Les pays avancés sont confrontés à un
resserrement des conditions d'emprunt depuis le début de la crise en
août 2007. Par exemple, le financement du commerce international a
baissé de 40% au cours du dernier trimestre de 2008, par rapport
à la même période en 2007 (Banque Mondiale, (2009 a),
P.6).
A l'origine, les montées des spreads de
crédit (high yield ou sur les CDS par exemple) ou de
l'écart entre les taux interbancaires et les taux objectifs des banques
centrales se sont amplifiées, et ce phénomène s'est
produit sur tous les marchés avancés, comme nous l'avons
représenté sur la figure B.3 pour le cas du marché
interbancaire à 3 mois:
8 En 1970, devant les Nations Unies, certains pays
riches (principalement ceux du G8) se sont engagés à consacrer
0,7% de leur PIB à l'APD. Cet objectif n'a pas été atteint
par plusieurs d'entre eux et leur part de contribution à l'APD reste
largement en deçà de cet objectif. C'est par exemple le cas des
trois pays du G8 (l'Italie, les Etats-Unis et le Japon) dont l'APD ne
dépasse pas 0,2% de leur PIB. Par contre, quelques pays du nord de
l'Europe à l'instar de la Norvège, du Luxembourg, du Danemark, de
la Suède ou des Pays-Bas ont atteint cet objectif de 0,7% du PIB
à l'APD. En 2005, certains pays de l'Union Européenne (la France
par exemple) ont avancé le chiffre de 0,56% d'ici à 2010, et 0,7%
d'ici à 2015 (TOUSSAINT et MILLET, 2005).
Figure B.3 : Ecart (en %) entre le taux 3 mois
interbancaire et le taux directeur des banques centrales
Source : ARTUS (Janvier 2009)
Les banques ont commencé à être de plus
en plus réticentes à se prêter entre elles, et à
d'autres types d'emprunteurs, même pour des prêts à court
terme. Malgré la baisse des taux directeurs des banques centrales, les
spreads sont restés élevés. Par
conséquent, les banques éprouvent des difficultés à
se refinancer sur le marché interbancaire.
CONWAY et FIELD (2008) pensent qu'il faut considérer
avec une grande attention les effets particuliers de ce phénomène
sur les marchés émergents. Ils ajoutent que les problèmes
rencontrés dans les marchés développés pourraient
se reproduire dans les pays émergents, surtout si le système
bancaire se trouve dans une situation fragile.
S'il est vrai que les banques opérant dans les pays
africains n'ont que peu d'actifs pouvant s'avérer toxiques dans leurs
comptes9, toutes ces économies peuvent être
profondément affectées par une raréfaction du financement
extérieur. En effet, ces pays sont exposés à la crise
à travers leur déficit de balance courante ou leur niveau de
dette extérieure élevé. Dans la plupart des pays
africains, la balance des paiements se caractérise par la
récurrence des déficits de la balance courante, qui ont parfois
été qualifiés d'excessifs (CEA, 2005, P.17).
Depuis le déclenchement de la crise, les comptes courants de la
majorité des pays d'Afrique sub-saharienne se sont
dégradés davantage. En effet, deux pays d'Afrique subsaharienne
sur trois ont connu une détérioration de leur compte courant.
Parmi eux, la moitié a souffert d'une dégradation de plus de 4%
de leur PIB entre 2007 et 2008 (FMI, octobre (2008 b)). Ainsi, ces
pays risquent de ne plus savoir financer leur déficit dû au
resserrement des conditions d'emprunt au niveau international, d'autant que la
prime de risque souverain des pays émergents s'est vue augmenter avec la
crise. C'est par exemple le cas de l'Afrique du Sud, dont la prime de risque
souverain a augmenté de 200 points de base entre le 1er juin
2007 et le 17 mars 2008.
Nombre de pays d'Afrique sub-saharienne étant
regroupés en zones monétaires10 (banques centrales
indépendantes), ils ne pourront pas non plus financer leur
déficit par de la création monétaire. Ne pouvant ni
facilement emprunter, ni créer de la monnaie, la seule
9 Par exemple, les prêts hypothécaires
représentent 0,1% du PIB en Egypte, 16% du PIB au Maroc, 7% du PIB en
Tunisie ou 28% du PIB en Afrique du Sud.
10 C'est par exemple le cas de l'Union Economique
et Monétaire Ouest Africain (ou UEMOA) qui regroupe les huit pays
suivant: le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la
Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo ou
de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
(ou CEMAC) qui regroupe six pays: le Cameroun, le Congo Brazzaville, le Gabon,
la Guinée Equatoriale, la République Centrafricaine (RCA) et le
Tchad.
solution restera sans doute la diminution des dépenses
gouvernementales. Or la volatilité des dépenses gouvernementales
risque d'entraîner la volatilité de l'activité
économique et donc de conduire à la réduction de la
croissance (FATAS et MIHOV, 2003). Les secteurs sociaux
pourront dans ce cas être les premières victimes, comme ce
fût le cas lors de la crise de la dette des années 1980, aggravant
ainsi la paupérisation sur le continent. Les pays ayant la
possibilité de financer leur déficit par création
monétaire et qui en abuseraient, s'exposeraient de ce fait à une
augmentation substantielle de l'inflation qui pourrait avoir des effets
néfastes sur l'économie.
Des pays présentant des niveaux élevés
de réserves de change devraient être en mesure d'éviter le
risque de défaut, mais seulement à condition que ces
réserves n'aient pas été bâties sur des flux de
capitaux à court terme (CONWAY et FIELD, 2008). Or, dans le cas
des pays africains exportateurs de ressources naturelles, ces réserves
ont été constituées à partir des recettes
émanant de ces ressources, dont les prix ont diminué de
manière importante depuis le début de la crise. De plus, les flux
de portefeuille sont devenus négatifs comme le montre la figure B.2, ce
qui couplé à la diminution des réserves de change issues
des exportations, dégradent de façon générale la
situation du pays. Déjà entre 2007 et 2008, les réserves
de change ont été sérieusement érodées par
la crise des denrées alimentaires, car ces denrées étaient
importées et payées en devise. Le choc a été plus
prononcé dans les pays non producteurs de pétrole qui en plus de
la facture alimentaire devaient supporter la facture énergétique.
La Banque Mondiale ((2009 a), P.2) analyse par exemple le cas du Malawi, dont
le déficit fiscal a augmenté de 13,6% du PIB en 2007/2008 et
devrait encore se creuser de 16,9% du PIB en 2008/2009. Ces
déséquilibres ont directement plongé le Malawi dans la
crise.
En bref, la crise actuelle pourrait se transmettre à
certains pays d'Afrique subsaharienne à cause du défaut de
financement de leur déficit courant dû au resserrement des
conditions d'emprunt à l'international. L'ampleur de la transmission de
la crise par ce canal dépendra de la position extérieure de
chaque pays.