P A R T I E P R A T I Q U E
Chapitre I : Méthodologie
1. Introduction
Au début de notre travail pratique, notre recherche
était orientée vers des personnes qui souffraient d'un syndrome
psychotraumatique issu de la guerre. Mais notre demande s'est heurtée
à la réticence des professionnels en raison de la
fragilité que ces personnes présentaient. Ainsi avons-nous
dû changer l'échantillon de notre recherche : Nous nous
sommes dirigées vers les professionnels (MSF, Croix-Rouge) qui ont
été dans ce pays pour offrir d'aide psychologique. Ceci a
été également impossible car à ces moments, ces
personnes se trouvaient sur le terrain. En fin, nous nous sommes
tournés vers des centres de santés mentales c'est-à-dire,
vers les professionnels qui s'occupent spécialement des
réfugiés. Il nous a semblé judicieux que notre
échantillon se compose de professionnels qui suivent de façon
thérapeutique les réfugiés victimes de la guerre.
Notre recherche vise à comprendre la notion du
traumatisme psychique de guerre et de mettre en évidence les
répercussions sur les victimes ainsi que les symptômes
observés. La démarche de notre recherche se focalise sur le
processus que le psychisme met en oeuvre dans la répétition des
vécus traumatiques. Ainsi une série de questions nous sont-elles
venues à l'esprit. Dans le suivi thérapeutique, comment
pouvons-nous aider ces victimes dans leur souffrance ? L'environnement
social (société, famille, amis, etc.) peut-il exercer une
influence positive ou négative sur la souffrance psychique des
victimes ? La réparation symbolique peut-elle atténuer leur
souffrance ?
Pour nous aider dans notre recherche pratique, nous avons
choisi comme procédure l'entretien semi-directif.
Celui-ci nous permet, d'une part, de récolter une série
d'informations intéressantes et, d'autre part, par le biais des
questions ouvertes, de laisser les professionnels s'exprimer plus librement.
Nous avons choisi des questions qui reprennent le vécu
de la victime mais qui permettent également d'avoir une idée plus
précise du concept de traumatisme et, notamment, le traumatisme de
guerre. Néanmoins, nous nous sommes rendu compte que cette notion est
forte complexe, très riche et fort variée. De ce fait, il nous
est impossible de pouvoir tout aborder dans notre recherche. Néanmoins,
nous espérons apporter un maximum d'éléments pour
comprendre la notion du traumatisme ainsi que les répercussions qu'il
entraîne chez les victimes.
Dans un premier temps, nous présenterons
brièvement les réponses des professionnels pour, ensuite,
effectuer une analyse transversale des réponses. Nous soulignerons les
concordances ou désaccords en lien avec les théories que nous
avons exposées dans notre partie théorique.
2. Les questions
Lors de la rencontre avec les professionnels, nous leur avons
posé les questions suivantes :
1. Quelle est votre définition du
« traumatisme psychique » ?
2. Y a-t-il des différences entre les
traumatismes causés par des événements naturels et les
traumatismes infligés par l'homme?
· En situation de guerre, pensez-vous qu'il y ait
des différences de répercussion lorsque la victime perçoit
directement l'intention de faire mal de la part de l'ennemi (contact direct) et
lorsqu'elle ne peut le percevoir (explosion d'une bombe) ?
· Lorsqu'on ne connaît pas le sort de
l'être cher après un enlèvement, quelles sont alors les
difficultés dans le travail de deuil ?
3. Au moment de l'effroi le sujet se sent-il
extrêmement abandonné ?
4. Quels symptômes vous avez rencontré
chez ces patients ?
· Pensez vous que certains traumatisés
présentent une régression psychoaffective ?
5. En cas de traumatisme de guerre, qu'est-ce qui fait
que le psychisme ne cesse de se rappeler ?
· Avez rencontré des patients qui ont
oublié les moments de l'événement traumatique ou des
moments fortement chargé émotionnellement ?
6. Ces personnes éprouvent-elles des
difficultés à parler du traumatisme vécu ?
7. Comment aider au mieux ces victimes ? Quelle
théorie vous aide pour votre pratique ?
8. Quelle importance a le soutien
social dans l'accompagnement de la victime ?
9. Est-ce que le concept de «
résilience » vous est utile pour penser votre
pratique ?
10. La reconnaissance sociale est-elle une voie vers
la réparation ?
3. Constitution de l'échantillon
Notre échantillon est constitué de quatre
professionnels. Ils travaillent dans un centre de santé mentale
où sont accueillis des réfugiés politiques, des demandeurs
d'asile en cours de procédure, des demandeurs d'asile
déboutés et/ou des personnes exilées au statut de
séjour précaire, irrégulier, ou illégal. Tous ces
centres offrent des consultations gratuites aux patients qui ne
bénéficient pas par l'état une aide ainsi que recours
à un interprète de la prise en charge.
