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Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)

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par Alain-Roger Edou Mvelle
Université de Yaoundé 2 - DEA 2008
  

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Paragraphe 2 : Les institutions internationales dans la justice interne : un indice de l'extranéité du processus

Le Rwanda a connu un regain d'intérêt de l'ONU qui, à son appel, va très vite mettre sur pied le TPIR. Nous nous intéresserons particulièrement à cette institution. En Afrique du Sud, un certain nombre d'institutions vont timidement influencer les réformes dans le secteur judiciaire, et la restauration de la dignité humaine aux noirs.

A. Le TPIR ou l'internationalisation de la justice au Rwanda

Cette internationalisation devrait être entendue comme une extension du champ institutionnel. Celle-ci se justifie, selon le juriste Mégret, de cette manière : « Les crimes internationaux étaient d'une certaine manière, dans l'esprit des membres du Conseil de Sécurité, quelque chose de trop sérieux pour qu'on les abandonne entièrement aux juridictions nationales »84(*). C'est en effet la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui a créé le TPIR, un véritable casse-tête juridique85(*). Selon Jean-François Dupaquier, il « s'apparente à un organe subsidiaire du Conseil de sécurité créé en vertu de l'article 29 de la Charte des Nations Unies... le statut du tribunal et les conséquences juridiques qui en découlent s'imposent à tous les Etats membres conformément à l'article 25 de la Charte. »86(*). Le TPIR est supposé affirmer son indépendance vis-à-vis des autorités du Rwanda, des Nations Unies, et des tribunaux nationaux. Son siège basé à Arusha en Tanzanie a suscité de nombreuses querelles juridiques et politiques. Il était notamment mentionné que les crimes ayant été commis au Rwanda et les victimes étant rwandaises en très grande majorité, le siège devait se trouver à Kigali. La vision du SG de l'ONU était différente. Celui-ci a en effet recommandé que les débats se déroulent en territoire neutre87(*). Quant à l'argument économique, l'absence d'infrastructures au Rwanda a été relevée. En revanche, les personnels de ce tribunal se déplacent régulièrement entre Kigali, Arusha et la Hayes. Les observateurs notent que la tenue des procès au Rwanda aurait eu pour importance de familiariser les juges nationaux avec les pratiques internationales, en y tirant des leçons pour leurs propres expériences. Son mandat a été arrêté en date du 08 novembre 199488(*). Il s'agit pour lui de « juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 199489(*). Selon cet auteur, le tribunal porte en lui les espoirs de justice, de paix et de réconciliation. Trois sortes d'incriminations sont prévues par son statut :

- le génocide, désignant des actes commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux90(*) ;

- les crimes contre l'humanité, qui renvoient aux assassinats, tortures, viols, et autres actes commis dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique contre une population, civile quelle qu'elle soit, en raison de son appartenance nationale, ethnique, raciale, religieuse mais aussi politique91(*) ;

- les violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et celles du Protocole additionnel II de 1977 (sur les conflits armés non internationaux). Ainsi, les crimes de guerre et les infractions aux conventions sus citées dans les conflits internes sont visés.

La procédure applicable est de nature accusatoire. Le TPIR a une compétence qui prime sur celle des juges rwandais. Ceci s'applique dans les domaines de l'identification, la recherche des suspects, la production des preuves, l'expédition des documents, les arrestations et détentions de personnes. En vertu de son statut, il peut demander à un tribunal national de se dessaisir d'un procès en cours à tout moment.

Selon l'article 6 des Statuts du TPIR, « la qualité officielle d'un accusé, même chef d'Etat ou de gouvernement, ou haut fonctionnaire ne le met pas à l'abri des poursuites ». Cette disposition constitue un défi pour la pratique usuelle consacrant des immunités aux Chefs d'Etat pour des actes accomplis pendant leurs fonctions. Toutefois, l'on doute fort que la mise en oeuvre de cette provision soit possible. Son insertion dans l'écriture statutaire du TPIR a davantage une fonction pédagogique quant à l'étendue des sanctions internationales que l'on encourt en cas de commission des crimes divers, sans distinction de leurs auteurs92(*).

