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La maison d'initiation à  la faune et aux espaces naturels un acteur du développement local et du développement durable au Pays Basque

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par Emmanuel DE JOANTHO
Université de Valenciennes et du Hainaut Cambresis - Master2 Développement local et économie solidaire 2008
  

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INTRODUCTION

Le statut du concept de développement durable a pris de l'importance ces dernières années et s'introduit de plus en plus dans le cadre des politiques de développement. Nous verrons ultérieurement qu'il existe plusieurs définitions du développement durable, mais que toutes pointent la nécessité de gérer conjointement, de manière équilibrée et à long terme, les problématiques sociales, économiques et environnementales de la société.

Autrement dit, existe-t-il un modèle économique qui pourrait prendre en compte le progrès social, la lutte contre les inégalités et la préservation de l'environnement et des ressources naturelles ?

À cette question, les acteurs de la Maison d'Initiation à la Faune et aux Espaces Naturels, association implantée au Pays Basque et sujet principal de notre étude, n'ont eu de cesse de tenter d'y apporter des réponses pratiques depuis de nombreuses années, notamment en élaborant des projets d'insertion ou environnementaux en partenariat avec de nombreuses collectivités.

Hasard ou coïncidence ? la MIFEN a vu le jour en 1987, année ou le concept de développement durable a été popularisé par le rapport Bruntland. Or, le terme de développement durable n'apparaît nulle part dans les statuts de cette association et il faut reconnaître qu'elle l'a rarement utilisé durant ses vingt années d'activité.

Aujourd'hui, l'Etat, les associations, les collectivités locales, les économistes et les écologistes se sont emparés de ce concept qui serait, selon Aurélien Boutaud6(*)  « avant tout l'expression d'une problématique, la révélation d'une question qui n'a eu de cesse de révéler sa pertinence et son urgence au cours des dernières décennies. Une question aussi simple à poser que difficile à résoudre : Comment concilier développement économique et respect des équilibres écologiques ? ».  

En préalable à tout développement, il semble primordial de consacrer un temps à l'histoire du concept de développement durable. Son origine remonte au XIXe siècle, époque de la révolution industrielle. L'utilisation des ressources fossiles permet le développement de la mécanisation dans les domaines de l'agriculture et de l'industrie. Personne n'a alors conscience des bouleversements que la société moderne aura, notamment sur l'atmosphère, avec l'accroissement des gaz à effet de serre. En passant d'une société à dominance agraire à une société industrielle, l'homme provoque l'inversion des rapports de force entre lui-même et la nature. Les premières dérives de l'industrialisation sont constatées, entraînant des dégradations écologiques multiples qui conduisent à l'émergence d'un mouvement naturaliste. Des mesures de protection de l'environnement sont alors mises en oeuvre.

Aux alentours des années 1880, les Etats-Unis créent leurs premiers grands parcs nationaux. En France, la Société Zoologique d'Acclimatation7(*) voit le jour en 1854. Puis surviennent les deux grandes guerres mondiales qui suspendent ce mouvement émergeant.

En 1948, l'UNESCO crée l'Union Internationale pour la Protection de la Nature, aujourd'hui UICN8(*), qui jouera un rôle fondamental dans la naissance du concept de développement durable. En 1971, alors qu'un ministère français de la nature et de l'environnement est créé, une réunion organisée à Founex (Suisse) en vue de préparer la Conférence de Stockholm tente de mettre en lumière la montée en puissance des problèmes environnementaux liés à l'environnement humain. Son rapport rédigé par des économistes spécifie qu'il est nécessaire mais aussi possible de concevoir et de mettre en oeuvre des stratégies de développement socio-économique équitable, respectueuses de l'environnement, appelées stratégies d'éco-développement.

En 1972, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement humain adopte une série de principes pour une gestion écologiquement rationnelle de l'environnement. Cette "Déclaration de Stockholm" place les questions écologiques au rang des préoccupations internationales. Elle permet d'engager le début d'un dialogue entre pays industrialisés et pays en développement concernant le lien qui existe entre la croissance économique, la pollution de l'indivis mondial (l'air, l'eau, les océans) et le bien-être des peuples dans le monde entier.

