Syndrome de la guerre : lorsque le psychisme ne cesse de rappeler( Télécharger le fichier original )par Shqipe BUJUPI Institut libre Marie Haps - Assistante en psychologie 2005 |
16. Les symptômes non-spécifiquesLe syndrome psychotraumatique se caractérise aussi par des symptômes non-spécifiques148(*) lesquels s'expriment par l'asthénie, l'anxiété, les superstructures psychonévrotiques (hystériques, phobiques et obsessionnelles), les troubles psychosomatiques et les troubles des conduites. Souvent les patients se plaignent d'une grande fatigue. L. Crocq149(*) dit qu'il s'agit de l'asthénie et pas de fatigue. La fatigue est un phénomène physiologique normal et spontanément réversible. Il suffit de se reposer pour qu'elle s'efface. Tandis que l'asthénie est une fatigue morbide qui persiste malgré le repos. On distingue trois types d'asthénies : physique, psychique et sexuelle. Ceux-ci se traduisent par différentes manières. Le sujet est dans un état de lassitude générale. Au moindre effort physique, il se sent abattu. Il sent dans son corps des crampes et des fourmillements. Ses facultés mentales d'attention, d'acquisition mnésique et de concentration intellectuelle sont en baisse, ainsi que le désir et le plaisir sexuel qui va jusqu'à l'impuissance ou la frigidité. Le sujet traumatisé vit dans une anxiété permanente. Selon la nosographie française, cette anxiété peut se traduire par trois états différents : - par des crises d'angoisse sidérés ou agités ; - par des états anxieux intercritiques : le sujet vit avec une tension interne désagréable, il craint des autres et de l'avenir, il a une impression de danger imminent. Il réfléchit exagérément, il est colérique. - par une personnalité anxieuse : le sujet est pusillanime, il est enclin à voir l'avenir d'une manière péjorative. Il est dépendant d'autrui dans une relation de quête de réassurance ou de fausse agressivité. Le DSM IV distingue deux types d'anxiété : attaque de panique et anxiété généralisé. Des superstructures psychonévrotiques sont observées aussi chez ces sujets: Ce sont des symptômes hystériques, phobiques et obsessionnels. - Les symptômes hystériques tels que fausses cécités, surdité, mutité, contractures, hyperesthésies, crises psycho-émotives, pseudoparalysies, amnésies, etc. sont fréquents chez ces sujets. Telle était le cas de Jean décrit précédemment : il a été frappé de cécité suite à la contrainte par le tortionnaire de regarder sa mère nue accroupie devant lui. - concernant les symptômes obsessionnels, malgré qu'ils soient rares, Crocq dit que dans la névrose traumatique, il s'agit plutôt d'obsessions phobiques. C'est l'exemple d'un sous-officier français traumatisé travaillant en Indochine et en Algérie. Après son retour en France, il se relève plusieurs fois pendant la nuit pour vérifier qu'il a bien verrouillé ses portes. - les phobies sont fréquentes dans la névrose traumatique. L. Crocq les considère comme des « phobies légitimes ». Par exemple, une patiente que nous avons suivie pendant notre stage à Exil, depuis qu'elle avait été violée, avait développé une claustrophobie (peur de prendre le métro, de prendre l'ascenseur, etc.). La peur que l'agresseur suive encore la victime est habituelle dans la névrose traumatique. Alors, la victime met en place des conduites d'évitement et de réassurance. La conséquence est qu'elle perde son autonomie, son indépendance et sa liberté d'action. L'apparition des troubles psychosomatiques est signe que « la souffrance ` parle' à travers le corps150(*). Pour Crocq, « les mécanismes exagérés du stress se produiraient lorsque l'individu agressé ne peut mettre en oeuvre - soit par contrainte matérielle, soit du fait de son tempérament peu enclin à l'extériorisation de l'émotion - les défenses psychiques habituelles, adaptatives ou névrotiques, telles que gestes, cris, verbalisation, ou représentation mentale. La seule réponse qui lui reste serait alors l'archaïque réponse (...) de l'organe. » 151(*)
M. De Clercq152(*), nous dit que pendant la phase aiguë, les symptômes associés à l'anxiété (les pensées envahissantes, flash-back, troubles du sommeil et cauchemars) sont prédominants. Si on ne traite pas ce stade, l'affection devient chronique (après plusieurs mois ou plus): l'anxiété diminue et cède le pas à l'abattement, à la dépression, aux troubles sexuels et à la somatisation des symptômes. Les symptômes sont divers telles qu'ulcère duodénal, hypertension, colite, eczéma psoriasis, etc. Crocq153(*) met en évidence que dans certains cas, le psoriasis est apparu sur la cicatrisation d'une blessure. Souvent les victimes présentent aussi divers
troubles de conduites lesquels nuisent à la
santé et ont de répercussions sur la vie familiale et sociale.
Certains s'orientent vers l'abus d'alcool ou prennent de benzodiazépines
pour diminuer leurs angoisses et leurs troubles du sommeil, etc., de conduites
suicidaires, repli sur soi car le sujet se sent seul, avec la
décourageante conviction de porter en soi une expérience
incommunicable. En voyant les effets sur le fonctionnement conjugal ou familial des victimes, de nombreux auteurs154(*) pensent que c'est nécessaire d'informer les proches autant que la victime sur les conséquences du traumatisme car le soutien social est très important dans le pronostic évolutif de l'ESPT. * 148 Ces symptômes sont qualifiés non-spécifiques car on peut les trouver aussi dans d'autres névroses et dans d'autres affections mentales. * 149 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 117 * 150 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 61. * 151 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 133 * 152 De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson. Page 108. * 153 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 132 * 154 De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson. Page 268. |
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