Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)( Télécharger le fichier original )par Alain-Roger Edou Mvelle Université de Yaoundé 2 - DEA 2008 |
D. De la mobilisation des institutions de la société internationale en justice post ApartheidLe Commonwealth est l'institution qui s'insurge contre le régime Apartheid dès son début. Fidèle à son histoire d'ouverture et d'acceptation des différences, c'est tout naturellement que la politique du Parti national va être dénoncée. Les injustices basées sur une ségrégation judiciaire, scolaire, sexuelle, administrative, et humaine sont décriées, en vain. Finalement, l'Union Sud africaine devenue République sort du `'club des gentlemen'' en 1961. Après l'abolition de l'Apartheid, ce club fera entendre sa voix en acceptant la réintégration de l'Afrique du Sud en 1994. Cette réintégration fut conditionnée par des évaluations pertinentes des avancées en matière de justice sociale et d'égalité de chance entre les races dans ce pays. Remarquons ici que l'action n'est pas directe. Contrairement au Rwanda, ce qui est à l'oeuvre se sont plutôt des incitations à l'adoption des lois plus justes, à l'abolition des clivages factices qui demeurent l'émanation des hommes, etc. Cet accompagnement de l'Afrique du Sud est concomitant à son autonomisation quant à la conduite des réformes judiciaires et des procès par les acteurs politiques dominants et les tribunaux nationaux respectivement. En même temps qu'il est mis au banc de la communauté des Etats, l'ordre dirigeant Apartheid va conduire le CIO à exclure le pays des jeux olympiques. Pendant plusieurs années d'absence dans les compétitions sportives internationales, c'est Mandela en personne qui marquera le retour de son pays, à la faveur d'un match de rugby contre la Nouvelle Zélande que l'Afrique du Sud a d'ailleurs remporté. La sanction du CIO est levée en 1992. L'UNESCO, de concert avec le Conseil mondial des Eglises, va aussi jouer sa partition dans la lutte contre les injustices. Plusieurs autres confessions religieuses sont invitées à concevoir des messages de réconciliation, mais aussi de justice car l'un ne va pas sans l'autre. En bonne place, l'Eglise allemande réformée, l'Islam, l'Eglise catholique romaine, et l'Eglise africaine indigène. L'ONU a considéré l'apartheid comme une menace contre la paix et la sécurité internationale98(*). Un Comité spécial contre l'Apartheid a été créé, de même qu'un Fonds d'affectation des Nations Unies pour l'Afrique du Sud. Le Fonds international de défense et d'aide pour l'Afrique australe a permis notamment de fournir une assistance juridique aux prisonniers politiques et d'aider les familles. L'ONU a par ailleurs soutenu la campagne mondiale contre la collaboration militaire et nucléaire avec l'Afrique du Sud (embargo sur les armes). Le `'Shipping research Bureau'' a pour sa part aidé à surveiller l'application des mesures relatives à l'embargo sur le pétrole. Conclusion de chapitre Il était question d'étudier la configuration des acteurs et institutions judiciaires dans les deux pays au double plan interne et externe. Au terme de cette brève analyse, nous affirmons que la pluralité est le trait caractéristique dans ce premier chapitre. Les deux pays pourraient éventuellement servir d'exemple pour illustrer la diversité des structures et des Hommes en charge d'appliquer la justice dans les Etats africains sujets à des défis de sortie de crise. L'appareil que nous avons présenté et, nous osons dire discuté, fonctionne de manière différente ici et là. Il n'est pas déconnecté des orientations politiques données par les acteurs. C'est notamment ce qui justifie la différence entre les deux pays. Quant à la dimension exogène, elle a semblé, en plus des initiatives internes, plus adaptée au cas rwandais, car limitée dans le temps. Faire le procès des génocidaires était une tâche que l'on pouvait facilement déconnecter du procès du système politique. L'externalisation de la justice dans le cas d'espèce visait donc à garantir cette neutralité, gage des procès non politiques à orientation punitive certes, mais pédagogique aussi. La justice internationale a été quasiment absente dans l'autre cas, si l'on excepte l'action des tribunaux américains, qui intervenaient d'ailleurs dans un cadre purement national. Dans l'un et l'autre cas, la justice est l'une des voies par lesquelles le pays passe pour se reconstruire. Comme le dit Jonh Rawls, la justice, d'un point de vue politique, « ne se contente pas de fournir un fondement à la justification des institutions politiques et sociales sur lesquelles l'opinion publique doit s'accorder, mais (...) contribue aussi à garantir la stabilité d'une génération à l'autre »99(*). L'étude du pardon politique en Afrique pourrait confirmer cette posture de la justice et, derechef, celle de la non opposition entre les deux concepts d'un point de vue fonctionnel. * 98 Pour avoir un aperçu des résolutions adoptées à cet effet en 1994, se rapporter à la page 128. * 99 Op.cit ; p. 245. |
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