Au fil des ans, la consommation des ressources fossiles s'accroît, de nouvelles technologies sont expérimentées, l'industrie chimique est en plein développement. Les systèmes de productions sont robotisés, les transports individuels se généralisent. La société prend chaque jour davantage conscience de l'extrême fragilité de la planète. Mais elle ne change pas pour autant sa politique, profitant pleinement des bienfaits de la croissance économique et du plein emploi. Partout, l'idéologie du développement gagne du terrain.

Nous sommes à la fin des trente glorieuses. Le discours anti-développement fait son apparition. Il est plus largement diffusé dans le discours du Club de Rome à travers le rapport MEADOWS, commandé deux ans plus tôt à une équipe de chercheurs américains. Le rapport MEADOWS aborde les limites de la croissance et l'idée d'une croissance zéro. Il alerte la communauté internationale sur les aspects incompatibles des croissances démographique, économique et industrielle et de l'équilibre pérenne des écosystèmes. S'il ne prédit pas la « fin de l'humanité », il affirme que les conditions de vie des hommes se dégraderont à cause de la pollution qui enrayera notamment la croissance. Malgré le succès de ce rapport, la critique du développement restera cependant marginale. Selon Gilbert RIST, cela s'explique par le fait qu'il est difficile de critiquer une idéologie qui nous est présentée plus ou moins consciemment comme visant au « bonheur universel »9(*). En 1974, La conférence de Cocoyoc met l'accent sur le gaspillage des ressources naturelles. Les années qui suivront seront moins glorieuses que les précédentes. Le premier choc pétrolier démontrera la dépendance de l'économie vis-à-vis des ressources naturelles.

Malgré une prise de conscience qui semble grandissante, les préoccupations politiques restent essentiellement économiques. Le prix du pétrole continue d'augmenter, tout comme le chômage.

Quelques accidents technologiques comme l'échouement de l'Amoco kadiz en 1978, Bhopal en 1984, Tchernobyl en 1986, très médiatisés, aux conséquences dramatiques sur la vie et la santé humaines ainsi que sur l'équilibre de l'environnement, feront émerger une vague de protestation au sein de la population qui prendra davantage conscience du caractère épuisable des ressources naturelles. Mais cela ne suffira pas à faire cesser de multiples pratiques invisibles mais néfastes, aux effets imprévisibles et planétaires. Quant aux responsables de ces catastrophes, il ne seront que très peu inquiétés.

Comme nous l'évoquions précédemment, c'est grâce au rapport Notre avenir à tous, (dit Rapport Brundtland), présenté en 1987 lors de la deuxième conférence de Stockholm, que la Commission des Nations Unies sur l'environnement et le développement a porté au niveau politique le concept de développement durable à l'échelle planétaire. Il faut cependant remonter à 1980 pour voir apparaître pour la première fois la notion de développement durable, traduite de l'anglais « sustainable development » dans un rapport publié par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature, intitulé La stratégie mondiale pour la conservation. Il est par ailleurs intéressant de constater que chacune de ces deux organisations a sa propre définition du développement durable :

La Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement (CMED) décrète que le développement durable doit « répondre aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures à répondre aux leurs ».

L'Union Internationale de Conservation de la Nature considère quant à elle que le développement durable est « Le fait d'améliorer les conditions d'existence des communautés humaines, tout en restant dans les limites des capacités de charge des écosystèmes. » (UICN/PNUE/WWF,1991).

Le rapport BRUNTLAND met l'accent sur la nature imbriquée de l'écologie et de l'économie mondiale à tel point que son discours est parfois ambivalent : « Il ne s'agit en aucun cas de mettre fin à la croissance, au contraire »10(*) « ce que nous avons besoin, c'est d'une nouvelle ère de croissance économique, une croissance vigoureuse». Aussi ce rapport n'est-il pas considéré par tous comme une véritable avancée.

Remarquons que la MIFEN voit le jour huit mois après la tenue de la conférence de Stockholm. Elle ouvre une Maison de la Nature en 1988 et consacre ses premières années à l'éducation à l'environnement des élèves, dont le principe n'est pas inscrit dans les programmes scolaires, encore moins dans le droit de façon explicite mais qui fera l'objet d'une déclaration d'intention au Sommet de la Terre de Rio en 1992 dans le cadre de l'Agenda 2111(*).