Le TPIR comprend 11 juges indépendants. Il existe deux Chambres de première instance comprenant trois juges et une Chambre d'Appel de cinq juges. Un procureur s'occupe de l'instruction des dossiers ainsi que des poursuites93(*). S'agissant des preuves, il est arrêté que les juges apprécient leur force probante. La conséquence de cette latitude accordée aux juges internationaux est que toute preuve valable peut être validée. Selon le règlement du TPIR, s'il existe un doute sur les preuves, de nature à biaiser le jugement final, il peut être ordonné de fournir des preuves supplémentaires94(*). La Cour tient généralement compte de la coopération des accusés, et peut donc leur reconnaître des circonstances atténuantes. Ceci peut aboutir à une grâce ou une réduction de peine95(*).Toutefois, la recevabilité des preuves en matière de viol est très fortement encadrée. En vertu des provisions réglementaires du tribunal, les préalables suivants sont observés scrupuleusement96(*) :

- la collaboration du témoignage de la victime par des témoins n'est pas requise ;

- le consentement ne pourra être comme moyen de défense lorsque la victime a été soumise à des actes de violence, a été contrainte ou soumise à des pressions psychologiques. Il en est aussi le cas lorsqu'elle a raisonnablement estimé que, s'il elle ne se soumettait pas, une autre pourrait subir les mêmes actes ;

- l'accusé doit démontrer que ses moyens de preuves sont pertinents et crédibles ;

- le comportement sexuel antérieur de la victime ne peut être invoqué comme moyen de défense.

Les témoins bénéficient d'un système de protection spécial et les mises en accusation sont exécutoires dès lors que les Etats y font suite, le Tribunal n'ayant pas de force de police97(*).

Le TPIR va donc incarner des valeurs de la justice internationale. Sa composition, son siège et ses règles vont traduire un ensemble de symboles et de pratiques culturelles internationales en matière de lutte contre l'impunité. Sa création et son fonctionnement vont influencer la perception des acteurs internes au Rwanda sur l'orientation des procès de génocidaire par les tribunaux nationaux et la collaboration à apporter à ce tribunal. Ceci confirme donc les postulats de l'institutionnalisme sociologique.

En Afrique du Sud la réflexion sur le rôle du dehors en matière de justice peut acquérir plus de saillance si nous dégageons précisément sa part dans la lutte contre les injustices du système de développement séparé.

* 84 Op ;cit ; p.25 26.

* 85 Pour aller plus loin, lire Rakadomanana, H : « Le Tribunal international pour le Rwanda », Rwanda, Un génocide du XXe siècle, P. 15.

* 86 Op.cit ; p. 75.

* 87 CS/Res/977(1995). Voir les autres résolutions en page 128.

* 88 Cf. S/PV.3453 du 08 novembre 1994, p.16.

* 89 Consulter Frédéric Mégret, Le TPIR, Paris, Pedone, 2002, p. 13. Voir article 6 du Statut du TPIR.

* 90 Article 2 du Statut du TPIR.

* 91 Article 3 du Statut.

* 92 Pour aller plus loin, Emmanuel Décaux, « La mise en place des juridictions pénales ad hoc », in R Verdier, E Décaux, JP Chrétien, Rwanda, un génocide du XXe siècle, Paris, Harmattan, 1995

* 93 Voir pour plus de détails Jean François Dupaquier et alie, op.cit ; pp. 77-78.

* 94 Article de son règlement.

* 95 Article 125 du règlement du TPIR.

* 96 Article 96 de son règlement.

* 97 Pour aller plus loin sur la politique juridique du TPIR, lire P. Akhavan, « The International Criminal Tribunal for Rwanda: The politics and pragmatics of punishment », American Journal of International Law, vol. 90, 1996, pp. 506 et ss. Marshal, Roland, « Justice internationale et réconciliation nationale. Ambiguïtés et débats », Politique africaine, n°92, décembre 2003.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon