Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)( Télécharger le fichier original )par Alain-Roger Edou Mvelle Université de Yaoundé 2 - DEA 2008 |
CHAPITRE 2 : DU PARDON POLITIQUE : FIGURES, PROCESSUS DE MISE EN SCENE ET VALEUR« Parfois acceptée, d'autres fois rejetée, la figure du pardon prend place dans l'ensemble des discours qui sont tenus sur des justices de transition. Elle est d'ailleurs un motif classique des politiques de sortie de la violence »100(*) Le pardon est un concept dont l'opérationnalité dans le champ politique est problématique à plus d'un titre. Comme le souligne le cardinal Daly, « il faut accepter l'idée que le pardon est une démarche très, très coûteuse et très, très difficile. Il est plus facile de pardonner par procuration et collectivement que de pardonner personnellement au coupable des actes abominables dont on a eu à souffrir »101(*). En effet, dans quelle mesure peut-on objectiver clairement une valeur morale dans un environnement qui a connu des violences inter individuelles d'une cruauté ahurissante ? Comment un être humain peut-il avoir commis des atrocités en toute conscience et bénéficier du pardon ? Si cela est un devoir pour les croyants, l'immersion du concept dans la sphère politique complexifie son élaboration et sa mise en oeuvre. Notre objectif est de comprendre comment le pardon a pu ou non jouer une fonction pacificatrice, à côté de l'impératif de sanctionner les auteurs des crimes, aux fins de diffuser l'idée de `' plus jamais ça !`'. Il s'agit dans ce chapitre de faire un inventaire critique des acteurs d'une part. Ceci va nous permettre de comprendre leurs rôles décisifs ou, inversement, leur influence négative dans le processus de réconciliation. Il ne sera pas question de les étudier en exhaustivité. Aussi nous attacherons- nous à en ressortir ceux dont l'action a été déterminante dans la réconciliation. D'autre part, il est structurant de voir si l'on peut parler d'institution du pardon en Afrique, notamment à partir des deux formes de justices transitionnelles mises en place dans les deux pays. L'hypothèse que nous avançons ici est qu'en Afrique du Sud, la volonté de tourner la page définitivement supplante celle de rendre justice ; ce qui justifie que les principaux acteurs du régime apartheid n'aient pas été poursuivis. Au Rwanda par contre, tout en réconciliant tutsi et hutu, il était important que justice soit prioritairement faite, et que les coupables répondent de leurs actes, ne fusse que symboliquement. Cette situation nous permet alors de suggérer que dans un cas, qu'il y a eu un `'pardon-justice'', et dans l'autre il s'est surtout agi d'une `'justice-pardon''. Section 1 : Identification et fonctionnalité des acteurs du pardonA l'examen des deux sociétés politiques, il apparaît que deux grandes catégories d'acteurs du pardon peuvent être identifiées, à savoir les acteurs individuels et les acteurs collectifs. Les étudier revient non seulement à préciser leur posture dans la chaîne de fabrication du pardon, mais aussi à identifier leurs places dans ce processus. Par ailleurs, il conviendra de démontrer que bien qu'étant une catégorie socialement construite, le pardon est aussi un construit politique dynamique. * 100 Sandrine Lefranc, Les politiques du pardon, Paris, PUF, 2002, p. 15. * 101 Woodstock Colloquim, Forgiveness in Conflict Resolution: Reality and Unity, pp.28-29. |
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