En 1992, la Conférence de Rio de Janeiro, également baptisée  Sommet de la Terre réunit 180 pays et 15000 représentants d'ONG. La signature de plusieurs déclarations et conventions thématiques destinées à faire progresser le concept des droits et des responsabilités des pays dans le domaine de l'environnement marque la différence avec la CMED qui en était restée au stade des principes. La Déclaration de Rio témoigne de deux grandes préoccupations apparues depuis la Conférence de Stockholm : la détérioration de l'environnement, notamment de sa capacité à entretenir la vie, et l'interdépendance de plus en plus manifeste entre le progrès économique à long terme et la nécessité d'une protection de l'environnement. Il marque la prise de conscience internationale du risque de changement climatique

Le développement durable gagne du terrain au sein des instances nationales. En 1993, le gouvernement crée la Commission Française du Développement Durable. Le développement durable est inscrit en 1995 dans la loi Française à travers la Loi du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement (dite Loi Barnier)12(*).

En 1997, le Sommet de Kyoto sur le climat s'est conclu par la signature d'un accord sur le principe de quotas d'émissions de gaz à effet de serre pour les pays les plus industrialisés. Il traduit en engagements quantitatifs juridiquement contraignants la volonté des pays les plus riches à réduire leurs émissions de gaz entre 2008 et 2012, à des niveaux réduits de 5,2% par rapport à ceux ce 1990. Parmi les Gaz à effet de serre, le gaz carbonique provient essentiellement de la combustion des énergies fossiles et de la déforestation. Convaincue qu'il ne peut y avoir de développement durable sans dimension internationale, La MIFEN lance le programme « peuples et forêts du monde » avec des écoles de la Réserve de Biosphère13(*) du Gunung Leuser, à Sumatra, province de ACEH, précisément dans une zone où les méfaits de la déforestation menacent la biodiversité et les populations autochtones.

En 2002 a lieu le Sommet de la Terre de Johannesburg, qui porte aussi le nom de Sommet Mondial du développement Durable. Le président de la République française prononce un discours fédérateur qui va faire date : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », « La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l'admettre. L'humanité souffre. Elle souffre de mal développement, au nord comme au sud, et nous sommes indifférents. La terre et l'humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables». 

Les années 2000 voient émerger le mouvement alter mondialiste. Il reprend à son compte la critique du développement du Club de Rome, tente de dénoncer une certaine injustice économique et entend promouvoir une mondialisation qui serait solidaire sur les trois plans environnemental, social et économique, qui constituent en outre les piliers du développement durable.

Aujourd'hui, le développement durable est inscrit partout au sein des entreprises et des collectivités. Tout le monde affirme faire du développement durable, y compris ceux dont les agissements ou les déclarations sont en contradiction avec certains principes du développement durable. Citons à titre anecdotique cette exposition « rendez-vous aux pôles », à la Tour Effeil, où les visiteurs sont sensibilisés au réchauffement climatique en cheminant sur un itinéraire de 300 mètres de neige artificielle ; une goutte d'eau certes face aux 4000 hectares de pistes skiables recouverts de neige de culture dont la fabrication nécessite 15 millions de M3 d'eau, sans compter les dépenses d'énergie pour faire fonctionner les canons. Parmi la pluie de déclarations politiques récentes entendues à l'occasion des dernières campagnes électorales ou du Sommet de Bali sur le climat nous aurons retenu celles de Jean-Louis Borloo, ministre de l'environnement du moment, qui, sur une radio publique affirmait que le développement durable est un formidable levier pour la croissance économique. Lors de son discours devant les Nations Unies, il s'adressait aux représentants de pays industrialisés en ces termes : « Je leur dis, le développement sobre en carbone est un levier de croissance, c'est même le principal, car la croissance c'est toujours répondre à un besoin impérieux et sauver la planète en est un »14(*). Or, la croissance économique ne consiste-t-elle pas à produire toujours plus et n'a t'elle pas pour conséquences, malgré les progrès de la science, des dépenses d'énergie en perpétuelle augmentation ?

En matière d'énergie, les données prévisionnelles sont plutôt alarmistes et celles du présent ne sont guère plus réjouissantes. En 2030, la demande énergétique de la planète aura probablement triplé depuis 1970 et sa population avoisinera les 8 milliards d'habitants. Mais le Monde et la France en particulier ne semblent pas disposés à modifier en profondeur leur mode de vie et de consommation boulimique.

Les ressources énergétiques, qu'elles soient renouvelables ou fossiles, sont vitales à l'équilibre de notre société. Elles se dépensent, se gaspillent parfois mais surtout elle s'achètent ou se vendent et régissent le système économique de la planète.

Au premier rang de ces ressources énergétiques se trouve le pétrole.

Depuis le premier puit de pétrole d'Edwin Drake (1859), de nombreux événements se sont produits. Tandis que le monde a consommé une grande partie des réserves de cette substance que la nature avait mise plus de cent millions d'années à fabriquer, la demande ne cesse de croître et son 'extraction devient de plus en plus difficile. Le temps ou un simple tube enfoncé dans le sable suffisait à faire jaillir le pétrole est révolu, tout comme l'époque des gisements géants faciles à exploiter. Néanmoins, les gisements offshore deviennent rentables grâce aux augmentations substantielles des prix du baril ces dernières années. Par ailleurs, de nouvelles techniques d'extraction permettront rapidement d'essorer les 20% de la précieuse substance toujours présente dans les vieux gisements d'hier. Autant dire que le pétrole a encore de beaux jours devant lui et qu'il risque de rester encore quelques décennies au centre des préoccupations du monde.

En 2007, le prix du baril a atteint 100 dollars15(*). En règle générale, une brève flambée des cours du pétrole n'a guère d'incidence sur la croissance économique car l'existence de stocks et de garanties financières permettent d'en atténuer les conséquences. Or, la situation est très différente si la hausse persiste dans un contexte économique déjà difficile. Lors de son premier voyage présidentiel en Arabie Saoudite, Nicolas Sarkozy n'a d'ailleurs pas caché son inquiétude face à cette hausse spéculative qui pourrait affecter directement la croissance et le pouvoir d'achat. L'intérêt que semble manifester subitement la compagnie TOTAL pour le nucléaire est aussi un signe du changement qui s'opère actuellement. Le développement durable n'est plus seulement un objectif. Il devient peu à peu un devoir, mieux encore une obligation légale qui contraint notamment les personnes morales à respecter l'équilibre des trois piliers du développement durable sous peine de sanction. La décision de justice de l'affaire du naufrage de l'Erika marque à ce sujet un tournant historique en condamnant la Société TOTAL à 375.000 euros d'amende et solidairement à 192 millions d'euros de dommages et intérêts pour le préjudice écologique résultant d'une atteinte à l'environnement qu'elle a fait subir à la côte atlantique. Cette somme reste dérisoire comparée aux dix milliards de profits que la compagnie a réalisés en 2007. Mais elle est importante au regard des décisions qui avaient été prises dans de précédentes affaires similaires. A titre de comparaison, l'échouement de l'Amoco Cadiz avait donné lieu, quatorze années après la catastrophe, à une indemnité d'environ 57 millions d'euros. Quant à l'Exxon Valdez qui a déversé son pétrole dans le golfe d'Alaska en 1989, la puissante société Exxon négocia un accord amiable qui lui permit de s'acquitter d'une indemnité cinq fois supérieure à celle de l'Amoco Cadiz mais probablement bien inférieure à ce qu'aurait pu lui coûter un procès médiatisé face à des parties civiles bien représentées.

Deux siècles après les débuts de la révolution industrielle, le bilan est mitigé. Les progrès de l'humanité tout comme les méfaits du progrès se sont accélérés, et les décennies à venir s'annoncent difficiles. Comme si toutes les avancées réalisées avaient un prix, la société moderne a bien des revers que l'humanité va probablement devoir essuyer sous la forme de bouleversements écologiques qui généreront des crises économiques, sociales et humanitaires. Le tableau est si sombre qu'il serait tentant de lâcher prise et de profiter sans vergogne des plaisirs de la société moderne avant qu'il ne soit trop tard. Plaisir de pouvoir bénéficier d'une situation confortable comparée à celles de cette immense part de l'humanité qui n'a pas encore eu le temps de profiter des progrès de la société de développement qu'elle en subit déjà les méfaits ; plaisir enfin de vivre encore en France à l'abri de la misère sociale et des miséreux eux-mêmes qui ne remplissent pas les critères exigés par la société de croissance.

La croissance économique telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui, basée sur l'exploitation des ressources naturelles renouvelables ou non renouvelables semble favoriser davantage les inégalités sociales. Par ailleurs si son principal indicateur, le Produit Intérieur Brut16(*), tient effectivement compte des richesses créées, il n'est en rien un indicateur de bien-être et présente parfois des écarts très importants avec l'Indicateur

de Développement Humain17(*). La croissance à outrance met l'homme au service des intérêts économiques. Dans ces conditions, elle ne répond plus aux besoins fondamentaux de chacun et n'assure plus son bien-être. Comme l'indique Noëlle Burgi-Golub dans sa contribution à l'ouvrage : « Le développement durable, une perspective pour le XXIe siècle 18(*)», « le renversement radical du rapport de forces entre capital et travail intervenu au cours des trente dernières années a placé une fraction grandissante des populations européennes dans des situations de subordination sociale, de vulnérabilité ou de précarisation telles que beaucoup, à en croire nos interlocuteurs institutionnels sur le terrain, seraient destinés à n'en jamais sortir ».

L'approche du développement durable, visiblement partagée par la majeure partie des décideurs politiques et surtout propagée par les grandes entreprises, est avant tout économique. Elle s'appuie sur la croyance d'une croissance éternelle rendue possible grâce aux progrès de la science. Dans ce cas, la question économique est placée au centre du concept de développement durable dont la vocation première est de préserver le système économique tel qu'il existe.

À cette conception s'oppose l'approche environnementaliste qui considère que c'est à l'économie de s'adapter aux exigences des écosystèmes. Cette dernière interprétation, proche de la thèse présentée par le Club de Rome dans son rapport Halte à la croissance, est celle que la MIFEN tente aujourd'hui de diffuser.

À l'opposé du modèle actuel d'économie capitaliste de marché et de croissance existerait celui de la décroissance, dont les disciples sont plutôt opposés au concept de développement durable qu'ils jugent trop axé sur la croissance. Serge Latouche décrit le concept de décroissance comme un  « slogan qui a pour objet de rompre avec la société de croissance19(*)», « un ovni dans le débat politico médiatique » mais un « Ovni » qui semble progressivement gagner du terrain. Selon ses partisans, la décroissance permettrait de « sortir du développement qui ne fait que renforcer les inégalités sociales, appauvrir les plus démunis et mettre en danger l'environnement »20(*). Tout un programme qui, dans des moments de découragement, conviendrait à la MIFEN tant pour l'intérêt qu'il pourrait présenter dans sa dimension environnementale que pour l'espoir qu'il pourrait réveiller chez les salariés en parcours d'insertion. Car il faut reconnaître que l'ACI parvient insuffisamment à placer ses salariés sur des emplois du secteur marchand. Ses résultats, insuffisants au regard des 20% de « sorties vers l'emploi » exigés par l'Etat, posent la question des profils du public qu'elle recrute. Outre les nombreuses personnes qui rencontrent des problèmes d'addiction et de comportements asociaux les conduisant souvent à des situations d'exclusion, la structure recrute aussi des personnes fragilisées par des parcours de vie chaotiques dont les capacités professionnelles et le manque d'autonomie associés à d'autres freins à l'emploi, tels que l'âge et le manque de qualification, rendent tout espoir d'intégration quasi impossible dans des entreprises, voire des collectivités dont les niveaux d'exigences sont croissants. La société actuelle joue au yo-yo avec ces personnes qui éprouvent appréhension, frustration, colère et culpabilité. Appréhension à l'idée de voir leur contrat de travail non reconduit, frustration de ne pouvoir trouver un emploi et de devoir retourner au RMI et, colère ou culpabilité enfin car ils ne font pas partie, pour reprendre les slogans des dernières élections présidentielles, de cette « France qui se lève tôt » et qui devrait « travailler plus ».21(*)

La course à la compétitivité s'oppose à toute idée de solidarité envers les personnes les plus éloignées du monde du travail dont les exemples d'intégrations durables relèvent surtout du conte de fée tellement ils sont rares. À l'heure actuelle, seules certaines catégories d'entreprises sont en mesure d'apporter une réponse à leur emploi. Elles sont souvent regroupées en réseaux et se réclament généralement du champ de l'économie solidaire.