Pour des raisons déontologiques, nous nommerons les
professionnels par une lettre, comme suit :
a. Professionnel A.
b. Professionnelle B.
c. Professionnel C.
d. Professionnel D.
Le professionnel A. est d'origine
africaine. Il est licencié en psychologie (en 1993) et a effectué
son doctorat en psychologie en 1998. Il est psychologue clinicien dans un
service de santé mentale depuis cinq ans. Le centre se base sur une
approche multidisciplinaire. Ce service a une population multiculturelle et une
population belge de souche. Il accorde une importance particulière aux
exilés victimes de la guerre. La méthode de travail de sujet A se
base sur la théorie psychanalytique. Le centre met en place
différentes activités pour ces patients telles que groupe de
parole, etc.
La professionnelle B. est psychologue
clinicienne.
- Elle travaille depuis 15 ans toujours en rapport avec la
violence.
- Elle a fait plusieurs formations : systémique,
psychanalytique, etc.
- Elle est enseignante dans le domaine d'ethnopsychiatrie et
formatrice pour des groupes dans le domaine de maltraitance.
- Elle est responsable (coordinatrice) clinique depuis 10 ans
dans un centre de santé mentale pour des réfugiés,
notamment dans le cadre « enfant - famille ».
- Elle a une approche systémique du traumatisme.
- le centre met en place différentes activités
pour ce type de population : groupe de parole, parrainage pour les enfants
et adolescents qui se trouvent sans parents ;
Le professionnel C. est psychiatre.
En 1979 il a terminé ses études en
médecine générale. Il est venu en Belgique en 1996. Entre
88-89, il a fait sa spécialisation en psychiatrie à ULB. Il a
été directeur médical dans un hôpital (service de
neuropsychiatrie) au Rwanda. De 2000 à 2003, il a fait une formation
psychothérapeutique de l'orientation systémique (thérapie
familiale) en Belgique. Il travaille depuis 2000 dans un centre de santé
mentale à Bruxelles. Il est également responsable des programmes
concernant les adolescents.
Ce centre s'occupe uniquement des immigrants et
spécialement des réfugiés politiques et victimes de la
torture. C'est un centre qui offre aux patients des consultations
médico-psycho-social individuelles, des espaces de soutien
psychothérapeutiques en groupes ainsi que des espaces de
thérapies alternatives pour les enfants, les adolescents et les
familles.
Le professionnel D. est
psychologue.
Il a travaillé pendant des années dans un cadre
de thérapie institutionnelle. Depuis 2001, il travaille dans un centre
de santé mentale où sont accueillies des personnes
exilées. Ce service est spécialisé dans l'accompagnement
psychosocial et psychothérapeutique. La prise en charge de la
problématique de la personne est globale, n'excluant pas l'engagement
actif de l'intervenant, travail de réseau et de relais approfondis avec
des partenaires multiples : social, juridique, administratif,
médical, éducatif, professionnel.... Une attention
particulière est accordée à la précarité du
statut et des conditions d'existence de cette population.
Au niveau thérapeutique, il utilise l'orientation
psychanalytique et institutionnelle.
4. La passation
Avec les professionnels, nous avons pris contact par
téléphone. Après avoir exposé notre objectif de
recherche, nous leur avons demandé si nous pouvions les rencontrer afin
de procéder à un entretien le plus précis et le plus
complet possible. Ils ont accepté sans hésitation et ils ont
fixé les rendez-vous selon leurs disponibilités. Nous avons
été accueillis sur leur lieu de travail et nous avons
effectué deux entretiens avec deux d'entre eux. Pour les professionnels
B. et D, nous les avons rencontrés une seule fois en raison de leur
emploi du temps chargé. Mais ils nous ont proposé de
compléter nos questions via email. Les entretiens ont été
enregistrés avec leur accord et chaque entretien a duré soixante
minutes. Après avoir réuni toutes leurs réponses, les
professionnels avaient également la possibilité d'ajouter ou de
vérifier leurs commentaires par le biais d'email ou de façon
directe.
Avec certains professionnels, nous avons donné libre
cours au débat autour du traumatisme en raison de notre
intérêt pour ce sujet. Ceci nous a obligés à
effectuer d'autres entretiens à cause de manque du temps pour poser
toutes les questions que nous avions préparées. Nous les
remercions pour l'aide et l'amabilité qu'ils ont nous
accordées.
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