Le marché interbancaire est le marché sur
lequel les banques commerciales effectuent leurs opérations de
refinancement (BERNAL, (2009 c)). Les banques camerounaises ont
recours à deux sources de refinancement : le marché interbancaire
de la CEMAC (encore appelé « niveau 1 » par la BEAC)
et les appels d'offres de la BEAC (ou « niveau 2 »). Pour
suivre l'évolution du marché interbancaire de la CEMAC, nous nous
intéresserons particulièrement au taux d'intérêt
interbancaire (qui permet d'avoir une idée précise des conditions
de crédit), au taux directeur de la BEAC (taux de refinancement) et aux
transactions effectuées sur ce marché. Pour ce qui est du
marché du crédit, nous analyserons l'évolution du
crédit intérieur à l'économie camerounaise.
L'objectif de cette section est d'analyser les conditions de crédit tant
au niveau interbancaire qu'au niveau de l'économie nationale avant et
après le déclenchement de la crise financière
internationale.
Le marché interbancaire de la CEMAC correspond au «
niveau 1 » du système de refinancement de la BEAC. Les
intervenants sur ce marché sont les banques agréées des
pays
20 Ce sont: Union Bank of Cameroon (ou UBC), Afriland
First Bank (ou First Bank), Amity Bank et Cameroon Bank Corporation (ou
CBC).
membres21 de la CEMAC. Les taux, la durée
et éventuellement les garanties des transactions effectuées sont
librement débattues suivant la loi de l'offre et de la demande et sans
l'intervention de la BEAC. Ces transactions sont nationales et/ou
transnationales à l'intérieur de la Zone, et une exigence de ce
marché est que, les montants doivent être un multiple de millions
de Franc CFA. Selon l'échéance du prêt, il existe des taux
au jour le jour (ou à vue), de 2 à 30 jours, de 1 à 2 mois
et de plus de 2 à 3 mois. A cause de l'indisponibilité des
séries continues de ces différents taux, nous allons nous
intéresser à un taux d'intérêt composite
appelé le Taux Interbancaire Moyen Pondéré (ou
TIMP), calculé et publié par La BEAC. Il nous permettra de suivre
l'évolution sur le marché interbancaire. Ce taux a l'avantage
d'être pondéré par le volume des transactions
réalisées. Ainsi, un TIMP nul signifie qu'il n'y a pas eu de
transactions sur le marché interbancaire. Une autre
interprétation de ce TIMP quand il est nul est qu'il pourrait
correspondre à un taux d'intérêt infiniment grand et qui
empêcherait les échanges de liquidités.
Le « niveau 2 » correspond aux
interventions de la BEAC en faveur des établissements de crédits
éligibles. La BEAC intervient à travers ce niveau pour refinancer
le système bancaire selon les orientations de sa politique
monétaire et de crédit, d'une part, et de l'évolution de
la liquidité bancaire, d'autre part. Sur ce segment de marché
monétaire, nous nous intéresserons uniquement au principal taux
directeur de la BEAC, le Taux d'Intérêt des Appels
d'Offres (ou TIAO). Il est fixé par le Gouverneur de la BEAC en
fonction de la conjoncture tant interne qu'externe, et en tenant compte du
TIMP, car ce dernier résulte des forces du marché et
reflète au mieux la conjoncture.
L'évolution des activités du marché
interbancaire peut donc être caractérisée par
l'évolution du TIMP, du TIAO et des transactions qui y sont
effectuées. La figure D.1 montre l'évolution simultanée de
ces trois indicateurs.
Figure D. 1 : Evolution des transactions (axe de
droite, en millions de Franc CFA) et des taux d'intérêt
interbancaires de la CEMAC (axe de gauche, en %), entre 2004 et
2009
4
7
6
5
3
2
0
8
1
Transactions TIMP TIAO
40 000
70 000
60 000
50 000
30 000
20 000
0
10 000
Source : BEAC (2009), Rapports annuels 2004, 2005,
2006, Rapport zone franc 2007.
Il ressort de ce graphique que les transactions sur le
marché interbancaire de la CEMAC se raréfient depuis fin 2006, et
sont devenues quasi-inexistantes après le troisième trimestre
2007. En effet, les transactions interbancaires s'établissaient à
3,4 milliards de Franc CFA en moyenne mensuelle en 2007 contre 15,5 milliards
de Franc CFA en 2006. Les TIMP ont été volatiles, variant entre
1,95% et 6,87% en 2007. En août 2007, le TIMP (le plus
élevé depuis 2004) a dépassé le TIAO traduisant une
raréfaction d'offre de liquidités sur ce marché
21 Ils sont au nombre de six : le Cameroun, le
Congo Brazzaville, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la RCA et le Tchad.
Le Cameroun et la Guinée Equatoriale sont les deux principaux acteurs
sur ce marché interbancaire avec une participation de 90% en moyenne sur
les trois dernières années.
au cours de la période août-septembre 2007.
Malgré ce TIMP élevé, les transactions sont restées
très faibles, ce qui pourrait s'expliquer par la méfiance des
banques de se prêter entre elles. Après septembre 2007, on assiste
à un arrêt presque total des transactions sur ce marché
interbancaire, ce qui se traduit par un TIMP nul. Cette situation aurait
amené les banques camerounaises à souscrire un peu plus aux
appels d'offres de la BEAC qu'auparavant. En effet, leur taux d'utilisation de
l'objectif de refinancement22 a légèrement
augmenté (quoique restant à un niveau très faible),
passant de 3,91% en moyenne trimestrielle en 2006 à 5,62% en 2007 et
à 5,73% en 2008 contre 6,16% en 2007 et 8,30% en 2008 pour l'ensemble de
la CEMAC. En termes réels, les montants sollicités par ce mode de
financement sont insignifiants au regard des montants habituellement
échangés sur le marché interbancaire.
La BEAC explique l'étroitesse de ce marché
interbancaire par un certain nombre de facteurs, parmi lesquels l'importance
des opérations intra-groupe réalisées hors marché,
la surliquidité bancaires et « l'existence de risques
spécifiques liés à l'absence de cadre juridique et de
support (les certificats de placement émis en contrepartie des
dépôts spéciaux des banques auprès de la BEAC ne
sont pas utilisés comme collatéraux) » (Banque de
France, 2007). La BEAC explique la volatilité des TIMP par la
variabilité des niveaux de liquidité dans le temps et entre les
différents États de la CEMAC, les transactions sur ce
marché interbancaire étant essentiellement transnationales (85%
en moyenne sur les trois dernières années).
Il semble difficile de lier ce comportement du marché
interbancaire de la CEMAC au déclenchement de la crise financière
internationale car ce marché a connu de difficultés bien avant le
début de la crise. Mais, certes le déclenchement de la crise
pourrait avoir contribué à l'amplification de ce
phénomène. Quoiqu'il en soit, on assiste à une
raréfaction des transactions sur le marché interbancaire de la
CEMAC depuis fin 2006 et un arrêt quasi-total après le
déclenchement de la crise financière internationale.
Parallèlement, sur le marché du crédit au
Cameroun, on assiste depuis septembre 2007, à une décroissance
soutenue des montants du crédit à l'économie nationale,
comme le montre la figure D.2.
Figure D. 2 : Evolution du total des
crédits intérieurs et des ressources collectées dans le
réseau bancaire camerounais entre 1999 et 2008 (en milliards de Franc
CFA)
2 500
2 000
1 500
1 000
500
-
Total crédit à l'économie nationale
Total ressources collectées
Source : BEAC, situation bancaire consolidée
(2008)
22 Il représente la limite maximale des
avances que la BEAC peut accorder aux banques d'un pays de la CEMAC au «
niveau 2 » du marché monétaire. Cet objectif peut
néanmoins être dépassé si le taux de couverture
extérieure de la monnaie est supérieur à 20%, s'il existe
des collatéraux recensés au niveau des banques et que le pays
n'est pas soumis à un programme du FMI. Dans le cas contraire, c'est un
plafond rigide. Ces avances sont accordées au taux TIAO. Le plafond de
cet objectif de refinancement est de 8 milliards de Franc CFA pour le Cameroun
(BEAC, 2006 et www.beac.int).
Cette décroissance ne s'explique pas par les
contraintes des critères de surveillance du ratio de crédit sur
dépôt, car les ressources collectées (dépôts)
ont continué à croître. Ce phénomène s'est
accompagné de l'augmentation des dépôts et des placements
auprès de la BEAC, passant d'un taux de croissance de 22,6% entre le 31
décembre 2006 et le 30 juin 2007 à un taux de croissance de 63%
entre le 30 juin 2007 et le 31 décembre 2007 (BEAC, 2007).
En résumé à tout ce qui
précède, on peut dire qu'on assiste à un rationnement du
crédit tant au niveau du marché interbancaire qu'au niveau du
marché du crédit à l'économie nationale, qui ne
s'explique pas par une crise de liquidités, les banques étant
structurellement en position de surliquidité23. On pourrait
plutôt parler d'une méfiance des banques à
s'échanger de liquidités entre elles et même à
prêter aux agents économiques en période de crise. Plus que
jamais, les banques pratiquent une gestion à « la prudence ».
Comme nous l'avons vu dans la première partie (B-1.1.3), la modification
des conditions d'emprunt est un canal de transmission de la crise.