Dans sa contribution au Dictionnaire de l'autre Economie22(*), Paul Singer indique que le concept d'économie solidaire tourne autour de l'idée de solidarité par opposition à l'individualisme compétitif qui caractérise le comportement économique dominant dans les sociétés capitalistes. Il situe l'origine de l'économie solidaire au dix-neuvième siècle avec la création des premiers mouvements coopératifs ouvriers et de la Bourse du travail (Labour Exchange) dont le principe d'échange des marchandises, issues de l'activité de la coopérative, à l'aide d'une monnaie sociale est réapparu dans les années 1980 au Canada Puis pour la première fois en France en 1994 (Système d'Echange Local de Montbel, en Ariège). Selon Jean-Louis Laville et Bernard Eme23(*), l'économie solidaire peut être définie comme l'ensemble des activités économiques soumis à la volonté d'un agir démocratique où les rapports sociaux de solidarité priment sur l'intérêt individuel ou le profit matériel ; elle contribue ainsi à la démocratisation de l'économie à partir d'engagements citoyens. Alain Lipietz24(*) définit quant à lui l'économie solidaire par  « au nom de quoi on le fait » et « le sens prêté à l'activité économique, sa logique, le système de valeurs de ses acteurs et les critères de gestion de ses institutions ».

Pour reprendre les termes inscrits dans la Charte de l'association nationale Chantier Ecole25(*), dont la MIFEN est signataire, les membres du réseau « entendent développer leurs pratiques à partir d'un concept commun, décliné en différentes démarches, entre autres dans le cadre de l'Economie Sociale et Solidaire ».

La MIFEN peut se réclamer de l'Economie Solidaire car elle partage certaines valeurs et applique des critères spécifiques au champ de l'économie solidaire :

. Pour assurer son fonctionnement, elle mixte les sources de financement. Elle reçoit des fonds publics, signe des marchés publics d'insertion et fait appel au bénévolat.

. Les missions qu'elle assure sont co-construites avec ses partenaires et s'intègrent dans un projet collectif.

. Ses prestations favorisent les échanges, et lien social au sein même de la structure et des espaces publics.

. La structure est à but non-lucratif et ses réserves financières ne peuvent être appropriées par les individus.

. Le mode de gestion de la MIFEN est démocratique et transparent.

Enfin, dans toutes leurs dimensions, les activités de la MIFEN n'ont de sens en elles-mêmes. Elle ne prennent leur sens que vis-à-vis des personnes pour qui elles sont organisées. Celles-ci sont au coeur de la démarche.

Les passerelles entre les concepts d'Economie solidaire et de développement durable sont multiples. L'une d'entre-elles porte sur le principe de solidarité. Si l'Union Internationale de Conservation de la Nature et la CMED donnent à leurs définitions respectives du développement durable une dimension sociale, celle de la CMED ajoute à cette dimension la notion de solidarité (« répondre aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures à répondre aux leurs ») également évoquée à plusieurs reprises à l'occasion de la Déclaration de Rio :

.La solidarité intergénérationnelle avec « Le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l'environnement des générations présentes et futures ».

.La solidarité entre individus lorsqu'il est édicté que « l'élimination de la pauvreté constitue une condition indispensable du développement durable, afin de réduire les différences de niveau de vie et de mieux répondre aux besoins de la majorité des peuples du monde ».

.La solidarité internationale est quant à elle abordée à travers l'idée de diffusion et de transferts de techniques.

Outre le principe de solidarité, sont également édictés les principes d'équité, de lutte contre la pauvreté et d'échange des savoirs au sein des concepts de développement durable et d'économie solidaire, ce dernier pouvant être au service du premier. Enfin, un parallèle pourrait être établi entre les deux concepts autour de la recherche de solutions gagnant-gagnant, souhaitable dans toutes formes de négociations mettant en oeuvre des stratégies coopératives, que ce soit à l'échelle internationale (Sommets sur le climat, la terre...) ou bien à l'échelle locale, et notamment dans les projets que la MIFEN tente de proposer à ses partenaires.

L'objet de la présente étude est de montrer comment, à travers ses missions sociales ou environnementales, la MIFEN participe à la mise en oeuvre ou à la promotion des politiques de développement durable menées sur son territoire.

La démarche s'inscrit dans la volonté de l'association de faire le point sur ses actions. D'autre part, elle pourrait aider les partenaires de la MIFEN à avoir une vision d'ensemble de son utilité en vue de l'élaboration de nouveaux projets collectifs.

Enfin, cette réflexion est engagée au moment où plusieurs Ateliers et Chantiers d'Insertion du département des Pyrénées Atlantiques oeuvrant dans l'environnement envisagent d'homogénéiser leurs pratiques à travers la mise en place d'un outil qui édicterait les critères et les indicateurs de leurs pratiques sociales et environnementales.

La MIFEN ayant joué un rôle important dans la création de ce Collectif en encourageant notamment les échanges d'expériences et la mutualisation de moyens, il serait souhaitable que les observations recueillies dans de ce rapport puissent servir de point de départ à la réflexion collective.

