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Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)

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par Alain-Roger Edou Mvelle
Université de Yaoundé 2 - DEA 2008
  

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H. Les relations de face-à-face entre acteurs en Afrique du Sud : devoir de mémoire et droit au souvenir

Peu avant la fin de l'Apartheid, des négociations sont menées en Afrique du Sud. Elles ont duré quatre ans et l'étaient entre l'ANC et le PN. Sandrine Lefranc résume ainsi la situation : « Pour passer de la négation radicale de tout statut d'acteur politique à l'opposant, réifié par presque cinquante années de régime d'apartheid et plusieurs siècles de discrimination, à un dialogue permanent des négociations sur les structures politiques, il était nécessaire, pour les membres du gouvernement, de faire connaissance avec leurs anciens ennemis »164(*).

Les relations entre ces acteurs constituent le point crucial du devenir de la nation arc-en-ciel. Le rythme, le sens, et l'étendue donnée aux discussions marquent un tournant décisif dans la réécriture de l'histoire nationale. Pour le PN, il était important de permettre l'auto détermination des groupes peu ou prou volontairement constitués comme tels dans le domaine des own affairs. La deuxième grande idée tenait à la forme de l'Etat. Pour ses leaders, il fallait un partage de pouvoir pour les general affairs ; ce qui devait aboutir, à terme, à une fédération. Sur le plan économique, le PN pense que l'Afrique du Sud doit s'inscrire dans l'économie libérale. Il propose enfin que le pouvoir constituant dérivé soit mobilisé non par une assemblée constituante, mais plutôt par une convention de plusieurs parties165(*).

L'ANC, pour sa part, a préconisé la création d'un Etat unitaire et d'une économie mixte. En février 1993, les deux partis s'entendent sur les modalités de power sharing pendant une période quinquennale. Ils mettent en place un Conseil exécutif de transition qui avait pour mandat d'organiser la consultation populaire relative à la constitution. Cette constitution sera promulguée le 27 avril 1994. Sandrine Lefranc est restée pessimiste quant à la volonté réelle des acteurs d'aller vers ce processus. Elle soutient en effet : « Il fallut donc plus de quatre pour qu'une « logique consensuelle » s'impose, produite par le hasard des négociations plus que par la volonté des protagonistes... »166(*). Nous ne partageons pas cet avis, pour trois raisons : D'abord le temps mis pour forger un consensus aussi visqueux ne représente rien à l'échelle du temps des violences du système apartheid. Autrement dit, l'ampleur des divisions entre noirs et blancs et la gravité des violations des droits de l'homme en une quarantaine d'années au moins, représente à peine les débats pendant une durée de quatre ans. Ensuite, les négociations menées n'ont pas été un hasard, mais bien au contraire. Elles ont été le fruit d'un agenda politique interne négocié entre acteurs de la réconciliation. Enfin, ne pas reconnaître la volonté, ne fusse que symbolique, de certains protagonistes est une entreprise amnésique pour l'histoire. Une cécité volontaire ou inconsciente qui cache l'idéal porté par Mandela167(*) et l'élite dirigeante du PN. Tout comme l'expérience rwandaise, l'Afrique du Sud a pu tourner une page de son histoire grâce aux négociations des acteurs. Le contexte de celles-ci doit être pris en compte pour comprendre les significations élaborées par les différents acteurs pendant leurs interactions. L'on est par conséquent au coeur de la vision interactionniste.

Sur la question des amnisties, le PN soutenait une absolution totale et inconditionnelle des opérateurs de la violence d'Etat. Finalement, la Constitution intègrera cette nécessité d'amnistier, néanmoins encadrée. Le 13 janvier 1995, le fait pour le Président De Klerc d'amnistier unilatéralement 3500 personnes n'était pas conforme au consensus arrêté. Et Sandrine Lefranc de souligner : « Le ministre de la justice Dullah Omar, affirmant qu'il n'avait pas été informé de ces mesures, précisa immédiatement qu'il n'en reconnaissait pas la validité »168(*).

La philosophie de l'Ubuntu précédemment évoquée canalise la construction de la réconciliation par l'ensemble des acteurs impliqués. Les leaders noirs et blancs se sont assis ensemble, ils ont discuté des orientations futures à donner au pays pour tourner définitivement la page des années sombres. Le plus important a été la diffusion des orientations au niveau des populations qui ont dû renoncer à l'esprit de vengeance. C'est à ce niveau que des acteurs de la société civile ont joué un rôle déterminant en relayant le discours positif de la classe politique. Comme les acteurs du pardon, ceux de la justice ont aussi eu des échanges construits.

* 164 Sandrine Lefranc, Les politiques du pardon, op.cit ; p.52.

* 165 Idem, pp.52-53.

* 166 Idem, pp 53-54.

* 167 Le 10 mai 1994, dans un discours, il supplia la foule, presque totalement constituée de noirs, de pardonner et proposa que les criminels soient amnistiés.

* 168 Sandrine Lefranc, op.cit ; p. 57.

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