit d'une compagnie de 107 personnes en sus de 04 officiers d'Etat-major et de 12 personnels d'appuis et du Chef d'Etat-major. Depuis le 10 aout 2009, un général camerounais est commandant de la force (il s'agit du Général de Brigade TCHEMO Hector marie). C. LES AUTRES FORMES DE PARTICIPATION DES FDC AUX OMP Les FDC participent aussi aux OMP par d'autres procédés. Il s'agit précisément de leur apport dans le cadre de la formation et des activités de préparation aux OMP. En effet, avec la création de la Force Africaine en Attente (FAA) et la mise sur pied des brigades régionales devant la composer, le Cameroun prend une part active à sa montée en puissance au sein de la force multinationale de l'Afrique Centrale (FOMAC), institution de la CEEAC et du Mécanisme d'Alerte Rapide de l'Afrique Centrale (MARAC) institution de la CEMAC. Le Cameroun est également en compétition avec l'Algérie pour abriter la Base Logistique Continentales (BLC) ou devrait être stocké le dispositif logistique appelé à être affecté aux missions de paix initiées et conduites sous la bannière des institutions africaines. L'on peut également noter un apport pédagogique indéniable pour développer et renforcer les ressources humaines nécessaires. Le premier apport des FDC se manifeste au niveau de l'encadrement pédagogique. Trois institutions de formation l'illustrent dans cette rubrique. Il s'agit notamment de : · l'Ecole militaire Inter-Armée ( EMIA) avec l'introduction dans le cursus de formation des officiers de la sous-région des enseignements du droit international humanitaire et des droits de la personne humaine, ainsi que l'expérience acquise aux cotés de ses partenaires français et canadiens constitue un atout pour l'encadrement, des contingents africains qui y sont formés aux techniques de Maintien de la Paix depuis 2005 ; · le Centre de Perfectionnement aux techniques de maintien de l'Ordre (CPTMO) d'Awae participe de la même logique. Répondant aux besoins spécifiques des pays africains, ce centre est spécialisé dans la formation, le recyclage et le perfectionnement de personnels officiers et non officiers de la Gendarmerie au maintien de l'ordre, son cursus particulièrement axé sur les droits de la personne humaine contribue de manière efficiente à la promotion de la culture de paix. · le pole aéronautique à vocation sous-régionale de GAROUA répond aux besoins exprimés par les pays de la zone pour une aviation légère d'observation liée aux phénomènes d'insécurité et plus particulièrement aux coupeurs de route souvent organisés en bandes transfrontalières. L'apprentissage dispensé repose sur des techniques d'observations en vol, en liaison avec les forces de gendarmerie, de polices ou d'autres armées.29(*) II. L'APPRECIATION DE LA PARTICIPATION CAMEROUNAISE PAR LES ORGANISATIONS REGIONALE ET SOUS-REGIONALE Bien que les effectifs des troupes régulièrement mobilisées par le gouvernement camerounais n'aient pas encore inscrit notre pays au registre des principaux contributeurs en hommes au sein des contingents multinationaux de maintien de la paix en activité sur le Continent, le rendement des forces camerounaises (d'après les sources militaires et celles obtenues au MINREX) est au demeurant très apprécié par les organisations régionales africaines qui coordonnent le déroulement de ces Missions de Paix. S'agissant tout particulièrement de l'UA, des notes verbales adressées à l'Ambassade du Cameroun à Addis-Abeba et autres notes de ce poste diplomatique transmises au Département (MINREX), témoignent d'une satisfaction de l'organisation panafricaine sur la qualité des ressources humaines mise à sa disposition par le Cameroun. Lesdites notes verbales mettent particulièrement en relief les compétences des officiers supérieurs camerounais affectés dans les structures d'Etat-major de la MUAS et de la MINUAD au Soudan. Ces distinctions ont régulièrement valu à notre Gouvernement d'être sollicité pour fournir à titre spécial, d'autres officiers du même rang, appelés à renforcer la Mission de maintien de la paix au Darfour. Ces compétences ont à cet égard souvent valu à notre pays d'être honoré en qualité de seul Etat autorisé à soumissionner pour certains appels à candidature à des postes réservés aux Officiers supérieurs d'Etat-major pour certaines Missions Internationales de maintien de la Paix sur le Continent30(*). Dans le même registre de la reconnaissance du mérite de la participation du Cameroun à ces missions de maintien de la paix, il convient de relever que notre pays a déjà présidé les détachements des contingents des forces multinationales en RCA, notamment la désignation du Général camerounais TCHEMO Hector Marie pour deux ans
* 25 Mous voulons parler de la Mission des Nations Unies et de l'Union Africaine au Darfour (MINUAD) dont le processus de mise en place se poursuit. * 26 Confer document de l'Etat-major des Armées et déclarations du sous-chef EGRI. * 27 Les observateurs sont des militaires qui appartiennent au niveau opératif qui vont sur le terrain en cas de problème afin de connaître les véritables causes dudit problème et rendre compte, ils fonctionnent en équipe avec un chef d'équipe. * 28 Ntuda Ebode Vincent, ''une participation tous azimut au maintien de la paix'' in honneur et fidélité numéro spécial «force de défense au service de la paix en Afrique et dans le monde », 20 mai 2005 * 29 M. Ntuda Ebode Vincent,' une participation tous azimut au maintien de la paix'' in honneur et fidélité numéro spécial «force de défense au service de la paix en Afrique et dans le monde », 20 mai 2005 * 30 Cas récent en juillet 2009 pour le poste d'Officier Supérieur chargé de la logistique au sein de la Mission de l'Union Africaine en Somalie (AMISOM) |
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