La première partie de ce mémoire porte sur l'analyse du fonctionnement socio-économique de la MIFEN. Elle doit permettre d'apprécier les éléments qui ont permis à la structure de devenir un acteur essentiel du développement local, de l'action sociale et de la gestion de l'environnement sur son territoire.

À partir d'un inventaire des prestations réalisées en 2007, la seconde partie examine les principaux effets du partenariat entre les collectivités et la MIFEN sur les trois « piliers » du développement durable. Nous terminerons en jetant les bases de deux projets émanant des sujets et idées abordés à l'occasion de cette étude.

* 6Boutaud A. (2005) Développement Durable : Panser le changement ou changer le pansement - Thèse de doctorat

* 7La Société Zoologique d'Acclimatation est co-fondatrice de l' UICN en 1948. Elle prend la dénomination actuelle de Société nationale de protection de la nature en 1960.

* 8Créé en 1992, le Comité français de l'UICN est le réseau des organismes et des experts de l'Union mondiale pour la nature en France. Il joue un rôle fondamental dans le enjeux de la biodiversité en France.

* 9RIST G. Le développement, histoire d'une croyance occidentale, Ed. Presses de la fondation Nationale des sciences Politiques, Collection Références Inédites - p. 427

* 10CMED Chapitre II: Un avenir Compromis - De nouvelles approches de l'environnement et du développement

* 11 « L'éducation, de type scolaire ou non, est indispensable pour modifier les attitudes de façon que les populations aient la capacité d'évaluer les problèmes de développement durable et de s'y attaquer » Chapitre 36 de l'Agenda 21.

* 12Art. L. 200-1. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable... qui vise à satisfaire les besoins de développement des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.

* 13 Les réserves de biosphère sont des aires portant sur des écosystèmes terrestres et côtiers/marins qui visent à promouvoir des solutions pour réconcilier la conservation de la biodiversité avec son utilisation durable. Elles sont reconnues sur le plan international, proposées par les gouvernements nationaux et restent sous la seule souveraineté de l'État sur le territoire duquel elles sont situées.

* 14 Extrait du de Jean-Louis BORLOO, Ministre d'État, Ministre de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement durables - Séance plénière - Conférence internationale climat BALI

* 15 Le prix du baril a atteint 139 dollars le 9 juin 2008

* 16 Le produit intérieur brut (PIB) est un indicateur économique utilisé dans quasiment tous les pays du monde pour mesurer le niveau de production. Il est la somme des valeurs ajoutées de l'ensemble des branches de production (augmentée de la TVA grevant les produits et les droits de douane). Il se compose du produit intérieur marchand (biens et services échangés) et du produit intérieur brut non marchand (services fournis par les administrations publiques et privées à titre gratuit ou quasi gratuit).

* 17 L'indicateur du développement humain (IDH) mesure le niveau atteint par un pays en termes d'espérance de vie, d'instruction et de revenu réel corrigé. En 2007/2008, Le Rapport Mondial sur le Développement Humain classe la France au 10e rang sur 177 pays parmi lesquels l'Islande arrive en tête et la Sierra Léone en dernière position.

* 18 MARECHAL JP. et QUENAULT B. (2005) « développement durable, une perspective pour le XXIe siècle » Réseau des Universités » JP Maréchal et B Quenaut - Ouest Atlantique- p 391

* 19 LATOUCHE S. Conférence sur la décroissance - Foire agricole de Rouffac - 2005

* 20 Gilbert Rist -Courrier Planète N°74-2005

* 21 Remarques partagées par certains salariés de la MIFEN qui se lèvent chaque matin à 6H30 et retournent chez eux à 18H00, le tout pour 738euros /mois.

* 22Dictionnaire de l'autre économie - Sous la direction de JL LAVILLE et A D CATTANI-Gallimard-2006

* 23 2 J.L LAVILLE et B EME (2006) Dictionnaire de l'autre économie 2006 p 303

* 24A.LIPIETZ (2001) Pour le tiers secteur-p. 51

* 25 CHANTIER ECOLE, créée en 1995, regroupe des membres actifs, personnes physiques et personnes morales qui initient, coordonnent et/ou mettent en oeuvre des Ateliers et Chantiers d'Insertion en appliquant la démarche pédagogique du chantier école.

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe